Algérie

Du vin avec pépins



Mohammed Saïd L. a reconnu l'état d'ivresse mais pas la commercialisation de spiritueux... pluie de pépins!Noureddine Sayah, le procureur de l'audience du dimanche avait souri en entendant la quantité d'alcool ingurgitée par Mohamed Saïd L. et l'autre quantité mise en vente au noir, un sale délit combattu par le Code pénal, cette redoutable arme chère à tous les parquetiers sensés.
Et le sourire du représentant du ministère public l'était encore plus lorsque Samira Ayadi, la présidente de la section détenue du tribunal de Hussein Dey (Cour d'Alger), avait demandé au détenu d'expliquer la présence chez la voisine d'une grosse quantité de bouteilles d'alcool, ce qui en soi peut être pas moral mais interdit.
L'inculpé, qui avance vers la cinquantaine, est out.
En s'avançant de la barre, le détenu devait voir défiler dans sa petite cervelle «minée» par le vin, la bière, le whisky et leurs dérivés qui font perdre la tête et l'expression n'est pas usurpée.
A voir sa mine à la barre, surtout qu'il a vu ses proches dans la salle d'attente avec une tête, mais alors une tête, on ne vous dit pas.
De toutes les façons, dès qu'il a vu le regard mi-rieur, mi-sérieux du représentant du ministère public, le détenu s'est retourné vers la présidente pour lui dire que ce monsieur assis à sa droite lui faisait plus peur que le tribunal.
La juge ne commente pas. Elle cherche plutôt à ce que l'inculpé s'explique avant qu'elle ne prenne acte des demandes du représentant du ministère public - un an de prison ferme.
Maître Nassima Aïd, son avocate, balance d'emblée que l'inculpé est un ivrogne invétéré et donc ce n'est pas un revendeur.
«L'inculpation est la vente d'alcool sans registre du commerce. Madame la présidente, nous savons, nous les pratiquants du droit, que tous ceux qui se frottent à ce qu'Allah avait prescrit dans les conditions édictées par la charia sont beaucoup plus à blâmer qu'à enfermer», a lancé sans même un tic, le défenseur qui passera beaucoup plus de temps à réclamer les circonstances atténuantes les plus larges qu'autre chose car les faits, têtus par ailleurs, sont inamovibles et même indétrônables.
«Oui, madame la présidente, il ne vous reste qu'à vous supplier d'être ce dimanche tolérante, plus tolérante que d'habitude», avait conclu le conseil qui a eu un geste filial envers son client. Elle tapota à plusieurs reprises sur l'épaule droite de son client qui allait, pour la première fois, pleurer, oui, Mohammed Saïd L. a pleuré non pas parce qu'il savait qu'il allait retourner en taule après quatre nuits passées en détention préventive mais encore parce qu'il a eu cette malheureuse phrase en direction du tribunal: «Madame la présidente. J'ai fauté. Je suis un buveur, je ne suis pas un commerçant. Je dois vous promettre que cela ne se reproduira plus...»
- «Ah bon! coupe Ayadi, la juge du siège. Qu'est-ce qui ne se reproduira plus' Boire ou revendre l'alcool'
- Boire, madame la présidente, je le jure et je...
- Non, non, non! Cessez de jurer et surtout pas de jurer de ne plus boire. Vous prenez un gros risque avec Allah!» tranche la magistrate qui infligera un deux mois de prison ferme après une courte mise en examen.
Le détenu ne dit rien. Il avale la couleuvre car il est plutôt heureux que la présidente n'ait pas suivi le procureur sur le terrain des demandes. Et avant que Mohammed Saïd L. ne retourne les talons vers les geôles, le fourgon et les «Quatre Ha», Maître Aïd a eu le temps de lui souffler un encouragement du genre: «T'en fais pas pépé, nous te tirons en appel avec une grosse peine assortie du sursis!» Ouf!


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