Algérie

Du droit de la force à la force du droit et de l’éthique : un nouveau monde autour des enjeux existentiels



Du droit de la force à la force du droit et de l’éthique : un nouveau monde autour des enjeux existentiels
Publié le 26.09.2023 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie

Par le Professeur Chems Eddine Chitour

école polytechnique, Alger



«Dans certains pays, les femmes et les filles sont punies parce qu’elles portent trop de vêtements. Dans d’autres, parce qu’elles n’en portent pas assez», a déclaré le secrétaire général de l’ONU, en français alors que le reste de son discours était en anglais.(1)



Résumé



En moins de trois mois, le SG des Nations unies a prononcé quatre discours dans quatre régions du monde avec chacune sa logique et sa vision généreuse du monde. Les discours dans ces trois endroits ont été les mêmes. Que cela soit au G7, au G20 ou au G77 Chine. Le dernier discours à l’Assemblée des Nations unies est en fait une récapitulation du même narratif décliné en respectant les sensibilités des différents groupements. Le seul message qui, à notre sens, mérite d’être rapporté est celui des changements climatiques et des 17 ODD.

Mais le problème du discours du Secrétaire général est qu’il est lisse sans aspérité. Le monde va à la catastrophe et on continue à vouloir le réparer en proposant des rustines comme le sommet du futur dont on peut prévoir sans difficulté la finalité sans lendemain.

Nous allons décrire l’historique de ce grand machin (dixit de Gaulle) qui a fait son temps, voire qui est en mort clinique avec le médecin Guterres qui fait de l’acharnement thérapeutique. Pour la première fois, les membres permanents du Conseil de sécurité sont absents. Peut-être qu’il faille mettre tout à plat et penser en termes d’éthique et de danger existentiel pour penser le nouveau monde du partage où l’éthique civilisera le monde actuel ensauvagé par l’avoir.





Historique rapide de la création des Nations unies

À quoi sert encore l’ONU ? L’utilité discutable et disputée de l’ONU alimente les débats en pleine crise du multilatéralisme, alors que s’ouvre la 78e session de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. 2023 verra-t-elle la vénérable maison de verre se réinventer un rôle à la mesure des périls qui menacent la planète ? L’Organisation n’a jamais pu jouer un rôle décisif dans la résolution des conflits qui ensanglantent la planète.

L’Histoire de la coopération des Nations est assez ancienne. Si on s’en tient seulement au XXe siècle, des organisations internationales ont œuvré pour la paix dans le monde. Un bref rappel est donné par l’encyclopédie Wikipédia : «Les actions de l'Union interparlementaire et du Bureau international de la paix, créés respectivement en 1889 et 1891, ont contribué à l'instauration de la Cour permanente d'arbitrage (tribunal de La Haye) en 1899. Après la Première Guerre mondiale, elles soutiennent la création de l'Organisation internationale du travail et de la Société des Nations. La société des Nations est fondée le 28 juin 1919 : son but est de conserver la paix. Elle est active entre 1919 et 1939, mais sa crédibilité est éprouvée par la Seconde Guerre mondiale. Ce fut un échec.»(2)

Les premières bases de l'architecture internationale d'après-guerre sont posées le 14 août 1941 avec la signature de la Charte de l'Atlantique par le président des États-Unis et le Premier ministre du Royaume-Uni. Les deux dirigeants «sont convaincus que toutes les nations du monde […] devront finir par renoncer à l'usage de la violence. […] Ce n'est qu'avec les conférences de Moscou et Téhéran que la République de Chine, les États-Unis, l'Union soviétique et le Royaume-Uni reconnaissent formellement ‘’la nécessité d'établir aussitôt que possible, en vue de la paix et de la sécurité internationales, une organisation internationale fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous les États pacifiques’’.»(2)

