Algérie

Echéances électorales: Calculs et guerre des tranchées



En prévision des échéances électorales à venir, le FLN et le RND se livrent à une véritable bataille politique de tranchées

La publication, le 8 août dernier, d'un bilan semestriel de l'action du gouvernement, même si elle n'a pas eu les critiques escomptées, est restée à travers la gorge de bien de milieux politiques notamment partisans. Elle l'est d'ailleurs jusqu'à présent chez les rivaux du RND qui pointent du doigt le caractère «sournois et vicieux» du geste. C'est très vite qu'Ahmed Ouyahia est accusé «de faire dans un jeu trouble» en s'adonnant à «des actes à double tranchant.» Certains responsables du FLN n'ont ainsi toujours pas avalé la chose. «On ne comprend pas pourquoi un tel bilan n'est pas dénoncé alors que c'est une tactique du Premier ministre en prévision des élections à venir,» nous dit l'un d'entre eux. L'aspect «double tranchant», notre interlocuteur le perçoit dans le contenu même du communiqué portant bilan du gouvernement. Il y décèle « des chiffres certes positifs mais assez erronés pour semer le trouble.» Ouyahia, explique-t-il, «se rend parfaitement compte que de tels résultats sont faux. S'il est le favori des présidentielles à venir il pourra les brandir pour vanter l'action de son gouvernement mais s'il voit que ce n'est pas le cas, il le brandira quand même mais c'est pour accuser l'entourage du Président de mauvaise foi.» Les critiques positives ou négatives soient-elles, dissimulent mal une guerre de tranchées que les frères ennemis, le FLN et le RND, ont décidé de se livrer pour accaparer le plus d'espaces possibles en leur faveur respective. Des responsables du FLN pensent que « par les ruses de son secrétaire général, le RND a d'ores et déjà commencé à planter des témoins à cet effet. » Alors «il prend ses précautions et tente de marquer des points comme ce fameux bilan semestriel qu'il a publié alors que ça n'a jamais été le cas auparavant. Ouyahia est malin, il cumule des points par des actes qui paraissent de prime abord anodins mais qui pourraient avoir des effets désastreux sur le cours des événements. » Pour nos interlocuteurs, « il n'est pas évident qu'il utilisera tous ces témoins, mais ça sera au fur et à mesure des besoins de la campagne qu'il mettra en route.»

Le changement par incompatibilité d'humeur

D'ailleurs du côté du RND, «les choses se font discrètement pour ne pas provoquer les démons.» Le bouche à oreille a lâché ces jours-ci des bribes d'une sèche «mise au point» du président de la République à son Premier ministre. L'on raconte que dès les premiers jours des auditions de ses ministres, Bouteflika a pris un moment pour «écouter» Ouyahia en tant que Premier ministre et Belkhadem en tant que ministre d'Etat et conseiller. Il leur aurait reproché «par des termes durs» leur flegme vis-à-vis d'une situation économique et sociale «désastreuse». Si Belkhadem aurait, selon nos sources, baissé la tête pour laisser la tempête passée, Ouyahia aurait lâché pour se défendre un malheureux «je suis désolé.» Le Président lui aurait répondu de suite «il fallait être désolé et agir avant de venir ici !» C'est dire que l'incompatibilité d'humeur entre les deux responsables n'a pas craqué après tant d'années de proximité entre eux.      Elle semble prendre même du poids puisque Bouteflika a dû s'apercevoir qu'Ouyahia tient bien à s'assurer une grande marge de manÅ“uvre sur laquelle il tanguera dès qu'il en sentira le besoin. Mais ceci est sans compter avec cette espèce de complicité qui lie Bouteflika et Belkhadem dans les moments les plus durs de leur cursus politique respectif. Complicité qui aurait fait prendre d'ores et déjà Belkhadem une grande avance sur Ouyahia. L'on apprend ainsi de sources sûres que le secrétaire général du FLN a effectué il y a près de 5 mois, un voyage aux Etats-Unis qui lui a permis d'arracher un «bon point» intéressant en termes de soutiens politiques. Belkhadem a, dit-on, rencontré la secrétaire d'Etat à Washington et s'est entretenu avec elle sur les réformes politiques amorcées par le Président et les échéances électorales à venir. Les discussions avec Hillary Clinton semblent avoir gonflé les ambitions politiques de l'homme.           Elles lui auraient surtout permis, selon des sources crédibles, de croire en un destin présidentiel quasiment sûr en ces temps de révoltes arabes télécommandées.

