Algérie

Dur, dur d'être un pionnier Echourouk TV, «une télévision pour les 37 millions d'Algériens»



Dur, dur d'être un pionnier                                    Echourouk TV, «une télévision pour les 37 millions d'Algériens»
Photo : Sahel
Par Samir Azzoug
Echourouk TV est l'une des premières chaînes «algériennes» privées. En fait, ces pionnières de l'audiovisuel n'ont d'algérien que les programmes et la ressource humaine, car en attendant les textes de loi encadrant l'activité, ces télévisions sont des sociétés de droit étranger. «Echourouk TV est une chaîne indépendante algérienne de droit étranger. Pour couvrir les événements nationaux, le ministère de la Communication a accrédité cinq de nos journalistes comme correspondants d'une boîte étrangère», explique Souleymane Bakhlili, directeur exécutif de la chaîne. Des journalistes algériens, travaillant dans une chaîne algérienne, accrédités comme des travailleurs étrangers ! «Oui, car en Algérie on n'accrédite pas les entreprises médiatiques, mais des personnes», poursuit-il. Annoncée comme événement majeur des réformes engagées dans le secteur de l'information, l'ouverture de l'audiovisuel est toujours en attente d'un cadre légal. «Dès l'approbation par le Conseil des ministres (de la loi organique relative à l'information qui prévoit l'ouverture de l'audiovisuel, le 12 septembre 2011), plusieurs organes de presse ont annoncé l'ambition d'avoir une chaîne», rappelle Souleymane Bakhlili. Rares sont ceux qui ont réellement franchi le pas. De la future loi-cadre sur l'audiovisuel, le directeur technique d'Echourouk TV raconte : «J'ai participé dans la commission de préparation des textes de l'APN. Mais le nouveau code de l'information présente des failles importantes pour le secteur.» Il relève, entre autres, que le nouveau texte prévoit 51 articles consacrés à la presse écrite contre 9 seulement pour l'audiovisuel ainsi que le flou qui entoure l'autorité de régulation, notamment de par sa composante. Il constate également une confusion entre les activités de production et d'émission des programmes audiovisuels. «Le nouveau code ne tient pas compte des spécificités de la production et de l'émission qui sont des activités distinctes. Il reste vague sur ces questions», déplore-t-il.
En attendant la promulgation de la loi relative à l'activité audiovisuelle, le quotidien de ces chaînes privées reste un challenge à multiples facettes. Sur le plan technique d'abord. «Puisqu'on émet via la Jordanie sur le satellite Nilesat et la France sur Hotbird, on est tenu d'envoyer nos programmes par Internet. La faiblesse du débit influe négativement sur la qualité de l'image et du son ' en juin 2010, l'Algérie est classée 176e au monde, bonne dernière, par NetIndex avec 0,95 Mbps - On aurait aimé pouvoir envoyer directement ces programmes pas satellite. Mais, même si nous avons les moyens de le faire, les voies restent encore fermées», dénonce-t-il. Sur le plan humain ensuite. Devant l'hégémonie de la télévision publique, les compétences en matière d'audiovisuels sont une «denrée rare». «Nombre des employés travaillent ici au cachet, car ils sont déjà en poste ailleurs. Seule l'Entv forme pour l'audiovisuel, il est regrettable que l'Institut de journalisme ne possède même pas un studio», regrette S. Bakhlili. En termes de production de programmes, la chaîne naissante fait face également à une carence de taille. «Il y a d'abord un problème technique de supports avec lesquels les producteurs travaillent», note-t-il. Ensuite, d'autres d'ordres organisationnel et culturel. «Nous avons été les seuls à organiser une rencontre avec les producteurs, car en Algérie, il n'y a pas encore d'activité de distribution de programmes. Sur 70 producteurs invités, seuls 45 ont répondu à l'appel. Je pense que les autres, sous contrat avec la télévision publique, ont eu peur de perdre leurs marchés», informe-t-il. Lors de cette rencontre du 18 juin 2012, il a été proposé aux producteurs des formules de partenariat suivant trois modèles, à savoir : la vente de droits de diffusion, la production exécutive ou la coproduction. «On espère que cette initiative va booster la production surtout en termes de qualités des programmes», souhaite Bakhlili. Echourouk TV, dont le lancement symbolique date du 1er novembre 2011 (le lancement des programmes s'est fait en date du 17 novembre), se veut une chaîne généraliste destinée aux 37 millions d'Algériens. Le directeur exécutif de la chaîne définit la politique d'Echourouk TV en trois axes majeurs. «Une chaîne indépendante ouverte sur les préoccupations des citoyens. Avec l'ambition de satisfaire les 37 millions d'Algériens en adoptant un langage et des programmes accessibles à tous. Et qui relie la société à son histoire et sa civilisation», énumère-t-il. «En matière d'information, il existe deux écoles majeures dans le monde. La française qui montre la réalité des choses telles qu'elles sont. Et l'anglo-saxonne qui présente ce qui devrait-être. Nous, on va essayer de jumeler les deux», ambitionne Souleymane Bakhlili.


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