«Lors de la conférence de Yalta en Crimée en février 1945, les ‘’Trois Grands’’ (États-Unis, Royaume-Uni et Union soviétique) évoquent à nouveau des questions liées à la future organisation. Il fut convenu que la nouvelle organisation devait être structurée autour d'un noyau dur d'États détenant une puissance objective et disposant d'un droit de veto. Cinq pays considérés comme les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale disposeront du droit de veto : les États-Unis, l'URSS, la République populaire de Chine en 1971, le Royaume-Uni et la France. Le 21 juin 1945, les États ayant signé la Déclaration des Nations unies sont invités à participer à la conférence de San Francisco, qui a eu lieu du 25 avril au 25 juin 1945. La rencontre s'achève le 26 juin avec la signature de la Charte des Nations unies.»(2)



Ce ne fut pas une période faste pour la paix

Ce fut le début du partage du monde. Nous pouvons distinguer globalement trois périodes la période de la guerre froide de 1945 à 1991. Ensuite celle du monde unipolaire sous la gouverne américaine.

La troisième étape nous la vivons, celle de la remise en cause de l’Ordre occidental et la marche inexorable vers le monde multipolaire. Force est de constater que les Nations unies n’ont pas été à la hauteur des défis.



La période de la guerre froide et l’oubli de conflits de décolonisation

«Il était peut-être inévitable que l’Organisation des Nations unies, lit-on sur cette contribution, n’ait pas été à la hauteur des attentes élevées qui ont suivi sa création.

L’organisation chargée de la sécurité mondiale était mort-née en raison de l’émergence rapide du clivage entre l’Union soviétique et ses alliés occidentaux. Le Conseil de sécurité s’est trouvé vite paralysé par l’incapacité de ses membres permanents à prendre des décisions sur toute question où leurs intérêts s’opposaient. Le fait que cette ‘’guerre froide’’ n’ait pas dégénéré en un conflit ouvert est généralement dû non pas aux Nations unies, mais à l’’’équilibre de la terreur’’ entre les deux superpuissances dotées de l’arme nucléaire, car toutes deux auraient probablement été détruites par un conflit direct.»(3)

L’auteur cite des actions cosmétiques. De beaux textes jamais appliqués : «Enfin, d’autres réalisations marquantes ont eu lieu en dehors du domaine immédiat de la paix et de la sécurité, notamment l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’Homme en 1948, suivie des deux pactes internationaux de 1966 (le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) ; et la création des fonds et des programmes spécialisés dans divers aspects de l’aide humanitaire et l’aide au développement (le Fonds des Nations unies pour l’enfance, le Haut-Commissariat pour les réfugiés, le Fonds des Nations unies pour la population, le Programme alimentaire mondial, le Programme des Nations unies pour le développement, pour n’en citer que quelques-uns).»(3)

Pas un mot sur la guerre du Vietnam, la victoire du Vietnam et plus tard sur la guerre d’Algérie qui firent des millions de morts du fait d’un mépris des Nations unies. De Gaulle par mépris parlait de «grand machin» et a tout fait pour que la «Question algérienne ne soit pas débattue aux Nations unies. Il faut signaler la faute des Nations unies qui n’ont pas pu faire accepter à Israël qui a été admis comme membre des Nations unies dont les dizaines de résolutions une solution concernant le problème palestinien toujours actuel et qui pourrait être résolu en dehors des Nations unies par les Accords d’Abraham et la reddition des pays arabes avec l’Arabie saoudite.



Le monde de l’après-guerre froide

À la fin des années 1980, ce fut la chute de l’Union soviétique sous les coups de boutoir d’un Occident régalien au firmament sûr de lui et dominateur. Ce fut une période de chaos car ce fut la guerre de tous contre tous. Les pays sont dressés les uns contre les autres. D’abord ce fut l’Afghanistan qui fut d’après Brezinski le Vietnam de l’URSS. Ensuite ce sera la guerre Irak-Iran. En 1998, les agents de la paix des Nations unies ont reçu le prix Nobel de la paix. En 1990, le Conseil de sécurité a adopté une série de résolutions en réponse à l’attaque du Koweït par l’Irak. La «communauté internationale» qui a battu l’Irak a abouti au rétablissement de la souveraineté et de l’intégrité du Koweït. En février 1991, le Président américain George H. W. Bush a proclamé un «nouvel ordre mondial»

