Algérie

El Ghaba de Ahmed Atef projeté à Alger : Anges perdus dans la jungle du Caire



El Ghaba de Ahmed Atef projeté à Alger : Anges perdus dans la jungle du Caire
Le Caire cache une jungle dans ses tripes. Là, tous les coups sont permis. La morale n'existe pas et la loi est invisible. Dans El Ghaba, les démons du Caire, Ahmed Atef évoque cela avec la crudité des gore movies. Mais Atef, qui est une notoriété artistique dans le monde arabe, ne fait pas dans le sous genre ni dans le papier mouchoir. Ce n'est certes pas La Terreur des zombies ou Le retour des morts-vivants, mais c'est peut être pire. « C'est que la réalité dépasse largement la fiction », a concédé le réalisateur, lors du débat qui a suivi, dimanche soir, la projection de son film, à la salle Cosmos de Riadh El Feth, à la faveur des Premières journées cinématographiques d'Alger, organisées par l'association « A nous les écrans ». Il a parlé d'un serial killer, Turbini qui, avec une rare violence, violait, tuait et brûlait les enfants des rues. Turbini reprend vie dans le film mais en version soft. Soft ' Turbini, campé par l'excellent Bassem Samra, est un dealer dans un quartier en ruines. Il sème la terreur en s'appuyant sur ses hommes de main, un handicapé et des prostituées. Il frappe tout ce qui barre son chemin. De l'autre côté, Hamoussa, joué par le jeune Ahmed Azmi, voyou au c'ur tendre, est perçu comme un rival par Turbini qui, comme un chat de gouttière, veut marquer son territoire. Turbini veut à tout prix éliminer Hamoussa et récupérer un sachet de drogue. Il n'hésite pas à manipuler les deux filles de joie, Gamila, interprétée par Reham Abdelghafour (une valeur sûre du cinéma égyptien) et Bershama, incarnée par Hanan Motawie. Balafrée, l'une d'elle s'est suicidée dans les eaux profondes du Nil. Entre Turbini, Hamoussa, Gamila et Bershama, Ramdan et ses copains tournent, vivotent, cherchent leur nourriture et leurs habits dans les décharges publiques.Ici un vol, là bas une rixe. Ils sont embarqués et mis en détention dans un pseudo centre de « rééducation » pour mineurs. Centre où les enfants se font violer l'un après l'autre. rééducation, disent-ils ! Ramdan, joué par Ahmed Abdelqawi, fait le mur et fuit l'enfer pour plonger dans un autre. Selon l'Unicef, ils sont un million d'enfants à errer dans les rues du Caire et d'Alexandrie. « Beaucoup de gens ont tendance à considérer les enfants comme de simples petits délinquants qui méritent parfaitement la dure manière dont ils sont traités par la police et les autres autorités », estime Nadra Zaki, administratrice du programme protection de l'enfant de l'Unicef. Et c'est pour tenter de changer cette mentalité qu'Ahmed Atef a opté pour la provocation. « Je voulais montrer la réalité jusqu'au bout », a-t-il dit, soulignant la difficulté de produire ce genre de longs métrages en Egypte. « J'ai pris un prêt bancaire pour produire El Ghaba. Les employés du tournage ont attendu pour percevoir leur salaire. Heureusement que des chaînes saoudiennes Art et Rotana ont acheté le film », a expliqué le réalisateur. Il a reconnu avoir introduit des changements au scénario initial, qui était soutenu par des fonds européens et qui n'était « qu'une histoire poétique ».Aidé par le scénariste, Nasser Abdelrahman, (qui a collaboré avec Youssef Chahine pour son dernier film Le Chaos), il remodèle l'histoire pour l'adapter aux dures réalités cairotes. Il y ajoute l'inceste. La scène dans El Ghaba est dure, une fille violée par son père qui, du coup, ressemble à un monstre. En Egypte, comme ailleurs, dans les sociétés fermées, la perversité des vieux a largement dépassé le frustration sexuelle des jeunes. Ahmed Atef met en exergue également un autre tabou, la torture dans les commissariats. Il montre un inspecteur de police frappant un homme, filmé par son collègue grâce à un téléphone portable. Des scènes probablement ordinaires au Caire, à Alger ou à Damas. Ahmed Atef, qui a obtenu un master sur le septième art aux Etats-Unis, a réalisé un court métrage, Mégot de cigarette, censuré par l'Ecole du cinéma du Caire. « C'était la première oppression que j'ai subi dans ma vie. Cela m'a poussé à m'interroger : pourquoi fait-on des films ' A l'époque, je n'avais pas d'idée claire. Mais, j'ai décidé de faire les sujets que j'aime », a confié Ahmed Atef, qui se dit être un militant anti-censure. Les mots peuvent, selon lui, provoquer une guerre ou faire naître un enfant. Les mots et les images, aurait-il pu ajouter. Ahmed Atef écrit une chronique hebdomadaire dans El Ahram pour dire ce qu'il pense des tourments de la société égyptienne...


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