La prolongation de l'état d'urgence de deux mois a pour but la poursuite du démantèlement des Frères musulmans. Les groupes djihadistes, eux, ont toujours agi sous l'empire de lois d'exception particulièrement sévères sans que le gouvernement réussisse à les éradiquer.« A la lumière de la situation qui prévaut dans le pays », le président égyptien par intérim, Adly Mansour, a prolongé jeudi de deux mois l'état d'urgence décrété le 14 août 2013 pour une durée d'un mois. Les espoirs d'une normalisation de la situation politique et sécuritaire s'éloignent d'autant plus que les Frères musulmans continuent d'appeler à manifester contre le renversement du président Mohamed Morsi, le 3 juillet dernier, par l'armée.
La reconduite de l'état d'urgence semble avoir pour but central de parachever le démantèlement de l'organisation des Frères musulmans, presque décapitée aujourd'hui. Elle ne semble pas viser l'éradication - plus difficile et plus coûteuse en vies humaines - des groupes djihadistes, qui, pendant le règne de Hosni Moubarak, ont toujours agi sous l'empire de lois d'exception particulièrement sévères.
Depuis que l'état d'urgence a été décrété, des centaines de personnes ont été tuées, dont la plupart lors de la dispersion de sit-in islamistes organisées pour dénoncer la destitution du président Morsi. Il n'a pas empêché la multiplication des attentats contre les militaires, les policiers et des membres du gouvernement (le ministre de l'Intérieur Mohamed Ibrahim, le 5 septembre dernier). Plusieurs attaques contre les barrages de contrôle, les commissariats et les convois des forces de sécurité ont eu lieu en différents points du territoire égyptien, essentiellement dans le Sinaï. Pas plus tard qu'avant-hier mercredi, un bâtiment Renseignements militaires dans cette presqu'île frontalière avec la bande de Gaza et l'Etat d'Israël a été la cible d'un attentat à l'explosif.
La responsabilité de ces actions est imputée par la presse, majoritairement favorable au régime en place, à des « djihadistes » soutenus par des « parties étrangères » et dont l'identité n'est jamais davantage précisée. Elle est parfois imputée aux Frères musulmans. L'un des rares attentats à avoir été revendiqués est celui qui a visé le ministre de l'Intérieur il ya une semaine. Il l'a été par un groupe se donnant pour nom « Ansar Bayt al Maqdis » (les partisans de Jérusalem) mais cette revendication n'a pu être authentifiée.
L'identité des groupes armés : flou total
Le flou est, en réalité, total quant à sur l'identité des groupes entrés en action il y a quelques semaines seulement pour les uns et actifs pour d'autres depuis de longues années (ceux opérant dans le Sinaï). S'il n'est pas improbable qu'une partie des Frères musulmans a été radicalisée par la répression, rien, pour l'instant, ne permet d'affirmer que cette confrérie s'est dotée d'un bras armé. Une reconstitution de factions radicales de la Gamaa islamia, responsable d'attentats meurtriers dans les années 1990, est plausible même si cette hypothèse ne se fonde encore sur aucune preuve tangible. Des chefs historiques de cette organisation comme Nageh Ibrahim - connu pour être un des auteurs des « Moragaât » (révisions dans le sens de la modération de la doctrine islamique du djihad) -, ont déclaré leur opposition à la violence politique. Mais d'autres, comme Assem Abdelmaged, sont des membres actifs de l'Alliance pour la défense de la légitimité qui exige le retour au pouvoir de Mohamed Morsi et sont recherchés pour « appel à la haine », entre autres accusations.
Bien qu'ils continuent à manifester tous les vendredis - raison pour laquelle le couvre-feu débute ce jour-là à 19 h et non à 23 heures comme le reste de la semaine -, les Frères musulmans éprouvent du mal à mobiliser leurs troupes. Dans certains quartiers, les « comités populaires » s'opposent, parfois violemment, à leurs manifestations, par hostilité envers les islamistes ou par crainte que des sit-in ne s'organisent près de chez eux, avec tout ce que cela impliquerait comme bouleversements de leur vie quotidienne. Cependant, leur capacité d'action réduite s'explique surtout par la répression qu'ils subissent, sans égale dans leur histoire depuis le règne de Nasser. Beaucoup de leurs dirigeants influents sont en prison, dont le Guide général, Mohamed Badiê, son prédécesseur, Mahdi Akef, et Mohamed El Beltagui, très populaire parmi les jeunes militants. Plusieurs autres dirigeants qui ne font pas partie du premier cercle sont également détenus, de même que des centaines de cadres intermédiaires.
Le gouvernement ne semble pas envisager de mettre hors la loi l'aile légale de la confrérie islamiste, le Parti de la liberté et de la justice mais celui-ci est immobilisé car l'essentiel de son encadrement se trouve derrière les barreaux, comme l'a rappelé un de ses dirigeants encore en liberté, Amr Derradj cité par Foreign Policy.
La décision d'épargner le PJL pourrait être motivée par l'espoir d'y faire émerger une frange qi accepte de pactiser avec le pouvoir intérimaire et de prendre part aux prochaines élections. Cet espoir ne s'est pas encore concrétisé et il est peu probable qu'il le soit dans l'immédiat. La répression que subissent les Frères musulmans fait que toute dissidence en leur sein serait perçue que comme une haute trahison et par conséquent condamnée à rester minoritaire. En revanche, il est à se demander si la répression n'est pas en train de forger une nouvelle direction moins encline au compromis avec le régime que l'ancienne.
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Posté Le : 13/09/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Yassin Temlali
Source : www.maghrebemergent.info