Algérie

Eddir Loungar, la «jolie» histoire française du patron qui veut s'offrir le MC Alger



Il est attendu par les supporters du Mouloudia d'Alger comme le messie qui sauvera le club de la banqueroute. Eddir Loungar a promis 10 millions d'euros, mais négocie au plus près pour prendre le contrôle de la SSPA surendettée, à moindre coût. Mais d'où vient donc ce PDG auvergnat à la tête d'un holding de 46 sociétés auquels ses vis-à-vis du MCA s'apprêtent à demander des garanties financières ? Enquête à Evry, son fief de la couronne parisienne où les avis ne sont pas univoques.

Dans une France en panne d'ascenseur social, le parcours de Eddir Loungar détonne. Voilà une vingtaine d'année, le jeune homme de 18 ans diplômé d'un brevet d'études professionnelles (Bep) mécanique, quittait sa ville natale de Montluçon, en Auvergne, pour s'installer à Paris. Il est dirige aujourd'hui discrètement de main de maître, un holding, LM, qui rassemble 46 sociétés. Eddir Loungar a été sapeur-pompier, a eu deux enfants, a suivi des études de commerce à HEC, puis s'est mis à fonder des entreprises. Une première entreprise, puis deux, trois, quatre... Il y a de l'obstination appliquée dans ce destin entrepreneurial qui l'a placé à la tête d'un conglomérat estimé, en 2010, à 100 millions d'euros. De l'audace aussi. Une ascension si fulgurante recèle forcément de jolis coups de poker. Bodyguard en fait partie. Le jeune entrepreneur a tout juste 23 ans quand il crée en 1993 cette société de surveillance et de sécurité incendie. Dix-neuf ans plus tard, l'entreprise est leader en France dans le domaine de gardiennage et la protection, avec un chiffre d'affaires de 27, 5 millions d'euros (bilan d'activité 2010). Un coup d'Å“il sur quelques-uns de ses clients renseigne sur sa notoriété: de nombreux ministères et collectivités territoriales français, des enseignes de luxe telles que l'Oréal, Hermès, Nina Ricci ou encore des institutions renommées comme l'Université de la Sorbonne, la chaîne de télévision TF1, la chambre de Commerce de Paris. Grâce au succès de Bodyguard, son Pdg est devenu en quelques années un interlocuteur incontournable dans le monde des affaires en France.

DE L'AS EVRY AUX PIECES JAUNES

Soucieux de la bonne marche de ses entreprises, le dirigeant soigne son image en se faisant mécène. Près de chez lui, d'abord, à Evry, en Ile-de-France, où il a installé ses sociétés dont le siège de Bodyguard. A l'été 2002, il est sollicité par le club de football de l'AS Evry, alors «dans une mauvaise passe » selon le président de l'époque, Pascal Lanvin. «Pendant trois ans, M. Loungar nous a apporté son soutien financier. Heureusement qu'il était là. Grâce à lui, le club a réussi à sortir la tête de l'eau », explique l'ex-dirigeant, aujourd'hui au poste de vice-président. «Une fois la situation financière redressée, nous avons voulu passer à une étape un peu plus ambitieuse, à savoir le recrutement de plusieurs joueurs reconnus ». Lorsque Lanvin parle de son projet à Loungar, ce dernier lui demande si 30 000 euros suffiront à recruter deux bons joueurs pour faire monter d'un palier l'équipe alors en division d'honneur. «Je vous dis franchement, j'ai dit oui », confesse Pascal Lanvin. Sauf qu'à la fin de la saison, l'AS Evry troisième, manque malheureusement l'accession. Le challenge sportif n'ayant pas été tenu, le mécène met fin à son financement. Eddir Loungar n'aime pas l'échec ! «Ça a été un véritable coup de massue car on comptait vraiment sur l'aide de Bodyguard » se souvient Pascal Lanvin. Moins coûteux et plus bénéfique, le jeune entrepreneur engage en 2011 sa société de sécurité dans l'opération Pièces Jaunes en faveur des enfants hospitalisés. L'opération est initiée par la Fondation des hôpitaux de France présidée par Bernadette Chirac, l'épouse du président Jacques Chirac et parrainée par Christian Karembeu, ex-joueur de football en l'équipe de France. Cette année-là, l'homme d'affaires acquière au nom de Bodyguard un tracteur d'une valeur de 10 000 euros intégralement reversés à la Fondation.

UN PATRON EPINGLE PAR LES SYNDICATS

Voici un chef d'entreprise qui règne sans partage sur son empire. Il s'est construit tout seul et a tout construit seul. C'est donc lui-seul, ou presque, qui dirige sa kyrielle d'entreprises regroupées dans LM Holding. Un nom d'ailleurs formé par la première lettre du nom de famille de chacun des deux époux, Loungar et Mériaux. L'empire Loungar s'étend aujourd'hui sur des territoires très contrastés : il comprend bien sûr la sécurité et le gardiennage avec une parcelle dédiée à la formation, va de la finance avec «LM et Fils » aux confins de la restauration et ratisse même sur les terres de l'immobilier. Près de 2 000 personnes travaillent chaque jour à la bonne marche de ces différents métiers. Le gros des troupes se retrouve chez Bodyguard. Et s'organise. En ligne de mire des organisations syndicales : les dysfonctionnements du comité d'entreprise. L'avocate pour l'année 2010-2011, Me Aurélie Bousquet, témoigne de son combat devant la justice pour faire respecter l'accord collectif signé par le Pdg, Eddir Loungar. «Il y a encore pas très longtemps, les salariés de l'entreprise étaient sans mutuelle. Il a fallu se battre pendant plus de deux ans pour qu'ils accèdent enfin à une couverture sociale complète. A présent, la situation est régularisée : les salariés ont la possibilité d'adhérer à une mutuelle et bénéficient d'un budget social mais le conflit social demeure endémique ». Olivier Champetier, secrétaire de l'union locale CGT Evry connaît bien Bodyguard et son dirigeant. Ils lui donnent beaucoup de travail. «Chaque année, une quarantaine de dossiers sont déposés devant le tribunal de Prud'hommes d'Evry. Sans parler des procédures que nous avons engagé en commun avec la CFDT pour contester la validité des élections du CE ou obtenir une expertise économique».

Voici un homme qui a réfléchi, qui a investi, qui a bâti, avec méthode et rapidité, une véritable fortune, difficilement estimable mais certainement rentable. Une «jolie » histoire de self made man à la française qui aurait pu, dans la caricature, servir d'argument électoral pour dire que tout n'est pas fermé pour les beurs méritants. Eddir Loungar s'affaire à fructifier son tentaculaire réseau d'affaire par des défis sans cesse renouvelés. Aujourd'hui le challenge est sur le point de l'amener à traverser la Méditerranée. Par delà les distances, les difficultés et les détracteurs. Vers l'Algérie terre de ses parents… et du Mouloudia Club d'Alger.




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