Angoissé à l'idée de voir ses abeilles disparaître dans la nature et sa récolte s'évaporer, lui, le passionné de l'apiculture, ne peut plus entretenir ses ruches ni prendre soin de la "reine" et de ses "ouvrières".En cette période de printemps, il a pour habitude de sillonner le pays à la recherche des endroits propices pour installer des ruches. Mais surtout pour prendre des nouvelles de ses colonies d'abeilles déjà implantées dans la région des Hauts-Plateaux (Laghouat, El-Bayadh) et à Ghardaïa. Il doit veiller au "grain? de son miel". Mais voilà que le coronavirus chamboule son agenda. Djamel, le jeune apiculteur de Mâatkas (Tizi Ouzou), est enfermé dans son atelier avec l'impossibilité de se déplacer. Angoissé à l'idée de voir ses abeilles disparaître dans la nature et sa récolte s'évaporer, lui, le passionné de l'apiculture, ne peut plus entretenir ses ruches ni prendre soin de la "reine" et de ses "ouvrières".
Il est contraint de réparer ses vieilles ruches abîmées et de les désinfecter à l'aide d'un chalumeau au milieu d'une armée d'abeilles qui lui tiennent compagnie. "J'essaye au moins de préparer la saison prochaine ; sinon cette année est partie en fumée", se désole-t-il. "Rapprochez-vous, elles sont inoffensives, elles ne piquent pas", nous invite-t-il pour partager sa peine.
Il vit en communion avec ses abeilles. "Ici, dans mon atelier, je prépare la saison prochaine, en espérant qu'elle sera plus clémente que cette année, car nous faisons face à une situation inédite qui porte déjà préjudice à notre activité", ne cesse-t-il de marmonner. Depuis qu'il s'est lancé dans l'apiculture il y a douze ans, Djamel n'a jamais connu un tel désastre. Depuis l'apparition de la pandémie de corona, il ne peut plus se déplacer en dehors de Tizi Ouzou, laissant son miel à la merci de la nature.
Il ne doit compter désormais que sur la récolte locale. Une petite lueur d'espoir. Même si les chances de l'écouler sur le marché ne cessent de s'amenuiser. "Si à Tizi Ouzou, où j'ai des ruches à Timizart Loghvar, à Oued Aïssi, à Mâatkas et à Oued Falli, je peux circuler normalement en présentant uniquement ma carte de fellah, ce n'est pas le cas pour les autres wilayas où j'ai implanté l'essentiel de mes ruches", tente-t-il de se rassurer. Si physiquement Djamel est à Tizi, son esprit est dans les Hauts-Plateaux. Il ne cesse de penser à ses colonies
abandonnées. "La situation de la crise sanitaire que nous vivons coïncide malheureusement avec le printemps censé être une période très propice pour notre activité. À Aflou (Laghouat), la fleuraison de l'asphodèle a commencé depuis 25 jours, et si mes ruches restent sur place, sans les récolter, je risque de perdre toute ma production", redoute-t-il.
Djamel doit se concentrer sur ses ruches locales. "Je dois déplacer mes ruches d'Oued Aïssi, où la collecte du miel d'oranger s'achève, pour aller chercher un autre endroit pour planter mes ruches. Mais avec le confinement et la nécessité d'une autorisation pour les déplacements, cette mission ne va pas être facile pour moi", confesse-t-il encore. Les difficultés s'accumulent. Il doit avoir la patience des abeilles pour pouvoir tenir. Dans les autres régions du pays d'où provient le gros de sa récolte, cet apiculteur ne craint pas seulement de voir sa récolte s'évaporer mais aussi ses ruches, ses essaims et donc son capital.
En plus de ces problèmes de déplacement durant cette période de confinement, Djamel évoque son impossibilité de prendre soin des colonies d'abeilles qui nécessitent des soins réguliers et attentifs. En effet, sa hantise est de voir ses ruches installées dans les autres régions du pays, touchées par la fièvre de l'essaimage, qui risque à tout moment de les vider de leurs essaims. "Certes, l'essaimage est un phénomène naturel, mais cela nécessite ma présence sur place afin d'éviter les pertes, en récupérant notamment les abeilles qui quittent les ruches", nous explique-t-il encore. "J'ai plus de 250 ruches qui nécessitent un suivi rigoureux.
En cas de problème, je dois être sur place pour intervenir rapidement, sinon je vais tout perdre", craint-il. Djamel s'occupe de ses ruches comme il s'occupe de son foyer. Ce qui est normal. Ce sont les abeilles qui nourrissent sa famille. Elle vit de leur miel. Sur le plan économique, et si le confinement perdure, cet apiculteur risque de perdre 50% de sa production en miel, appréhende ce natif de Mâatkas, haut lieu de la poterie. "Collecter du miel et déplacer mes ruches sont une nécessité absolue et même vitale pour moi et pour mes abeilles", ne cesse de répéter Djamel.
Il assure que pour exploiter son miel, il a même déjà loué des endroits pour placer ses ruches. "La location varie entre 25 000 et 30 000 DA, ce qui représente encore une charge que je dois honorer chaque mois", précise-t-il non sans peine. La crise sanitaire porte déjà un préjudice à son activité, d'où son cri de détresse. Il espère une aide des pouvoirs publics pour trouver une solution adéquate aux difficultés des apiculteurs. Djamel a déjà exposé ses problèmes aux services agricoles de la wilaya. "J'aimerais bien que les pouvoirs publics prennent conscience de notre situation. Nous risquons de tout perdre. Il s'agit de notre gagne-pain, nous n'avons pas d'autres activités", déplore Djamel.
À la situation exceptionnellement critique des ruches non gardées, s'ajoute le souci de commercialisation du miel en période de corona. Les apiculteurs en souffrent doublement. "Les difficultés de commercialisation du miel ne datent pas d'aujourd'hui, mais la situation a empiré avec la crise sanitaire. Le marché est en complète stagnation", souligne notre apiculteur en détresse.
"En situation normale, nos principaux lieux de vente étaient les foires commerciales et autres événements dédiés à l'artisanat et à la culture ou aux produits du terroir, mais depuis la crise sanitaire, toutes les festivités publiques sont annulées et, par conséquent, nous n'avons plus d'endroit pour vendre nos produits", a expliqué Djamel, craignant que d'ici quelque temps il aura du mal à nourrir et à soigner ses abeilles et à prendre en charge sa famille en même temps.
K. Tighilt
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Posté Le : 26/04/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kouceila TIGHILT
Source : www.liberte-algerie.com