Le narratif des Nations unies se poursuit. «Le pire recul dans l’histoire récente des Nations unies est, sans aucun doute, l’invasion anglo-américaine de l’Iraq en mars 2003, et la destruction du siège des Nations unies à Bagdad. La décision de deux membres permanents du Conseil de sécurité d’intervenir militairement sans y être dûment autorisés, ignorant les points de vue de leurs collègues et, d’ailleurs, de la vaste majorité des États, a engendré une crise au Moyen-Orient et a aussi instauré une méfiance persistante entre ‘’l’Ouest et les autres’’.»(3)



Le social et l’humanitaire : de réels efforts

«Les années 1990 ont connu une série de conférences mondiales impressionnantes qui ont convenu de normes et d’objectifs dans de nombreux domaines du développement social et économique, comme les droits de l’Homme et des peuples et la condition de la femme, aboutissant au Sommet du Millénaire en 2000 et l’adoption des objectifs du Millénaire pour le développement. (…) Les seuls domaines où il n’y a pas de votes sont ceux du développement sans pour autant que les actions soient efficaces. Ainsi : «Les défis humanitaires demeurent considérables dus en particulier au nombre croissant de personnes déplacées non seulement par les conflits, mais par la diversité et la complexité de facteurs comme le changement climatique. De même, si la communauté internationale n’a pas encore, loin s’en faut, trouvé une réponse adéquate à la menace posée par le changement climatique, l’Organisation est généralement perçue comme l’instance inévitable au sein de laquelle de telles mesures doivent être élaborées et coordonnées.»(3)

Le plaidoyer se termine par quelques vœux pieux : «C’est dans le domaine de la paix et de la sécurité que le besoin de renforcer l’Organisation est le plus impérieux. La réforme du Conseil de sécurité est une question plus urgente que beaucoup, enfermés dans leur tour d’ivoire à New York, ne semblent pas réaliser. Toutefois, compte tenu des difficultés à procéder à un amendement de la Charte, la réforme ne peut être réalisée sans un compromis qui impliquerait des concessions douloureuses à la fois par ceux qui aspirent à devenir de nouveaux membres permanents et ceux qui s’efforcent à leur refuser ce statut. Un tel compromis devra être négocié par les chefs d’État et de gouvernement et prendra donc du temps.»(3)



L’avènement dans la douleur d’un monde multipolaire

Graduellement, les pays anciennement colonisés notamment d’Afrique ont commencé à secouer le joug du postcolonialisme. Parallèlement, l’hubris de puissance a amené le camp occidental à muscler l’OTAN équivalent du Pacte de Varsovie censé disparaître en intégrant tous le anciens pays de l’ancienne URSS. Ces derniers intégrés n’ont pas cessé de provoquer la Russie au point de vouloir installer les ogives nucléaires aux frontières. Mieux, l’Ukraine fut déstabilisée par un coup d’État en 2014 pour installer un gouvernement proaméricain et graduellement la situation devenant intenable, la Russie entra en guerre pour protéger les habitants russophones agressés par le pouvoir central à Kiev. Ce conflit est le détonateur d’une remise en cause irréversible de l’ancien monde unipolaire au profit d’un monde multipolaire avec l’avènement des BRICS avec notamment la Chine, l’Inde, la Russie.



Les échecs, les limites ou faiblesses de l'ONU

Pour résumer les manquements de l’Organisation, malgré les efforts des dix Secrétaires généraux qui ont tenté de garder une certaine légitimité à cette institution qui s’est distinguée par son incapacité à prévenir les conflits dans le monde : plusieurs conflits inter-États, des guerres civiles ont éclaté après sa création.... Sa paralysie souvent par le droit de veto détenu par les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité. L'organisation s'est montrée largement impuissante lors de drames récents : en 1994 lors du terrible génocide des Tutsis au Rwanda qui s'est soldé par 800 000 morts, incapacité d'arrêter les conflits à partir d’une Yougoslavie démembrée de 1991 à 1995. Le massacre de Srebrenica (juillet 1995). Nous citerons les dérives les plus criardes notamment la guerre d’Irak sans résolution des Nations unies. Incapable de s’opposer à la guerre en Irak, spectatrice de la mort de 500 000 enfants irakiens dans le canular de Pétrole contre nourriture. Impuissante lors du tremblement de Haïti. Impuissante dans le conflit ukrainien qui a démarré dès 1991 avec l’extension illégale de l’Otan et la conséquence du conflit ukrainien. La démolition de pays avec des résolutions arrachées amenant au chaos des pays comme c’est le cas de la Libye et de la Syrie.

