L'Ecole a été précipitée, depuis plusieurs décennies, dans un bourbier, sans qu'aucune institution ne songe à l'en sortir, au nom du droit, de la loi et de la réglementation de la République.L'Algérie est l'un des rares pays, si ce n'est pas le seul, qui laisse l'Ecole, fondement de l'épanouissement d'une Nation, fonctionner au gré de sautes d'humeurs, de clans, d'arbitraires et d'égoïsmes. Depuis quelques années, l'école est, en effet, l'otage de représentants monnayant scolarité des enfants contre accroissement et élargissement d'avantages purement matériels. Pourtant, l'on se rappelle que le secteur de l'Enseignement a été l'un des premiers dont les corps ont vu leurs salaires augmenter, avec un effet rétroactif important. Il a, par ailleurs, bénéficié en mai 2012, d'un statut sous la pression de ses syndicats, alors qu'ils savaient, pertinemment, que le texte répondait juste à une conjoncture de courte durée. « Ils ne se sont peut-être même pas rendu compte qu'ils avaient accepté ainsi de faire régir leur carrière par un texte qui aligne directeurs et professeurs formateurs, sans distinction aucune, » nous expliquent des spécialistes du secteur de l'Education. Le résultat est, pour eux, catastrophique. «Il n'existe aucune autorité dans aucun établissement, » font-ils remarquer. Le chantage et la menace qui pèsent, depuis longtemps, sur le secteur, ont abouti à une seule chose : «casser l'autorité de l'Etat au sein d'une institution qui est un des fondements de la Nation et de la République, » disent les spécialistes. Les dégâts sont lourds. « Ils ne se comptent pas en argent mais en générations, ce sont les enfants scolarisés qui en paient le prix, » disent-ils.Il semble cependant, que la leçon n'a été ni comprise ni apprise. Les calculs de ceux qui tiennent à tirer profit des situations de crise politique, économique, sociale et culturelle, sont intacts. Preuve en est, aujourd'hui, les syndicats remontent au créneau et réclament la révision d'un statut d'à peine deux ans. Au regard de leurs menaces de grève répétitives, ils visent cette fois-ci aussi, à l'avoir à l'arrachée, dans la précipitation et sous la pression. Pour arriver à leurs fins, leur seule arme reste l'école et les enfants. La fermeture des classes, sous l'effet des grèves qu'ils décrètent, est leur seul moyen de lutte syndicale.«EL ATTABA OU LE SEUIL QUI HYPOTHEQUE L'AVENIR DES GENERATIONS»Classée, très souvent, au bas de l'échelle mondiale de l'évaluation du savoir, l'Ecole algérienne n'arrive pas à assurer, convenablement, l'instruction à ses élèves. Dernière recommandation qui vient de lui être faite par des responsables d'institutions internationales : «l'enjeu est que l'école assure le passage à la qualité.» Quand «la casse des établissements scolaires est savamment construite, il n'est pas possible de parler de qualité mais de reconstruction de l'Ecole, aux sens matériel, moral et éthique, » pensent les experts. L'on nous indique qu' «une enquête a été menée et a démontré que l'effet établissement est très important dans la réussite scolaire. » Mais, affirment les experts « quand l'école est soumise à des jeux pervers, quand son directeur occupe un poste et non une fonction dont il doit s'acquitter, quand la maturité fait défaut, quand ‘el attaba' ou le fameux seuil réclamé par les élèves, hypothèque l'avenir des générations, à cause des grèves cycliques, alors que dans tous les pays du monde, il est question de progression, dans les programmes, au profit de l'enfant, il est urgent de réagir et de sauver ce qui peut l'être. » A défaut, « l'Algérie devra faire appel à l'expertise étrangère, dans tous les domaines, parce qu'elle aura échoué dans la formation de ses propres enfants. » A chaque fois qu'il y a une grève, pour faire vite, les enseignants sont obligés, expliquent nos interlocuteurs