«Construire peut
être le fruit d'un travail long et acharné. Détruire peut être l'Å“uvre d'une
seule journée. » Winston Churchill
C'est en lisant
le dernier numéro d'« Algérie News Week » que je me suis rendu à l'évidence du
double langage entourant cette compagnie qu'est l'EEPAD. Une dichotomie
entretenue par le ministre des PTIC (Postes et Technologies de l'Information et
de la Communication) et le PDG d'Algérie Télécom et ce, dans le même journal!
Un qui manie la carotte et l'autre qui fait preuve d'une rare dextérité dans
l'usage du bâton. Une sorte de Dr Jekyll et de Mr Hyde comme « tutelle » de
l'EEPAD qui n'ont même plus besoin de se cacher ou de faire semblant de
s'entendre. Et, pendant ce temps, « tout va très bien madame la marquise » :
600 emplois directs et 1800 indirects qui vont grossir les chiffres du chômage,
40 000 abonnés qui n'opinent plus du bonnet, 2000 cybercafés qui n'auront plus
que le café à offrir pour survivre et 700 PME qui devront chercher d'autres
fournisseurs que l'EEPAD. Pas mal pour un pays qui cherche (apparemment) à
encourager l'édification d'entreprises de haute technologie et la création
d'emplois à valeur ajoutée! D'aucuns vont me rabâcher que l'EEPAD doit payer
ses dettes et que ses états financiers sont le résultat d'une mauvaise gestion
et que la libre entreprise... Ce discours n'est pas acceptable car l'EEPAD
n'est pas une entreprise qui vend des denrées communes (avec tout le respect
que je dois aux entrepreneurs qui Å“uvrent dans ce domaine). Au contraire, c'est
une des rares compagnies en Algérie à avoir osé investir dans un secteur
technologique de pointe qui se caractérise par sa capacité d'innovation
permanente et qui a un impact significatif sur différents aspects de notre vie.
Ce secteur est d'autre part un socle sur lequel peuvent s'ériger plusieurs
autres activités professionnelles liées au commerce, à l'éducation, à la
culture, etc. En plus, les emplois créés par ce type d'entreprise demandent des
connaissances poussées et des diplômes de haut niveau, ce qui est salutaire
pour nos institutions de formation qui ont du mal à placer leurs diplômés.
Bref, il est aisé de comprendre qu'une compagnie comme l'EEPAD est
difficilement remplaçable si, par malheur, elle venait à disparaître. Alors
pourquoi contempler son agonie et attendre sa mort?
Au-delà de tous les aspects importants reliés
au commerce et à la création d'emplois, ce qui m'interpelle le plus concerne le
volet éducatif de l'EEPAD. Cette entreprise est incontestablement le leader
algérien en matière de l'introduction des TIC (Technologies de l'Information et
de la Communication) dans l'enseignement. Sa plateforme pédagogique Tarbiatic
dédiée à l'enseignement à distance (e-learning) susceptible de mettre en réseau
l'administration scolaire, les enseignants, les élèves et leurs parents était
très prometteuse. Cette approche, qui se compare à ce qui se fait de mieux dans
les pays les plus développés en la matière, aurait pu extirper notre École de
son archaïsme et la hisser de plein pied dans le cyberespace. Cela aurait pour
effet de permettre l'introduction d'approches pédagogiques novatrices qui
manquent cruellement à la réforme de l'Éducation prônée par le ministère et son
« approche par compétence ». Toujours dans la même veine, l'EEPAD a été un
acteur majeur dans l'organisation de colloques internationaux liés aux TIC,
rôle qui a toujours incombé aux organismes étatiques. Qu'est-ce que peut bien
gagner pécuniairement une entreprise à organiser des rencontres scientifiques
internationales de grande envergure en y faisant participer des experts
algériens résidents à l'étranger?
J'ai été agréablement surpris lorsque j'ai
été contacté par le personnel de l'EEPAD pour participer à un colloque
international sur « l'école numérique » qui s'est tenu à Alger en avril 2008.
Un tel événement, organisé par une entreprise privée et regroupant des experts
algériens de tous les horizons, était impensable il y a seulement quelques
années. Ma conférence, à laquelle ont assisté de nombreuses personnalités politiques
et scientifiques, a été retransmise par visioconférence à partir de Montréal.
Cette prouesse technique, qui s'est déroulée sans aucun problème, est le fruit
d'un labeur et d'un savoir-faire développé par les techniciens hautement
qualifiés de l'EEPAD.
Cette même entreprise a organisé un autre
colloque traitant du thème très sensible de la cybercriminalité qui a eu
beaucoup d'écho dans la presse généraliste et spécialisée. Cet intérêt que
porte l'EEPAD aux questions stratégiques de notre pays sont tout à son honneur
et font d'elle une entreprise citoyenne dont on se doit d'être fier. Alors que
faire de toute l'expertise algérienne développée par l'EEPAD? Et que faire de
ses produits de haute technologie et de son réseau national? Les laisser péricliter?
Si nous ne
pouvons pas maintenir en vie une compagnie issue de notre terroir et sauver ses
acquis, comment encourager les compagnies étrangères à investir chez nous?
Sommes-nous
capables de dépenser une fortune pour rééditer des millions de livres scolaires
bourrés d'erreurs mais incapables de sauver une entreprise d'une telle qualité?
Il y a
certainement quelque chose qui m'échappe. Et pas uniquement à moi.
*Docteur en
physique
Auteur d'ouvrages
pédagogiques, Montréal (Canada)
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Posté Le : 15/10/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Bensaada*
Source : www.lequotidien-oran.com