A l'heure
actuelle où la ville algérienne se développe - ville dans le sens vague du mot,
imprécis - de véritables questionnements, pour ne pas dire seulement questions,
s'imposent.
Ces
questionnements s'affirment du fait que le contenu que nous mettons dans nos
concepts et outils d'investigation relatifs à ce que nos villes (d'origine
coloniale) liées à notre et/ou nos cultures urbaines sont devenues, montrent
par leur inefficacité qu'ils ne correspondent pas à nos pratiques réelles de
l'espace public, c'est-à-dire cet espace qui appartient à monsieur
tout-le-monde. La pratique à laquelle nous faisons allusion est plutôt d'ordre
anthropologique, et au risque de nous méprendre, il nous semble qu'il est
impératif d'engager des travaux qui nous permettent de saisir au mieux possible
le rapport de l'Algérien à l'espace qu'il pratique.
A la manière de Levy-Strauss nous dirons
analyser et comprendre, avant même d'aller chercher l'origine et la nature du
phénomène à étudier. Cette démarche a pour avantage de tenir compte de la
spécificité et de la singularité des phénomènes, notamment par rapport à ces
lois « naturelles » qui les gouvernent de l'intérieur.
Le constat de l'inadéquation des moyens
d'approche d'urbanisme avec la réalité urbano-architecturale se remarque
aisément aussi chez les architectes qui fabriquent des spatialités en rupture
totale avec l'être social algérien. L'intellectuation de l'espace des
architectes a tendance à ignorer totalement l'expression socioculturelle de
celui qui exprime le besoin d'habiter. Cela fait sûrement défaut à la réflexion
qu'un grand architecte tel qu'André Ravéreau a tenté de mener sur le rapport
existant entre l'habit et l'habiter lorsqu'il luttait in situ pour la
préservation de la pentapole du M'zab.
Pour le grand philosophe Bachelard, la maison
est un corps qui protège et qui contient les souvenirs, et en fonction du rapport
au sol ces souvenirs sont soit rassurants, qu'ils soient tristes ou heureux, ou
simplement effrayants. En insistant sur la notion d'utilité de l'espace,
Ravéreau essaye de démontrer que la maison est comme l'habit (il faisait
allusion au burnous comme exemple) qui est à la mesure de l'habiter, ou la
manière d'habiter. Très peu d'architectes algériens sont capables d'approfondir
leur réflexion sur l'espace architectural en tant que combinaison d'approches
qui ne se limite pas à l'aspect technique. C'est ce que nous reprochons à la
démarche de l'architecte Si Larbi Hamid d'Oran qui semble être incapable
d'affiner sa connaissance de l'habiter algérien dans sa grande variété mais qui
assume pleinement sa capacité à inventer par l'expérimentation des techniques
des spatialités qui émeuvent en tant qu'objets de création, mais qui ne
ressortent pas des spécificités culturelles subtiles hormis le fait d'être
fabriqués en Algérie par un architecte algérien et une main-d'Å“uvre
algéro-algérienne.
En ce sens, Hassan Fathy, éminent architecte
égyptien, est une exception. Car il a puisé dans le savoir-faire des Egyptiens,
il a observé profondément leurs pratiques de l'espace, pour enfin rehausser cet
ensemble au niveau de l'interprétation de l'architecte intellectuel qu'il
était, et gagner par là l'adhésion de la culture égyptienne et internationale
de l'architecture.
Dans un courrier électronique que Von Meiss
nous adressait récemment, celui-ci nous expliquait que son approche de
l'architecture, se référant à son célèbre ouvrage « De la cave au toit », ne
peut être subtile que si elle intègre les spécificités des cultures locales de
l'espace.
Ainsi donc en lui suggérant si «
l'enseignement de l'architecture doit être adapté, et plus particulièrement
culturellement parlant », il nous répondit « Ma réponse à votre question est
clairement Oui. » Concernant la réécriture avortée en vue d'une traduction
arabe de son ouvrage cité ci-dessus, il nous écrit « Cela a peu de sens de se
limiter à des références essentiellement occidentales, lorsque d'une part la
culture architecturale islamique est si riche en exemples et d'autre part elle
perçoit certains phénomènes comme l'espace et le lieu avec un registre un peu
différent. Découvrir et puiser dans la richesse de l'architecture islamique du
passé, m'avaient personnellement motivé. ».
Est-ce à dire que l'échec est flagrant depuis
l'indépendance, tel que nous tentons de nous l'expliquer dans nos articles qui
verront le jour bientôt à l'étranger, dans la manière de fabriquer l'espace
public jusqu'à la fabrication de l'espace privé ? Ce qui est certain, c'est que
l'enseignement de l'urbanisme et de l'architecture est incapable au jour
d'aujourd'hui d'inventer une manière de penser l'espace qui serait proprement
dite algérienne. Les modèles sur lesquels cet enseignement repose jusqu'aux
méthodes maladroitement utilisées demeurent très occidentalisés. Car il ne faut
pas s'en cacher de le dire, la mentalité ambiante adhère à une certaine forme
de diabolisation de la culture islamique, et de diminution de la culture locale
; celles-ci sont perçues telles que arriérées et incapables d'innover.
Pourtant la détérioration de l'environnement
urbain atteste clairement de l'inefficacité des outils d'urbanisme ; PDEAU et
POS qui ne servent globalement à rien, particulièrement devant les dépassements
de l'Etat qui donne le mauvais exemple au citoyen et l'incapacité de nos
architectes de repenser l'architecture. Réinventer l'urbanisme et
l'architecture avec des moyens et des outils inédits et puisés dans la culture
historiquement profonde des Algériens de l'espace, de sa pratique jusqu'à son
exploitation, nous semble être une voie à explorer.
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Posté Le : 02/09/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Benkoula Sidi Mohammed El Habib
Source : www.lequotidien-oran.com