Bien sûr le 05 Octobre. Cette date d'avant le 1er Novembre dans mes espoirs. Dans le manuel du lutteur déçu, cette date est une obsession. Voici comment un peuple coincé entre colonisateurs et décolonisateurs, se réveille, se lève, trébuche car fauché aux pieds, tombe, rampe, supplie, se repent, s'excuse d'avoir voté, se rétracte, se dénonce, puis se divise, s'éparpille, s'en va, régresse, s'encanaille, se corrompt puis vote, deux décennies après, même pour un homme absent et un poster photoshopé. Epique lutte entre le régime et le peuple à l'époque où ce peuple existait et qu'on pouvait le croiser dans les rues. Le régime quand à lui, a été vaincu en Octobre 88, a tué, torturé, a trébuché, est presque tombé, puis a triché, s'est relevé, a consolidé ses positions, s'est consolidé puis s'est assis sur tout le monde jusqu'à arriver, aujourd'hui à faire élire un absent en attendant d'élire le frère de l'absent ou le cheval de l'Emir Abd El Kader. Epique duel qui a duré vingt-quatre ans et qui s'est soldé par des milliers de morts, des milliers de disparus et des millions d'escroqués, roulés dans la farine importée.Dans l'une de ses rares crises verves, Medelci, l'ancien ministre des Affaires étrangère algérien, avait même osé revendre le cadavre encerclé aux Occidentaux à l'époque de gloire du printemps « arabe » : l'Algérie a déjà payé, répétait-il pour faire barrage à la menace contre son régime employeur.En cachant l'essentiel : on a payé mais jamais on a été livré, répétait une voix dans la tête du chroniqueur. Jamais. C'en est même devenu une tradition intellectuelle algérienne : fêter la défaite d'Octobre et pas sa promesse. Voilà pour la date. Elle s'est soldée par l'essentiel : la demande de démocratie a été dévoyée, cernée puis criminalisée et isolée.Etre démocrate aujourd'hui c'est presque être un nostalgique.Les gagnants sont le régime et les islamistes. Les perdants sont les morts et les survivants.Le plus fascinant est que la recette algérienne pour écraser une demande de démocratie portée par un soulèvement populaire, est devenue un cas d'école. Appliquée en Egypte par Sissi, menée aux sommets du crime par El Assad entre autres. Frappez, islamisez, tuez puis expliquez ensuite réconciliez, assimilez, faire élire et divisez. Dans quelques années Sissi l'Egyptien va se réconcilier avec les frères bêtes et méchants et la démocratie en Egypte sera un caprice de minorité. L'Egypte a exporté vers nous ses islamistes, son baathisme, nassérisme, cinéma et autres idéologies fumeuses, elle importe de chez nous, désormais, le manuel du coup d'Etat réussi.Passons. Et le 05 Octobre d'hier ' Fascinant. Sellal a fait la prière de l'absent à la place de Bouteflika. Image morbide pour illustrer l'exception algérienne : voici un régime unique au monde qui n'a besoin ni de peuple ni de Président. Les deux se croient élus et les deux n'existent plus que dans leurs têtes. Qui gouverne ' La pente et un club de régents auto-désignés.Voilà. Il fallait parler du 05 Octobre. Tout homme a deux dates de naissance : l'une est subie par sa mère, l'autre dépend de son courage à lui. C'est aussi valable pour les peuples. Et le 05 Octobre, nous avons failli venir au monde.Etrange cycle : nous avons eu quatre printemps ratés et volés, un été de la discorde, un hiver de dix ans et quatre mandats d'automne infinis avec Bouteflika.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 06/10/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Kamel Daoud
Source : www.lequotidien-oran.com