Algérie

Du Mont Blanc à Tamanrasset, en passant par les faux numéros de châssis


Le recours par les terroristes aux véhicules tout-terrains ne date pas d'aujourd'hui. Au mois de Ramadhan de l'année 2001, avant même la prise en otages de 32 touristes occidentaux dans le grand Sud algérien, des éléments du groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC, devenu Aqmi), dirigé par Amari Saifi, alias Abderrezak El Para, alors «émir» de la zone 5 de l'organisation terroriste, s'étaient dotés de véhicules 4x4.Des acolytes de l'ex-«émir», dont un certain Khaled Ayoub, alias Abou Issak, qui était en compagnie d'un certain Abou Ahmed, ressortissant yéménite, se déplaçaient du Mont Blanc, dans la wilaya de Batna, vers le Mali et le Niger, pour l'achat d'armes, ont volé sur leur passage plusieurs véhicules 4x4 de marque Toyota à des sociétés étrangères spécialisées dans le forage du pétrole dans le sud algérien.
C'est ce qui ressort de témoignages d'ex-acolytes de l'ex-«émir» extradés du Tchad vers l'Algérie. Ces véhicules ont été vendus par ces terroristes à des Mauritaniens et à des Nigériens dans un pays africain à un prix variant entre 5 et 6 millions de CFA le véhicule. Cet argent a servi au déplacement du groupe composé de dizaines de terroristes à l'époque.
C'était avant que les éléments du GSPC n'utilisent ces véhicules dans des attentats-suicides. La vente de ces véhicules volés leur a toutefois servi à financer le déplacement pour l'achat d'armes. Pour ce seul voyage, et dès leur arrivée au Mali, El Para et ses acolytes ont acheté entre 35 et 40 fusils-mitrailleurs de marque PMK, environ six lance-roquettes de type RPG 7, et plus de 50 000 balles pour PMK.
Ce groupe est resté sept mois environ au Mali avant que Abderrazak El Para ne décide de retourner au Mont Blanc en compagnie de Khaled Abou El Abbès, alors «émir» de la zone 9, Ayoub, le Yéménite Abou Ahmed et 40 autres éléments. Leur retour coïncidait avec le mois de Ramadhan de l'année 2002.
Ils sont arrivés dans cette zone en février 2003. Le groupe était arrivé le premier et a été rejoint par El Para, alias Abou Haydara. C'est là que l'ex-«émir de la zone 5 a constaté la présence de touristes européens et que lui est venue l'idée de procéder à leur enlèvement contre une rançon.
«C'était un hasard ; ces enlèvements n'étaient pas programmés auparavant», selon un des compagnons de Abderrazak El Para. C'est là qu'a commencé la série d'enlèvements d'Occidentaux dans la région et, par la suite, dans la bande sahélo-saharienne. C'est là aussi qu'a commencé l'utilisation des véhicules tout-terrains par les terroristes.
Le procédé a évolué, et les éléments d'AQMI ne comptent plus uniquement sur les vols pour s'équiper en véhicules tout-terrains. Le trafic de véhicules et même de faux documents sera le nouveau mode opératoire des sbires de Abdelmalek Droukdel, alias «émir» national du GSPC.
C'est ainsi que de vastes trafics entretenus par des réseaux ont été tissés autour de véhicules tout-terrains, tant prisés par les terroristes, les narcotrafiquants et les contrebandiers et nombre d'entre eux, clandestinement, sur le sol algérien, avec dotation en faux documents. Les réseaux du genre, démantelés par les services de sécurité et forces de sécurité, dont le Gendarmerie nationale et la police, se comptent en nombre impressionnant.
C'est ainsi que des dizaines de véhicules tout-terrains ont été introduits en Algérie clandestinement et munis de faux numéros de châssis. Une enquête est ouverte justement pour connaître la provenance de la Toyota Station utilisée dans l'attentat-suicide perpétré hier à Tamanrasset. La possibilité offerte aux terroristes, narcotrafiquants et contrebandiers de continuer à sévir est rendue possible par notamment l'inexistence de cartes d'identité nationales biométriques pour le moment. «N'importe qui pourrait recourir à la location d'un véhicule en utilisant par exemple une carte nationale d'identité falsifiée.
Le véhicule pourrait être utilisé dans un attentat et l'auteur de la transaction ne pourra éventuellement pas être identifié», explique-t-on. «De nombreux narcotrafiquants recourent à la location de véhicules avec l'utilisation de fausses pièces d'identité afin de limiter les dégâts si les quantités de stupéfiants transportées sont saisies», ajoute-t-on. Les narcotrafiquants évitent d'alourdir les pertes matérielles en évitant de voir leurs propres véhicules saisis.
Les concessionnaires ne s'impliquent pas
C'est donc le même procédé utilisé par les terroristes et les narcotrafiquants. Les forces de sécurité ont par ailleurs exprimé leur souhait que les concessionnaires coopèrent dans la lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants et le blanchiment d'argent en les informant de toute transaction suspecte.
Ce qui n'est malheureusement pas toujours respecté par certains concessionnaires, comme en témoignent d'importantes commandes de véhicules exprimées par des personnes physiques sans que les destinataires de la demande ne se soucient de la provenance de l'argent de la vente.
Dans une seule affaire, apprend-on, une commande concerne l'achat d'un millier de véhicules tout- terrains auprès d'un concessionnaire, avec l'utilisation de la carte nationale d'identité appartenant à un citoyen qui avait égaré le document. La commande a été faite à l'insu du propriétaire de la pièce d'identité et a failli être faite à l'insu des forces de sécurité.
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