Presque dix années se sont écoulées depuis
la disparition de l'une des grandes figures de la Révolution qui a donné
du fil à retordre à l'administrateur local de Gerryville.
Evoquer à ce dernier, le nom de ce moudjahed de la
première heure, lui faisait passer, à coup sûr, des nuits blanches, selon les
témoignages concordants de moudjahidine.
Figure emblématique de la lutte armée, Si Fahmi, de son vrai nom Hachemi Bessaih, a tiré sa révérence à l'automne de sa vie, usé par
les séquelles de la torture dans les geôles du colonisateur. Peu avant sa
disparition, nous avons eu l'honneur et le privilège de le côtoyer de très près,
lors de son séjour dans sa ville natale. C'était un homme affable et humble qui
maîtrisait avec art, la langue d'El Moutanabi et
celle de Molière qui n'avait aucun secret pour lui. Après de brillantes études
à la Médersa
de Tlemcen, où nous dit-on, il s'est forgé un caractère d'acier aux côtés de
ses futurs compagnons de lutte, il regagna sa ville natale El-Bayadh
pour embrasser une nouvelle carrière, celle de combattant de la Liberté. La haine
viscérale qui vouait au colonisateur lui valut d'être remarqué par d'illustres
responsables du FLN, tel le Commandant Si Chaib qui
le désigna très tôt en 1955, au poste de principal organisateur, chargé de la
mobilisation du recrutement et de la formation des premiers maquisards dans
cette région. Une mission menée avec succès mais sanctionnée par une série de
poursuites et de harcèlements dont en ont fait les frais tous les membres de sa
famille, qui furent eux aussi emprisonnés et torturés à mort par les troupes
françaises. Il fut le maestro et l'exécutant du premier attentat fidaï, qui s'est produit au boulodrome de Béchar et qui s'est soldé par la mort de plus d'une dizaine
de légionnaires. La riposte de l'oppresseur ne s'est pas fait attendre et la
tête de Si Fahmi fut mise à prix, mort ou vif. Il
représentait un danger réel pour la région de Béchar.
Le succès retentissant de cet attentat le hissa au rang de responsable politico
militaire en 1957, avec des pouvoirs très étendus dans toute la Région III, Zone 08 de
la wilaya. Une promotion largement soutenue et applaudie par ses responsables, notamment
les commandants Si Slimane (Kaïd
Ahmed) et Si Moussa (Benahmed Mourad), Farouche
adversaire de l'administration locale française, tel le roseau, il pliait mais
ne rompait jamais, il eut l'audace, à maintes reprises, de ruer dans les
brancards. Sage et très pudique, il nous disait avec sagesse, que même sans
armes, face à la puissance coloniale, le peuple algérien puisait sa victoire
dans la force de son adversaire. Arrêté puis accusé d'être le cerveau de
nombreux attentats, en février 1958 à Béchar, il dut
subir les pires humiliations suivies de sévices corporels durant trois longs et
interminables mois, dans les cachots d'isolement, avant d'être déporté trois
mois plus tard au sinistre camp de détention de Kenadza
et enfin condamné sans preuves tangibles, à une peine de 03 années
d'emprisonnement.
En
dépit des sévices subits, cet homme aux nerfs d'acier, garda le silence sur ses
activités révolutionnaires. Des séjours successifs à la maison d'arrêt d'Oran
et enfin à la ferme d'Orléansville, réputée être un
camp d'internement pour les révolutionnaires dangereux. Durant son long séjour
dans les geôles de l'occupant, la maison de ses parents, devenue le refuge et
le quartier général des combattants de la Liberté, fut à maintes reprises encerclée par les
parachutistes et à leur tête le lieutenant de sinistre mémoire Bigeard qui
installa le camp de toile de sa horde sauvage, dans un bosquet, à quelques
mètres seulement de l'habitation de la famille Bessaih.
Condamné après sa libération à une assignation à résidence par le général Buffin, commandant le secteur militaire de Méchéria, et ayant échappé de justesse à deux attentats
projetés contre lui par l'OAS, à Oran, il réussira à passer entre les mailles
du filet des militaires et reprendra ses activités de fidai,
notamment sous la direction du commandant Si Abdelbaki.
En mars 1962, il fut désigné par le commandant de la Zone 08 Région 03, Si Abdelwahab (Moulay Brahim) comme président de bureau, lors
du referendum pour l'autodétermination. Son épouse Hadja Zoulikha,
quant à elle, eut l'insigne honneur de confectionner le premier drapeau du
futur Etat algérien libre et indépendant qui fut hissé très haut sur le minaret
de la mosquée de la ville d' El-Bayadh, le premier jour de l'Indépendance, en présence
d'une foule enthousiaste, emportée dans un tourbillon de liesse et de joie
collective. Que ses compagnons d'armes, encore en vie, se souviennent, aujourd'hui,
de ce temple du savoir et du patriotisme, serait sans conteste un minimum de
reconnaissance, de gratitude et le meilleur hommage que l'on puisse rendre à
l'un des glorieux combattants qu'a enfanté et donné la famille Bessaih, à notre si beau pays l'Algérie. Et dire
que pas une rue, ni une place publique ni un établissement scolaire ne porte
aujourd'hui, le nom de cet illustre homme !
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Posté Le : 02/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hadj Mostefaoui
Source : www.lequotidien-oran.com