Sans oublier les conflits de décolonisation comme la Palestine depuis que les Nations unies ont admis Israël au sein des Nations unies et qui depuis bafoue toutes les résolutions pertinentes du fait du veto américain. Enfin, le conflit du Sahara occidental où les Sahraouis n’ont toujours pas voté pour savoir s’ils veulent leur indépendance.



Les Objectifs de développement durable

Il faut mettre au crédit des Nations unies et du courage diplomatique des 10 secrétaires généraux qui se sont succédé, la résilience à faire aboutir les tâches humanitaires qui vont des réfugiés aux victimes de la famine et des guerres. Dans ce cadre, deux chantiers atemporels sont parmi les préoccupations premières des différents Secrétaires généraux. Il s’agit des Objectifs du développement durable et les changements climatiques.

Les Objectifs de développement durable (ODD), également nommés Objectifs mondiaux, ont été adoptés par les Nations unies en 2015. Ils sont un appel mondial à agir pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et faire en sorte que tous les êtres humains vivent dans la paix et la prospérité d’ici à 2030.

Les 17 ODD sont intégrés — reconnaissant que les interventions dans un domaine affecteront les résultats dans d'autres et que le développement doit équilibrer les aspects sociaux, économiques et environnementaux. Les pays se sont engagés à accélérer les progrès pour ceux qui sont le plus en retard. Les ODD sont conçus pour mettre fin à la pauvreté, à la faim, au sida et à la discrimination à l’égard des femmes et des filles. La créativité, le savoir-faire, la technologie et les ressources financières de toute la société seront nécessaires pour atteindre les Objectifs dans tous les contextes.»(4)

Les changements climatiques

Malgré les efforts personnels de monsieur Antonio Guterres qui n’arrête pas d’alerter sur les dangers d’une Terre en roue libre et qui file en vitesse vers la sixième extinction, les changements climatiques sont un chantier important et malgré les efforts, il est incompréhensible de confier l’avenir de la planète lors de la COP 28 aux Émirats arabes unis, un pays pétrolier pyromane-pompier abdiquant ce faisant toute possibilité de réduire le réchauffement au-dessous de 1,5°C promis par le faux accord de Paris qui propose aux bons cœurs de chacun un accord non contraignant en 2015. D’une façon itérative, le SG de l’ONU n’arrête pas d’alerter sur le danger des changements climatiques. Pour lui «l’humanité a ouvert les portes de l’enfer». L'humanité se dirige vers un «monde dangereux» et «notre planète vient d’endurer une saison bouillonnante - l’été le plus chaud jamais enregistré. L’effondrement climatique a commencé».(5)

M. Guterres a notamment appelé à «la fin du charbon d’ici à 2030 pour les pays de l’OCDE et d’ici à 2040 pour le reste du monde ; à la fin des subventions aux combustibles fossiles et à la fixation d’un prix sur le carbone; à la fourniture par les pays développés de 100 milliards de dollars pour aider les pays en développement promis au doublement du financement de l’adaptation d’ici à 2025 et à la reconstitution du Fonds vert pour le climat».(6)



