Algérie

Du président normal au président guerrier La France et son pré-carré africain



Du président normal au président guerrier La France et son pré-carré africain
César, pour offrir du pain et des jeux à son peuple, le faisait toujours au retour de grandes guerres de conquête pour agrandir l'empire et donc ses richesses. Auréolé de son premier succès militaire, malien, François Hollande n'est pas loin, en ce moment, d'une posture césarienne.
Hier, en tout cas, à la troisième semaine de son équipée sahélienne, rares étaient les voix dissonantes dans la presse française. La quasi-totalité des médias de l'Hexagone étaient à qui mieux mieux dans le satisfecit et la louange, parfois franchement laudateurs et dithyrambiques. Les mêmes éditorialistes qui lui avaient refusé tout délai de grâce, décrétant même son échec au 100e jour seulement de son élection du 6 mai 2012, lui concèdent volontiers une «stature présidentielle» gagnée haut la main. Saluée comme il se doit, le succès de l'opération Serval au Mali ne renforce pas seulement sa position en interne.

Galons de chef
Pour nombre d'éditorialistes, grâce à cette intervention, le chef de l'Etat a gagné «aux yeux du monde ses galons de chef militaire».
Un quotidien régional relève que cette «stature nouvelle est diamétralement opposée à l'image de mollesse qui lui collait à la peau».
Et d'ajouter que «Flanby (sobriquet de Hollande) peut être très ferme et laisser ses ennemis sur le flanc».
Pour sa part, le quotidien Libération met en opposition son succès malien et la déception d'une grande partie de l'opinion relativement à sa politique intérieure : «Papa François Hollande est en droit de savourer cette victoire au milieu de foules enthousiastes; aucune visite présidentielle en France ne donnerait lieu à pareilles adulations». Il n'est pas jusqu'au Figaro, quotidien de droite très critique vis-à-vis du président et des socialistes, qui n'ait été de son couplet louangeur. «Il a montré qu'il savait être au bon endroit dans les moments cruciaux», note son éditorialiste qui trouve des «accents gaulliens» à son discours de Bamako. Introduisant une touche plus nuancée, il prévient toutefois que si «Hollande a remporté une bataille, il n'a pas gagné la guerre».
La comparaison du quotidien est partagée par le journal Sud-Ouest qui écrit que «le président 'normal', le socialiste qui voulait rompre avec la Françafrique, a réussi l'exploit d'inscrire ses pas dans ceux du général de Gaulle!». Pour un autre commentateur, «la liesse des populations libérées de la charia et des fous d'Allah balaie tous les arguments qui plaidaient pour une attitude de prudence si 'normale!».
Le quotidien La Croix, lui, ne se laisse pas emporter par l'enthousiasme, il joint sa voix à celles, rares, qui préviennent sur la suite à laquelle «il faut préparer les esprits». Le journal rappelle que «le plus dur reste à faire». Tant de compréhension et de reconnaissance, célébré à longueur de colonnes de journaux, est résumé par Bruno Tertrais, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) : «François Hollande découvre sans doute qu'en de rares occasions, l'exercice de la responsabilité internationale peut apporter des satisfactions très fortes, à la fois politiques et personnelles». Non sans cette utile précision : «L'Afrique se rappelle toujours à la France».

Retour à la réalité
Le rapide (') succès de l'intervention militaire, l'enthousiasme, voire le délire de l'accueil qui lui a été réservé dans les villes maliennes, ainsi que l'apparition d'un consensus national largement partagé ont apparemment donné du tonus à un président qui, jusqu'à présent, avait privilégié les questions sociétales (mariage pour tous) et tardé à apporter les réponses aux problèmes économiques et sociaux des Français. Porté par cet état de grâce inattendu, et dans la foulée des événements, ne vient-il pas d'opérer un revirement sec en ne fixant plus une limite à la présence de l'armée française au Mali.
Alors qu'il y a moins de trois semaines, et encore le 28 janvier dernier, immédiatement après la reprise de Gao et Tombouctou, il répétait le leitmotiv d'un départ rapide des troupes françaises («elles n'ont pas vocation à rester au Mali»), désormais pour le chef suprêmes des armées, les troupes françaises resteront le temps qu'il faudra au Mali qu'elles n'évacueront pas tant que les forces africaines de la Cédéao n'auront pas pris le relais. D'ailleurs la ville la plus septentrionale du Mali, Kidal, n'était pas, au départ, concernée par la progression des soldats français. Pourtant depuis quelques jours, ils y sont, alors que l'aviation, au moins jusqu'à dimanche, multipliait ses raids sur cette localité toute proche de la frontière algérienne.
A juste titre, on peut considérer que l'arrivée des soldats français à Kidal inaugure la deuxième phase de l'opération Serval déclenchée le 11 janvier. Cette région montagneuse parsemée de grottes et au relief difficile est depuis de nombreuses années un refuge sûr pour les groupes armés qui ont occupé pendant neuf mois le nord du Mali. Les principaux chefs terroristes, qui ont fui Gao et Tombouctou, s'y seraient réfugiés, sans doute pour préparer leur redéploiement et des attaques contre les armées aussi bien malienne qu'étrangères. Certains experts prédisent même une réédition du scénario afghan quand les Taliban étaient partis se reconstituer à Tora-Bora où ils ont pu retrouver une grande partie de leur pouvoir de nuisance. D'où ces nombreuses mises en gardes à la France par rapport au timing et à l'agenda de sa présence militaire au Mali. C'est à ce tournant (celui de Kidal, principalement) qu'elle est attendue, car c'est là qu'elle sera confrontée aux ruses de la guerre du désert, difficultés du relief conditions climatiques.
Les réponses ne viendront pas avant les prochaines semaines, voire les prochains mois. On saura alors s'il y a risque d'enlisement ou non. Entre temps, et au fur et à mesure que retombera l'état de grâce, le président français se trouvera devant la nécessité de clarifier les fondamentaux de sa politique étrangère, en particulier la lutte contre le terrorisme.
L'intervention malienne a mis en relief bien des contradictions et des paradoxes qui donnent un côté asynchrone à cette dernière. Les terroristes sont des «criminels» au Mali et des «combattants de la liberté» en Syrie où la France ne jure que par le départ de Bachar El-Assad ' Où alors intérêts d'une riche géophysique dans un cas et primat de la sécurité d'Israël dans l'autre '
A. S.


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