de « ramasser » les programmes et non pas de les enseigner. » Les élèves, eux, ne font pas plus d'effort. Ils veulent que les sujets des examens de fin d'année portent, uniquement, sur la poignée de cours qui leur ont été assurés. C'est ainsi que, d'année en année, le niveau scolaire baisse et le savoir se perd entre ‘el attaba' et le copier-coller d'Internet auxquels les instructeurs ne font même plus attention. « Il faut réécrire les programmes, remettre les valeurs nationales dans leurs positions, » recommandent les experts. Ils affirment, au passage, qu'«à peine 2% des livres évoqués, en milieu scolaire, sont d'auteurs algériens. Ceci, même si l'élève algérien ne sait pas ce que c'est une fiche de lecture parce que l'enseignant ne l'oblige pas à lire.«L'ECOLE, UN ENJEU REPUBLICAIN DE TAILLE»L'Ecole algérienne baigne dans une anarchie totale. Les pouvoirs publics l'ont laissée immerger dans un bourbier et semblent s'en laver les mains. Ceux qui croisent le fer avec la tutelle pensent, d'ailleurs, qu'elle appartient à Noria Benghebrit, une ministre qui doit affronter, seule, la fronde, alors que l'Ecole appartient à la République. Il est d'ailleurs curieux que ni la présidence de la République, ni le Premier ministère, ni le ministère du Travail, ni celui de l'Intérieur, encore moins l'UGTA, n'ont pris la peine de réfléchir à une sortie d'une aussi grave crise qui est celle de l'Ecole. Si la présidence de la République a pensé à réunir un conseil interministériel extraordinaire pour examiner le dossier du gaz de schiste, elle se doit, aujourd'hui, de placer l'Ecole en tête de ses priorités. Le Premier ministère n'a, lui non plus, à aucun moment, fait preuve de fermeté pour remettre les choses à leur place et situer les responsabilités, afin de les départager, conformément aux lois et règlements de l'Etat. Le ministère du Travail ne fait pas plus puisqu'il ferme les yeux sur des agissements contraires aux textes qu'il est pourtant chargé de défendre et de faire appliquer, en toute transparence. Le ministère de l'Intérieur est lui, toujours resté muet devant le délabrement des établissements scolaires et parfois même de leur détournement, au profit d'autres entités, alors qu'ils sont à la charge des collectivités locales. « Avez-vous vu un seul maire (P/APC) s'enquérir, au cours de l'année scolaire, de l'état d'une école, de ses sanitaires, de sa cantine ou de son infirmerie '» demandent nos interlocuteurs. L'UGTA reste, elle aussi, aux abonnés absents dans cette crise du secteur de l'Education nationale qu'elle aime, pourtant, tant. Elle a bien été à l'origine (auprès du gouvernement) de l'adoption de son statut et garde, depuis toujours, ses Oeuvres sociales sous la main ; ce lourd dossier qui fait parler et baver tout le monde. Les experts pensent qu'il est préférable d'organiser un référendum, au sein de la profession, pour décider de son mode de gestion, central comme il est aujourd'hui ou local à l'échelle wilaya. Mais la réflexion n'est même pas possible dans ce désordre sans fin. En l'absence du Conseil national de l'Education dont l'installation tarde à venir, en raison des évolutions de la configuration sociale du pays et d'autres, peut-être, politiques, il est urgent de désigner un espace où, disent les experts « on doit parler de l'avenir de l'école. »Il est, aussi, urgent que les plus hautes institutions de l'Etat y remettent de l'ordre et lui consacrent la place qui lui sied. « L'école primaire est un enjeu républicain de taille, » disent les spécialistes. « Il faut, absolument, que le rapport à la loi et le rapport au travail doivent être, non seulement, clairement définis et établis mais bien liés entre eux, » affirment-ils.
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Posté Le : 09/02/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com