Algérie

Education: la guerre permanente



Les réseaux sociaux pullulent de réactions, de menaces et d'alertes à «l'ennemie» BenghebritLes gardiens de la vertu ont débordé le cadre du débat pour s'installer carrément dans le harcèlement, plaçant de ce fait la ministre de l'Education dans un état de guerre permanent.
Tapis dans l'ombre, ils avancent masqués, mais leur cible est parfaitement identifiée. Les islamo-conservateurs ont la gâchette facile quand il s'agit de canarder Nouria Benghebrit. L'annonce par la ministre de l'Education nationale de redonner au référent culturel algérien «la place qui lui sied» et d'accompagner l'apprenant pour «pouvoir construire son identité» a suffi à cette mouvance pour dégainer. Nouvel acharnement, nouvelle levée de boucliers La blogosphère s'enflamme, les réseaux sociaux pullulent de réactions, de menaces et d'alertes à «l'ennemie» Benghebrit. «Elle veut revenir à l'enseignement de la daridja qui est une menace pour la langue arabe», crie-t-on sur la Toile. Dans une allocution prononcée lors d'une cérémonie de distinction de 10 élèves lauréats du Concours national de composition épistolaire, organisé par le ministère de la Poste, des Télécommunications, des Technologies et du Numérique, Nouria Benghebrit a mis l'accent sur la nécessité de redonner au référent culturel algérien «la place qui lui sied» et d'accompagner l'apprenant pour «pouvoir construire son identité littéraire». «Nous devons valoriser l'intelligence algérienne, redonner au référent culturel algérien la place qui lui sied et accompagner l'apprenant pour pouvoir construire son identité littéraire à travers ses écrits et ses lectures d'oeuvres algériennes», a indiqué Nouria Benghebrit ajoutant que «nous ne pouvons continuer à être de simples consommateurs dans le monde qui nous entoure». Des propos extrêmement «dangereux» selon les islamo-conservateurs qui semblent obéir à un chef d'orchestre bien outillé en la matière. L'enseignement de la daridja enclenchée en 2015 lors de la Conférence nationale sur l'évaluation de la mise en oeuvre de la réforme de l'école, la prétendue suppression de la «besmala» (la citation «Au nom de Dieu clément et miséricordieux») des manuels scolaires. Cela n'a pas suffi pour qu'ils remettent une couche tout récemment avec «sourate El Ikhlass» qui a soulevé l'hystérie des conservateurs. C'est parce que Djilali Mastari, directeur du Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle, Crasc, a osé dire qu'il est difficile pour les élèves de comprendre la «sourate El Ikhlass», que l'on conclu que cette sourate sera supprimée. Comme si le Crasc était le ministère de l'Education et comme si un avis était une décision applicable sur le champ. Mais les gardiens de la vertu savent bien malaxer les amalgames pour que la mayonnaise des polémiques prenne. Ils ont débordé le cadre du débat pour s'installer carrément dans le harcèlement plaçant de ce fait la ministre de l'Education dans un état de guerre permanent. D'un côté il faut calmer les ardeurs d'un puissant syndicat et de l'autre elle doit slalomer sur le parcours sinueux d'un secteur en proie au péril islamiste. Nouria Benghebrit ne compte plus les coups et les insultes. Elle a été «d'origine juive», ensuite francophone et la liste des «péchés» de cette Dame est encore longue. Elle se bat pour moderniser l'école. Il s'agit bel et bien d'un enjeu majeur. L'école est le terreau par excellence de la modernité dans son expression universelle, elle est la quintessence du savoir et de la dispense des vertus, de la rationalité et de l'esprit critique. L'énoncé est étouffant pour les tenants de l'obscurantisme. A voir la violence et l'acharnement des propos, on se posera la question s'ils n'obéissent pas eux-mêmes à des agendas politiques précis. En d'autres termes, cela tiendrait à une logique géopolitique dont les effets ravageurs sont vécus aujourd'hui dans la majorité des pays arabes. N'est-il pas alors opportun d'enquêter sérieusement dans cet étang où baigne une dangereuse faune' Ce qui attise encore davantage la curiosité est que ces attaques coïncident avec le matraquage médiatique et confessionnel diffusé à travers des télévisions satellitaires et des sites Internet. Il y a l'école elle-même à protéger, mais il faut aussi «débrouiller» derrière l'école pour éviter les départs de feux.


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