Mardi et mercredi derniers, le département de français de l'université de Mascara a abrité un colloque international, portant sur le thème du multilinguisme et le contact des langues en Algérie et au Maghreb. Sujet d'actualité, le parler algérien, pour ne citer que ce dernier, sans pour autant perdre de sa convenance, ne cesse de se modifier au fil du temps et des frottements. Le SMS en est la parfaite illustration avec cette transcription latine qui ne se gène nullement pour dire la chose dans l'arabe dialectal et vice versa. Diverses thématiques furent débattues durant ces deux journées, notamment les écrits d'El Guellil du Quotidien d'Oran qui furent analysés par une jeune chercheur de l'université de Biskra qui fera le commentaire suivant : «Le billet d'El Guellil, dans son genre innovateur, a introduit une nouvelle dimension stylistique qui essaye de faire pont utile entre le français dans sa forme indispensable et l'arabe dialectal. «Dir Kima Jarak ou déménage»: voilà un proverbe bien local qui, s'adressant beaucoup plus à l'affect qu'à l'esprit, peut remplacer tout un bavardage. Dans sa visée élocutoire, ce proverbe s'adresse à un lectorat visé. Difficile toutefois, pour un français, de comprendre cette énonciation. La liberté que prend «El Guellil» avec les mots ne semble pas trébucher aux frontières linguistiques, puisque le dire est un continuel va-et-vient entre deux langues assemblées dans la même transcription. Mais reste quand même accidenté, puisqu'il ne s'adresse qu'à un lectorat limité». Umberto Ecco éminent sémioticien et linguiste affirme qu'on doit surtout «traduire une vision du monde et non seulement des mots». Dans ce propos, que veut dire «la nuit du destin» pour un non musulman ? Le commentaire sportif en langue arabe des journalistes algériens fut l'autre sujet abordé par Benekrouf Blaha, enseignant au même département de Mascara. Pour cet universitaire, les commentateurs sportifs algériens utilisent le duplicata de la langue française pour le dire en arabe. (Sayedat El Kaess) Dame coupe, (Yaoudou min baîd), (revient de loin), (El Farik Kana Dal Linafssihi), le club n'était que l'ombre de lui-même, (Chababik moughlaka) guichets fermées... la main courante intraduisible. Et les exemples du genre sont nombreux dans le commentaire sportif dit en arabe mi-classique mi-dialectal, affirme l'universitaire pour qui le français devient une langue passerelle pour dire la chose. «Dame coupe» est fidèlement traduite en arabe. Et cela peut paraître normal pour un algérien qui cherche dans deux registres pour comprendre, ce qui n'est pas le cas pour un oriental qui ira cueillir le mot dans sa langue native pour exprimer : corner, coach, fault, offside, captain. Tout comme dans le tennis ou le golf où il est très difficile d'aller commenter un match sans aller puiser dans le propre lexique de ce genre de sport. Les Algériens de par leur proximité ont cette capacité d'aller directement dans l'autre langue non seulement dans les mots, mais aussi dans leur contexte et c'est peut être un enrichissement. Le calque est un procédé d'enrichissement permettant l'intégration de formes nouvelles langagières mais l'abus empêche la créativité. cet emprunt doit obéir aussi au système phonétique de la langue d'adoption, conclut l'universitaire. Tout comme le français a réussi à adopter dans son système phonétique nombreux mots d'origine arabe. La langue arabe de par son fort taux dérivationnel (plusieurs mots à un seul radical) est en train d'adopter moult mots étrangers. «Raskalat el kalimat laissa mina tabouhate» (le recyclage des mots n'est plus un tabou).
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Posté Le : 27/05/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : T Lakhal
Source : www.lequotidien-oran.com