Algérie

Édition Parution en octobre de La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 d’Alain Ruscio



Publié le 21.09.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie

KADER BAKOU

La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 (éditions La Découverte), le nouveau livre d’Alain Ruscio, paraîtra le 3 octobre 2024 en France.
L’essai La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 est une synthèse unique sur la conquête militaire de l’Algérie, prélude de 132 années de colonisation. En France, l’expression «guerre d’Algérie» désigne la guerre de Libération nationale (1954 et 1962). Mais, cette guerre ne fut pas la première, rappelle l’historien français Alain Ruscio, car dès 1830, avait commencé ce qu’il a appelle «la première guerre d’Algérie».
«La ‘‘première guerre d’Algérie’’ commença le 14 juin 1830 à 4 heures du matin, lorsque le premier soldat français posa le pied à Sidi-Ferruch. Les conquérants furent d’emblée confrontés à une force de résistance qu’ils n’avaient pas imaginée, dont la figure emblématique reste l’Emir Abd el-Kader. S’ensuivirent deux décennies d’affrontements d’une intensité et d’une violence extrêmes. Le maréchal Bugeaud et bien d’autres officiers appliquèrent et souvent amplifièrent sur le terrain la politique répressive décidée à Paris par François Guizot, Adolphe Thiers, Jean-de-Dieu Soult, etc. Par milliers, les Algériennes et les Algériens furent humiliés, spoliés, déplacés, enfumés, massacrés, décapités…
En 1852, Hugo décrivait cette française, «faite féroce par l’Algérie», lit- on dans la présentation de l’ouvrage d’Alain Ruscio. «Pourtant, cette politique de terreur fut approuvée et même justifiée par de grands intellectuels de l’époque, comme Tocqueville et Lamartine. D’autres, très minoritaires, dénoncèrent la conquête, au nom de critères plus pragmatiques qu’éthiques ou politiques», lit-on plus loin. En résumé, «prélude à cent trente-deux années de présence française, la conquête de l’Algérie constitue un moment décisif dans l’émergence de l’esprit colonial – et racial – qui marqua durablement la société hexagonale, et produit encore aujourd’hui ses effets délétères. Une synthèse inédite et sans concession sur des événements aussi déterminants que méconnus.»
Dans La première guerre d'Algérie, Alain Ruscio écrit donc sur l'histoire des deux décennies (1830-1852) au cours desquelles l'Algérie fut conquise malgré la résistance acharnée des Algériens. Il s’attaque, ainsi, à une période de l’histoire (violente) de la colonisation de l’Algérie beaucoup moins étudiée et commentée que celle de la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). Retracée en 784 pages, cette histoire s’appuie sur une masse considérable de sources souvent inédites. L’historien dresse avec précision le terrible bilan (humain et matériel) de cette première guerre coloniale en Algérie, tout en soulignant qu’en 132 ans, la France n’est jamais parvenue à soumettre entièrement la résistance des Algériens.
Dans sa présentation de l’ouvrage d’Alain Ruscio, la revue Histoires coloniales rappelle qu’en 1891, une délégation de sénateurs, dirigée par Jules Ferry, se rendit en mission en Algérie. Elle auditionna un conseiller de Constantine, Taieb Morsly : «Nous sommes en Algérie quatre millions d’indigènes musulmans. Nous vivons au milieu d’un demi-million d’Européens dont la moitié à peine des citoyens français. Or, ces derniers ont seuls la direction et, pour ainsi dire, le monopole des affaires du pays, portant tout le profit. À eux les conseils municipaux, généraux et le Conseil supérieur du gouvernement ; à eux les emplois, les offices, les gros et les petits traitements. À eux les finances, les budgets, les allocations, les millions que la munificence de la France jette chaque année en Algérie. À eux les concessions, les meilleures terres, les villes, les villages, les fermes. À eux tout, à nous rien. Pourtant, nous sommes seize fois plus nombreux et – toute proportion gardée – nous payons en contributions de toutes sortes au moins le double ou le triple.»
Le bilan humain et démographique de la conquête militaire est terrible : «André Nouschi, dans sa thèse sur le Constantinois, se livra à une méticuleuse reconstitution pour aboutir à la conclusion que la région étudiée était passée de 1,2 million d’habitants, à 934 210 en 1849.» Chez les chercheurs contemporains, ce bilan a entraîné des controverses interminables. Daniel Lefeuvre a proposé de retenir une fourchette entre 250 et 300 000 morts. Jacques Frémeaux donne une estimation de 400 000 victimes pour la période 1830-1856. Kamel Kateb a proposé, pour la période 1830-1872, le chiffre de 825 000. Pour Djilali Sari, il y aurait eu un million de morts. Par comparaison entre la population de Tunisie et celle de l’Algérie, pour la période 1830-1880, si elle avait connu une progression « normale », semblable à celle de sa voisine, la population algérienne aurait été plus élevée, dans des proportions de 11 à 17 %. Selon Kamel Kateb, il y aurait eu 750 000 Algériens non combattants morts soit lors des répressions, soit du fait de maladies ou de famines. «Si l’on retient, comme Kateb, une estimation originelle 4 millions, cela représente tout de même entre 10 et 12,5 %. On est donc en présence de l’une des plus grandes pertes démographiques de l’histoire moderne» (revue Histoires coloniales».
L’armée française appliquait la politique de la terre brûlée. En une seule campagne, le général Baraguay d’Hilliers avait brûlé 5 000 oliviers ; le sous-directeur de la province de Philippeville et Constantine fait remarquer : «Si nous appauvrissons le pays d’avance, qu’en ferons-nous quand nous l’aurons ?» Vingt années après la conquête, le gouverneur général, le général de Martimprey, fait le constat : «La population meurt littéralement de faim. La population est devenue herbivore. Une mortalité affreuse en est la suite. Depuis les vieillards jusqu’aux enfants à la mamelle, on ne trouve partout que des visages exténués.»
Le maréchal Bugeaud avait lui aussi fait son constat : «Pour l’Algérie : vingt années de guerre, une société frappée de plein fouet… mais les Arabes restent debout.» Il avait aussi expliqué aux députés français qu’il y avait «quatre millions d’Arabes, tous guerriers, tous parfaits cavaliers, de l’enfant au vieillard de 93 ans». Bugeaud enchaîna pompeusement : «moi, maréchal Bugeaud, j’ai commandé l’armée capable de refouler un tel peuple. Mais après moi ?» Le 1er novembre 1954, sonnera le glas du colonialisme français en Algérie, puis de tout un empire colonial.
Alain Ruscio, né en 1947, est historien et chercheur indépendant. Au début, il avait consacré l'essentiel de son travail à l'Indochine coloniale et à la phase finale de cette histoire : la guerre dite française d'Indochine (1945-1954).
Il dirige aussi un Centre d’information et de documentation sur le Vietnam contemporain, qui a pour mission de collecter, de classer et de mettre à la disposition du public une masse importante de documents de toutes provenances et en plusieurs langues (vietnamien, français, anglais…).
Alain Ruscio a consacré de nombreux ouvrages à l’histoire de l’empire français, de l’Indochine à l’Algérie. Son livre La première guerre d’Algérie. Une histoire de conquête et de résistance, 1830-1852 est le troisième publié aux Éditions La Découverte, après Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS (2015) et Les Communistes et l’Algérie. Des origines à la guerre d’indépendance (2019).
Kader B.



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