Algérie

El Baradei, l'homme providentiel '



L’opposant, présenté comme l’alternative la plus consensuelle en ce moment pour fédérer l’opposition égyptienne et mener à bon port le mouvement de révolte, avait, dans la matinée, participé aux manifestations de rue qui ont ébranlé Le Caire. Mohamed El Baradei est rentré la veille de son séjour viennois pour vivre avec ses compatriotes ce «moment crucial dans la vie de l’Egypte». Ce sont là les mots de l’ancien chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la paix en 2005 à son arrivée à l’aéroport cairote. Quelques heures auparavant, l’homme avait déclaré qu’il était prêt à assumer la transition politique en Egypte. «Si la population veut que je mène la transition, alors je ne la décevrai pas», a-t-il déclaré à des journalistes à l’aéroport de Vienne, avant de prendre l’avion qui l’a ramené en Egypte dans la soirée.
L’on ne sait pas très bien quel poids peut avoir Mohamed El Baradei dans le contexte de révolte déclenché depuis quatre jours.
L’on sait que durant au moins l’année écoulée, il a pu se construire la stature du leader potentiel pour liguer les Egyptiens autour de la nécessité du changement à la tête de l’Etat.
Une ambition qu’il réadapte désormais en fonction des évolutions récentes au pays du Nil, en se proposant comme l’homme politique pouvant assurer la transition. Et sur ce plan, au-delà de l’engagement, El Baradei a de quoi rassurer les Egyptiens avec son aura internationale, et le fait qu’il n’ait pas frayé avec l’opposition traditionnelle égyptienne encore moins avec le pouvoir en place. Le leader de l’Association nationale pour le changement, association créée l’année dernière dans la foulée de son implication dans les perspectives de la présidentielle égyptienne, avait ainsi essuyé une virulente et insidieuse campagne de dénigrement de la part des soutiens à Moubarak, lui reprochant notamment de vivre loin des préoccupations des Egyptiens, de défendre des valeurs qui ne sont pas celles de sa société et surtout d’être un cheval de Troie servant des intérêts étrangers. Ce sont sans doute ces accusations que tenté de battre en brèche El Baradei en rentrant au pays la veille de ce «vendredi de la colère» et en allant au charbon aux côtés des Egyptiens. La réaction du pouvoir de Moubarak, qui a perdu la voix durant toute la journée d’hier, et a géré de manière chaotique les évènements (déploiement massif de policiers, puis retrait des places publiques et enfin l’imposition du couvre-feu et le déploiement de l’armée) veut bien dire que la panique a gagné les hautes sphères de l’Etat égyptien après l’implication directe d’El Baradei dans la protestation. Aucun autre opposant n’a été inquiété hier, en effet. Ce traitement «particulier» est perçu déjà comme une erreur tactique, une autre du régime Moubarak, qui, certes, sent venir sa fin et n’arrive plus à contenir l’expression de son affolement.
C’est Mohamed El Baradei qui en engrange le bénéfice d’avoir été, jusque-là, le seul opposant à avoir été suffisamment dangereux pour le régime en place pour le pousser à la mesure, un peu surréaliste en la circonstance, de l’assigner résidence au moment où tout le pays se retrouve au bord du chaos.        
 


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