Il a beau évoquer des «lendemains incertains», Sellal n'a aucune chance d'obtenir l'adhésion de la population pour se serrer la ceinture et surtout dédouaner les autorités de la grave crise dans laquelle est plongé le pays. S'ils admettent que l'ère de la prospérité pétrolière et gazière est finie au plan mondial, les Algériens n'arrivent pas à comprendre ? et digérer ? pourquoi les sommes colossales engrangées depuis le début des années 2000 n'ont pas été injectées dans un développement qui aurait pu les préserver de la crise, ce que beaucoup d'autres Etats pétroliers ? prévoyants et bien gérés ? ont fait. C'est quasiment trop tard aujourd'hui tant se sont sédimentés les problèmes et tant les discours d'autosatisfaction ont fait des ravages. Les quelques mesures prises jusque-là par les autorités n'ont servi qu'à gagner un peu de temps face à une crise structurelle qui s'installe doucement mais sûrement. Face à ses effets, les Algériens n'ont d'autres recours que les traditionnels réflexes de sauvegarde. Car la crise, ils connaissent.Elle était considérée comme naturelle au lendemain de l'indépendance tant elle était liée à l'immense retard de développement légué par le colonialisme. Puis, au fil du temps, les populations s'y sont adaptées en vivant sobrement. S'ils étaient modestes, les revenus et les salaires suffisaient généralement à faire face à leurs besoins, limités à une alimentation de base (céréales surtout), à un habillement strictement fonctionnel et à quelques accès à des services (énergie, transports). La gratuité de l'école et de la santé facilitait les choses, tout comme la faiblesse démographique. Enfin, la solidarité familiale et sociale comblait les absences de revenus tout comme le système de valeurs. Etaient mal vus le train de vie ostentatoire, le gaspillage et l'argent mal acquis. Les pouvoirs politiques de l'époque adaptaient plus ou moins leurs budgets, bien modestes, à ces besoins en les orientant ? notamment sous le président Boumediène ? vers les investissements productifs.Un tournant s'est opéré dans les années 1980 suite à la chute des prix du pétrole, mais davantage en raison de la désindustrialisation et de la gestion catastrophique des deniers de l'Etat. La corruption fut la marque de fabrique de cette décennie qui s'acheva de manière sanglante, la population ne pouvant plus tolérer les détournements, les dépenses fastueuses de l'Etat alors qu'elle était soumise au régime des privations et des pénuries symbolisées par les fameux Souk El Fellah. Après la décennie du terrorisme qui a lourdement aggravé les maux, les années Bouteflika allaient voir ressurgir les errements de la période Chadli, mais multipliés par dix.La corruption prend des proportions inimaginables, touchant les grands sociétés publiques de souveraineté (Sonatrach) et les chantiers historiques de développement (autoroute Est-Ouest). Grâce au clientélisme, d'immenses fortunes privées ont été amassées, certaines prenant la direction de paradis fiscaux ou de capitales occidentales. C'est le règne de la dilapidation à grande échelle. Dès lors sont réduits à néant tous les appels à la population pour comprendre et supporter la crise, tout particulièrement lorsqu'ils émanent des auteurs de la crise, de ceux qui en ont profité ou n'ont rien pu faire pour la prévenir ou la guérir.
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Posté Le : 07/06/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ali Bahmane
Source : www.elwatan.com