Ecritures, le cercle des poètes disparus
Eloge de la clarté en poésie Le poète est celui qui accepte d?être esclave attentif à ce qui le dépasse(1). Mais la poésie dite « moderne » a trop souvent, hélas !, été un alibi commode, car irrécusable, aux impostures du verbe. Combien de formules obscures ont parsemé ainsi nos lectures de certains poètes algériens (et étrangers), formulés dont on attend toujours quelques lumières ! Et s?il faut se plaindre de l?accueil extrêmement mitigé que réservent actuellement nombre de lecteurs de par le monde à un genre littéraire quasiment disparu, ne faut-il pas en chercher la cause d?abord dans la protection de ces poètes à confondre désir légitime de profondeur et hermétisme rébarbatif et gratuit ? Certes, il existe un mystère de la poésie « inconcevable, encore qu?il soit intelligible s?il joue en nous et pour nous »(2). Cependant, la clarté dans le verger de la poésie est comme un fruit mur, ayant atteint sa pleine maturation, soulagé du chiendent verbal qui corrompt le sens des mots qu?il envahit. Un poète, tel un jardin ou une partie, est une terre avec laquelle il est indispensable de nouer un pacte. Dans l?acte de naissance du poème, l?essentiel n?est pas de « se fier aux mots tout nus, mais bien à un certain effort patient qui les réunit et les associe »(3). Ainsi, un adjectif insolite qui habille de manière inédite un substantif n?est pas forcément créateur de poésie. Et une « nuit unanime » (Jorge Luis Borges) est plus propice à une aurore poétique qu?une quelconque nuit absconse, plus propice à la maison. Le travail du poète est par excellence un travail de rigueur, de minutie, et sa vue de crête ne souffre d?aucune vague lorgnette. Les plus grands textes - tant difficiles que de lecture aisée - restent toujours d?une belle netteté. Et si un grand texte est difficile, il existe simplement un lecteur talentueux afin de l?enrichir et de s?enrichir en sa compagnie. Néanmoins, « la part de profondeur et d?esbroufe dans toute formule obscure, comment les démêler ? »(4). Ecrire à la vérité, c?est répondre aussi bien à une exigence intérieure que satisfaire à une honnêteté intellectuelle vis-à-vis de soi-même à un horizon de sens et non pas à un trou noir. L?audace en poésie a souvent permis d?ouvrir des brèches dans le vieux langage, mais tant de « modernité poétique » s?est fourvoyée dans des langues de bois ou de plastique ! A la recherche éperdue de voies et de voix nouvelles. Reste que chaque quête créatrice (même hésitante, même maladroite) est un exercice noble et une possibilité de source de vie, face aux vocations mercantiles précoces des héros d?aujourd?hui ! Libraire - Tlemcen 1- G. Perros 2- J. Paulhan 3- Ibid 4- Grosjean
Posté Le : 01/12/2005
Posté par : sofiane
Ecrit par : Amine Bouali
Source : www.elwatan.com