Le rêve inachevé de Saïd Bouteflika

Au FLN, les esprits gambergent profondément. Ils en sont même arrivés à l'étape des calculs des gains électoraux au profit d'un Belkhadem « qui passe très bien pour un islamiste modéré aux yeux des Occidentaux. » Mieux encore, le tour de la question de sa crédibilité au plan national est vite fait « si on le compare avec la réputation qu'a Ouyahia, » nous disent nos sources. Ainsi, voit-on que les raisonnements politiques se doivent-ils d'être changés à la faveur des évolutions nationales et internationales. Il faut croire que les décideurs arabes ont été obligés de troquer leurs ambitions hégémoniques contre celles produites par les laboratoires américains.

 Plus question d'hériter ou de faire hériter le pouvoir. Les situations qui ont fait rêver Saïd Bouteflika du siège présidentiel ne sont plus d'actualité. L'on croit qu'à défaut, ce dernier se serait contenté d'empoigner plus durement les derniers moments de règne qui reste au Grand frère. Fatigué, ce dernier aurait pris beaucoup de recul par rapport au pouvoir. Seulement, Saïd lui aurait demandé de ne pas penser à le quitter «avant échéances. » L'on dit que le Président a affirmé qu'il ferait partir «tout le monde en même temps le moment voulu.» Allusion faite au patron du DRS qui aurait exprimé le vÅ“u de partir mais Bouteflika le lui aurait refusé. Le Président est donc encore le seul à commander « le moment du changement.» D'autant qu'il continue «de jouir d'appuis occidentaux rassurants,» estiment nos sources. Il garde alors les tablettes en main. Des milieux qui lui sont proches parlent «d'importants changements de personnels politiques.» Début, fin septembre, d'ici à la fin de l'année ? «Nul ne sait quand mais il a fait comprendre à ses proches qu'il changera des responsables,» nous dit-on. «On ne voit pas pourquoi il changerait le gouvernement à quelques mois des élections communales et législatives, surtout qu'il devra nommer un nouveau gouvernement au lendemain de ces élections et ce conformément aux résultats obtenus,» explique un responsable au ministère de l'Intérieur.

 L'option Sellal Premier ministre est encore avancée pour les besoins de la conjoncture. « Sellal est un non partisan, il ne s'occupera pas de réformes puisque tout devra être fait avant, il aura à activer tout ce qui est technique, c'est-à-dire l'organisation des élections, » est-il souligné.

Les inventaires des frères ennemis

 Le FLN est accrédité d'une «bonne majorité qui le propulsera confortablement au devant de la scène,» disent des responsables. Comptages électoraux ? Tactique politique ? Ou simple vue de l'esprit ? Peut-être le tout à la fois puisque nos sources croient dur comme fer que «l'ex parti unique est assis sur une base que le RND ou le MSP ne pourraient jamais avoir. »L'on ne craint même plus l'effet «redresseurs » ou «le spectre» Ali Benflis qui s'est drapé d'une discrétion absolue. «Réfléchie bien sûr parce qu'il pense qu'il va être le candidat du consensus mais encore une fois, il va se faire avoir,» note un ancien du FLN. «On pense même qu'il va lui être demandé de commencer à faire campagne mais ce serait juste pour peser son poids électoral, ceci s'il en a un,» pense-t-il encore. Les mÅ“urs politiques sont donc restées intactes et ne semblent ainsi «souffrir» d'aucun changement. Au FLN, on est certain que «si le pouvoir laisserait les élections se dérouler normalement, le parti et ses responsables emporteraient haut la main, et la majorité dans les institutions et la présidentielle.» Ce qui signifie, dit-on que « le parti de Belkhadem veut laisser croire que toute éventuelle fraude se ferait au profit du RND et de ses futurs alliés.» Pourtant, l'on entend dire déjà que le choix du futur président de l'APN est déjà arrêté. Il s'agirait de l'actuel ministre de l'Enseignement supérieur, Rachid Haraoubia. Les choix combinés des personnels politiques semblent en tout cas, avoir de longs jours devant eux. Nul ne sait encore si les ambitions, certes légitimes, des chefs de partis et personnalités nationales ne seront pas brimées par des calculs politiques dans lesquels le pouvoir actuel a toujours excellé.




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