La responsabilité des membres permanents du Conseil de sécurité

Il est vrai que de par les textes, les missions du secrétaire général sont encadrées. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les vainqueurs se sont proclamés comme les seuls capables de régenter le monde et de décider du bien et du mal. Il est avéré que les pays permanents du Conseil de sécurité ont failli et ont démonétisé leurs missions. Au moins dix pays méritent de rentrer au Conseil de sécurité autrement plus puissants que le Royaume-Uni et la France. L’Inde, l’Allemagne, le Japon. De plus, le droit de veto, héritage de la guerre froide imposé par le camp occidental. Ce qui explique par exemple qu’Israël a violé une quarantaine de résolutions qui ne sont pas passées à cause du veto américain. Ce qui ne fut pas le cas des ADM de Saddam Hussein pendu, d’un Irak ramené à l’âge de pierre et de la Libye la fameuse résolution exécutée dans l’heure qui suit par le bombardement de Tripoli avec la mort, dans des conditions atroces, du Guide libyen.



«L’humanité n’a plus confiance en l’ONU»

L’ONU a échoué dans la politique migratoire au point que des milliers meurent chaque année en mer en route vers l’Europe dans l’indifférence des Nations unies qui se contentent de jouer au pompier quand les fonds existent.

Le bilan du Conseil de sécurité est très nuancé. En Irak, en Syrie ou en Libye, il a connu plusieurs échecs cuisants. Son fonctionnement est de plus en plus affecté par les rivalités américano-russes et sino-américaines. : «Il en résulte que le Conseil de sécurité (...) est par essence un organe aristocratique dont les décisions, parfois l’inaction, dépendent de facteurs géopolitiques. Il ne peut remplir sa mission que si les cinq États membres permanents coopèrent. Il peut alors faire preuve d’une grande audace, innover même. S’ils sont divisés, le Conseil se grippe et peut se bloquer. L’histoire depuis 75 ans en est la preuve.»

«(…) Mais plus préoccupant encore, deux des États permanents – les États-Unis dans l’affirmation prioritaire de leurs intérêts entendus au sens large ; la Russie dans une défense absolue du concept de souveraineté sans égard pour les peuples – sont plus que jamais indifférents à la capacité d’agir du Conseil, à la cohérence de sa politique ou à sa crédibilité. La pratique du veto s’est à nouveau banalisée ; le Conseil n’est plus au centre du règlement des crises les plus importantes. Les grandes puissances donnant le mauvais exemple, les dispositions de la Charte relatives à l’usage de la force mais aussi certaines mesures coercitives sont moins respectées.»(7)



Quelques idées itératives du SG de l’ONU sur les trois derniers sommets

Pour avoir une idée de l’activité du SG des Nations unies, nous avons rapporté les messages des trois grands rassemblements de juin à septembre 2023 des Nations selon les «affinités». À Tokyo en mai au sommet du G7, le SG de l’ONU Antonio Guterres a eu des mots courageux : «Alors que la situation économique est partout incertaine, les pays riches ne peuvent ignorer le fait que plus de la moitié du monde — la grande majorité des pays — souffre d'une profonde crise financière. Le système financier créé par le réalignement de Breton Woods après la Seconde Guerre mondiale avait tout simplement échoué à remplir sa fonction essentielle de filet de sécurité mondiale. Il s'agit essentiellement de redistribuer le pouvoir en fonction des réalités du monde actuel. Dans notre monde multipolaire, alors que les divisions géopolitiques s'accentuent, aucun pays ou groupe de pays ne peut rester les bras croisés alors que des milliards de personnes luttent pour satisfaire leurs besoins fondamentaux en matière de nourriture, d'eau, d'éducation, de soins de santé et d'emploi.»(8)

Au Sommet du G20 à New Delhi le 11 septembre, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a fait un «appel simple mais urgent» aux dirigeants mondiaux présents : se rassembler pour résoudre les plus grands défis de l'humanité. : «Nous n'avons pas de temps à perdre. Les défis s'étendent à perte de vue. Le monde se trouve dans une période de transition difficile, confronté à une augmentation des inégalités, de la pauvreté et de la faim, et à un manque flagrant de solidarité mondiale. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous devons nous rassembler et agir ensemble pour le bien commun. Les pays les plus riches devraient respecter leurs engagements financiers pour aider les pays en développement à atteindre leurs objectifs de réduction des émissions, par l'intermédiaire du Fonds vert pour le climat. Les dirigeants devraient également prendre des mesures concrètes pour veiller à ce que le monde atteigne les Objectifs de développement durable (ODD) dans les délais prévus d'ici à 2030. Ces actions comprennent : Le financement d’un plan de relance des ODD d'au moins 500 milliards.»(9)

