Algérie

Du jour au lendemain, ça bascule



Du jour au lendemain, ça bascule
Drame - La vie des travailleurs au noir est souvent bouleversée dès qu'un accident du travail ou une maladie les rend inaptes.
Il y a à peine quelques mois, il menait une vie décente et subvenait convenablement aux besoins de sa famille en exerçant comme maçon. Aujourd'hui, il ne peut même plus se mettre debout sans l'aide d'une tierce personne et il ne peut bouger sans s'appuyer sur deux béquilles. Amar, la quarantaine, survit grâce à l'aumône des bienfaiteurs et le travail de son épouse qui passe sa journée à rouler du couscous pour une entreprise spécialisée. «Je travaillais sur des chantiers dans plusieurs localités à Bouira, M'sila et Médéa. Pendant près de vingt ans de service, je n'ai jamais été déclaré à la sécurité sociale. Le comble est que je fournissais à chaque fois un dossier complet aux entrepreneurs ! Ah, les usurpateurs, je ne leur pardonnerai jamais !», dit Saïd contenant à peine sa colère. Les habitants du village Ait Allouane, dans la wilaya de Bouira, tentent, tant bien que mal, de le soutenir matériellement et psychologiquement, mais le mal s'avère trop lourd à supporter. La vie est devenue sombre aux yeux de Saïd qui dit regretter d'avoir rejeté le poste de gardien dans une école au centre-ville de Bouira qui lui avait été proposé au milieu des années 1990. «Je tenais à gagner le maximum d'argent. Et voilà que je paye pour ma gourmandise.» Si Saïd a trouvé le soutien nécessaire, d'autres victimes du travail au noir n'ont trouvé que la mendicité pour pouvoir subsister. Il n'est pas rare, en effet, d'entendre des mendiants évoquer le fait qu'ils étaient des travailleurs et que la maladie ou la paralysie les a contraints à faire la manche. Et les exemples ne manquent pas, puisque les patrons ont cette attitude cynique d'ignorer un de leurs employés dès qu'il devient «inutile». Après de longues années d'exploitation sauvage de leurs concitoyens, ces employeurs font preuve d'une ingratitude des plus criantes et n'osent même pas rendre visite à «ces esclaves des temps modernes». Même si l'employé se blesse en défendant les biens de l'entreprise, il est souvent lésé. L'histoire de Tarek, 35 ans est très significative. «J'ai travaillé pendant plus de deux ans comme gardien de nuit dans un grand commerce à Oran. Il y a deux mois, une bande de voyous est venue piller ce magasin et lorsque j'ai tenté de les en empêcher, j'ai reçu plusieurs coups de couteau. Je n'ai dû mon salut qu'à l'intervention d'un automobiliste qui m'a évacué à l'hôpital. Après avoir repris un peu de forces, le patron est venu froidement me signifier ma fin de mission, m'accusant de complicité avec les voleurs !», témoigne-t-il. «J'ai décidé de travailler que si j'ai l'assurance d'être déclaré à la sécurité sociale. Ces patrons sont tous ingrats et il n'y a que leur intérêt qui compte. Je préfère installer une table de cigarettes plutôt que de travailler sans sécurité sociale», ajoute ce jeune, sur un ton d'amertume et de regret. Ils sont certainement nombreux les victimes du travail au noir délaissés et abandonnés dès qu'ils subissent un accident ou une maladie, mais beaucoup de citoyens se trouvent contraints d'occuper des emplois précaires en raison de l'absence d'opportunités de recrutement au niveau des entreprises publiques. Cette situation risque encore de perdurer au vu de la faiblesse du tissu économique national, d'une part, et la défection des services de contrôle, d'autre part, estiment les analystes.


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