À Cuba, le 15 septembre 2023, le Secrétaire général de l'ONU a appelé les dirigeants du Groupe des 77 pays en développement (G77) à «lutter pour un monde qui fonctionne pour tous. Je compte sur votre groupe, qui est depuis longtemps le champion du multilatéralisme, pour qu'il se mobilise, qu'il utilise son pouvoir et qu'il se batte. Défendez un système ancré dans l'égalité ; défendez un système prêt à renverser l'injustice et la négligence des siècles ; et défendez un système qui profite à toute l'humanité et pas seulement aux privilégiés.»(10)



Discours devant les 193 membres de l’ONU le 19 septembre 2023

À l’ouverture du débat général annuel de l’Assemblée générale des Nations unies, au siège de l’Organisation à New York, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a estimé qu’il était «grand temps de renouveler les institutions multilatérales» pour affronter les défis du 21e siècle. : «Le monde a changé. Nos institutions, non. Nous ne pouvons pas traiter efficacement les problèmes tels qu’ils sont si les institutions ne reflètent pas le monde tel qu’il est. Nous nous rapprochons dangereusement d’une Grande Fracture dans les systèmes économiques et financiers et les relations commerciales, qui met en péril l’existence d’un internet ouvert et unique, et s’accompagne de stratégies divergentes concernant les technologies et l’intelligence artificielle, le risque étant que les cadres de sécurité soient en conflit. La recrudescence des conflits, des coups d’État et du chaos crée un monde d’insécurité pour tous.» Il a plaidé pour l’élaboration d’un pacte numérique mondial et fait savoir qu’il nommera un organe consultatif de haut niveau sur l’intelligence artificielle.

«Ce dont notre monde a besoin, c’est d’une vision politique, pas de manœuvres ni d’une impasse», appelant à un «compromis mondial». «La politique, c’est le compromis. La diplomatie, c’est le compromis. Un leadership efficace, c’est le compromis. Les dirigeants du monde ont le devoir de parvenir à un compromis pour construire un avenir commun de paix et de prospérité, dans l’intérêt commun.» Il estime que cela demande de «réformer le Conseil de sécurité pour l’adapter au monde d’aujourd’hui» et de «repenser l’architecture financière internationale pour qu’elle devienne véritablement universelle et soit un filet de sécurité mondial pour les pays en développement en difficulté.»(11)



Le Sommet de l'avenir en 2024, des solutions multilatérales pour un avenir meilleur

Pour pouvoir rattraper le coup, le Secrétaire général propose un sommet de l’avenir qui reprend globalement tout les messages urbi et orbi et ceci sans qu’il y ait un bilan de tout ce qui n’a pas marché. Nous avons l’impression d’une tentative de colmater les brèches d’un bateau qui fuit de toutes parts. Nous lisons : «Il est impératif et urgent de faire bloc autour de nos principes partagés et de nos objectifs communs. Le Sommet de l’avenir nous offre une occasion rare de renforcer la coopération sur des questions essentielles, de combler les lacunes que présente la gouvernance mondiale, de réaffirmer les engagements existants, notamment vis-à-vis des objectifs de développement durable (ODD) et de la Charte des Nations unies, et enfin de progresser vers un système multilatéral revitalisé, mieux à même d’avoir une incidence positive sur la vie des gens, des États membres réfléchiront aux moyens de jeter les bases d’une coopération mondiale plus efficace, adaptée aussi bien aux défis d’aujourd’hui qu’aux menaces de demain. Le Sommet du futur s'appuiera sur le Sommet des ODD et donnera un nouveau souffle au système multilatéral afin qu'il puisse tenir les promesses de la Charte des Nations unies et du Programme 2030.»(12)



Domaines d'action potentiels

«S’il revient aux États membres de décider de l’issue à donner au Sommet de l’avenir, le Secrétaire général a soumis à leur attention un programme ambitieux. Un véritable catalogue à la Prévert : Nous lisons : «*Prendre en compte l’avenir : prendre des mesures concrètes pour tenir compte de l’incidence à long terme de nos décisions. *Mieux faire face aux chocs : *Organiser une riposte internationale plus forte face aux chocs mondiaux complexes. *Assurer l’inclusion véritable des jeunes. *Mesurer plus efficacement le progrès humain. *Arrêter ensemble des indicateurs complémentaires au PIB qui tiennent compte de la vulnérabilité, du bien-être, de la durabilité et d’autres mesures essentielles du progrès ; *Arrêter ensemble une vision de la technologie numérique, l’envisager comme un moteur de progrès humain qui permette de porter au maximum les bienfaits et de réduire au minimum les méfaits potentiels.*S’engager à assurer l’intégrité de l’information publique. *Réformer l’architecture financière internationale. *Favoriser l’utilisation pacifique et durable de l’espace extra-atmosphérique. *Adopter un nouvel agenda pour la paix. *Transformer l’éducation en opérant un changement fondamental, mise à profit de la transformation numérique, l’investissement dans l’éducation et l’appui multilatéral en faveur d’une éducation de qualité pour toutes et pour tous».(12)



Plaidoyer pour l’avènement d’un monde du partage

Pour la première fois, le Secrétaire général a fait son discours en l’absence des membres permanents. Cette absence est significative du déclin de l'ONU dans un monde profondément fragmenté par l’affrontement entre les grands réunis autour des G7, G20, Brics, G77. Cette multiplication des enceintes régionales accélère aussi la crise de l’Organisation qui est en mort cérébrale. La grande illusion est de croire que l’on peut sauver l’Organisation avec les anciennes recettes par un manque d’un inventaire objectif. Car la question de fond est que voulons-nous faire de la planète ? Pourra-t-elle indéfiniment supporter ce clivage de plus en plus abyssal ? Savons-nous que deux dangers potentiels risquent de précipiter la fin de l’humanité : les changements climatiques dus à une boulimie énergétique, fonds de commerce de groupes qui échappent aux États. Il en est de même d’un autre grand danger, l’intelligence artificielle qui problématise la destinée humaine.

En définitive, ne serait-il pas plus moral et éthique à vivre sur cette Terre avec un avenir commun pour chacun. Peut-être qu’un Conseil de sécurité de la vie sur Terre, qui fonctionne sans veto composé des sages, serait la solution à même de nous promettre le bien commun basé avant tout sur la sobriété.

Ce Conseil de sages composé notamment de scientifiques, d’hommes politiques, de religieux qui ont en commun l’amour de la Terre et de l’humain pourra être une boussole et tracer les fils rouges qui porterait préjudice à l’humanité. Ce sera l’avènement d’un monde où la dimension éthique de l’être sera préférée à celle de l’avoir.

C. E. C.



1.https://gadebate.un.org/fr/78/secretary-general-united-nations

2.https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_des_Nations_unies

3.https://www.un.org/fr/chronicle/article/les-nations-unies-apres-70-ans-dexistence-les-realisations-et-les-echecs

4. https://www.undp.org/fr/sustainable-development-goals

5. Vladimir Astapkovitch https://fr.sputniknews.africa/20230921/lhumanite-a-ouvert-les-portes-de-lenfer-alerte-le-secretaire-general-de-lonu-1062256487.html

6. https://gadebate.un.org/fr/78/secretary-general-united-nations

7.https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/282650-conseil-de-securite-des-nations-unies-quel-bilan-depuis-1945

8. https://news.un.org/fr/story/2023/05/1135362#: .

9.https://news.un.org/fr/story/2023/09/1138357

10. https://news.un.org/fr/story/2023/09/1138607#

11.https://gadebate.un.org/fr/78/secretary-general-united-nations

12. https://www.un.org/fr/common-agenda/summit-of-the-future#:


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