Il semblerait que
le « bipartisanisme » ait pris une grande claque à Washington depuis que le
Président Barack Obama est arrivé à la Maison Blanche.
Comme la plupart
des derniers présidents en date des Etats-Unis, Obama a promis durant sa
campagne de travailler avec ses adversaires politiques pour le plus grand bien
du pays. Bill Clinton a dit plus ou moins la même chose avant d'être élu. Il a
ensuite passé son premier mandat à se battre jusqu'au bout avec la majorité
républicaine du Congrès menée par Newt Gingrich, et son second mandat à
combattre la destitution.
George W. Bush
aussi a dit qu'il tendrait la main à ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui.
Soutenu par son vice-président Dick Cheney, il est ensuite devenu le président
le plus partisan et le plus idéologue des temps modernes.
Il semblerait que
la quête d'Obama pour l'union des partis soit déjà allée plus loin que celle de
ces prédécesseurs. Ses sympathisants ont froncé les sourcils lorsqu'il a choisi
de placer des républicains aux postes clés, y compris en conservant Robert Gates
comme secrétaire d'Etat à la Défense.
Mais il s'est
surtout efforcé de s'attirer le soutien des républicains dans sa tentative
d'empêcher l'économie de disparaître dans le puits sans fond de la récession.
Seuls trois sénateurs républicains rebelles ont accepté la proposition d'Obama
de suivre ses projets. En revanche, les républicains de la Chambre des
Représentants ont unanimement rejeté tout amendement, compromis et amabilité de
la part d'Obama.
Certains
commentateurs pensent qu'Obama a fait une terrible erreur. Il a tout d'abord vu
sa promesse de collaboration entre partis essuyer de violents refus. Puis, il
était si affairé à élaborer un consensus avec son administration qu'ils ont
noyé quelques ingrédients indispensables à la relance et n'ont pu défendre
vigoureusement leur recette face aux attaques républicaines.
Tenter de
courtiser ses adversaires n'est pas sans inconvénients. Mais pourquoi les
laisser s'en tirer s'ils ont vraiment tort?? Nous voyons aujourd'hui des
républicains critiquer l'augmentation du déficit du budget des Etats-Unis alors
que la dette nationale états-unienne a doublé au cours des huit années de
présidence Bush. En outre, croire comme les républicains que se contenter de
réduire les taxes et non les dépenses publiques aidera le pays à se relever est
un triste exemple d'idéologie bornée.
Pourtant les
efforts de «?bipartisanisme?» d'Obama reposent sur de bonnes raisons. Dans tout
système démocratique subtilement équilibré, les dirigeants ont généralement
besoin d'une coalition pour obtenir ce qu'ils veulent.
Qui plus est, le
style consensuel est de bon aloi. La plupart des électeurs – surtout
l'électorat flottant, en général décisif pour les élections – n'apprécie pas
les affrontements partisans autant que certains hommes politiques et leurs
sympathisants. Après tout, l'électorat avisé, modéré et sans allégeance
n'allume pas son poste de radio pour écouter les présentateurs
archiconservateurs tels que l'américain Rush Limbaugh.
En cas de rude
situation politique, comme ce sera le cas à l'échelle de la planète tandis que
nous nous démenons face aux conséquences de la récession mondiale, tout
gouvernement sensé s'évertue à obtenir le bénéfice du doute.
C'est l'attribut
le plus important en politique. Les citoyens savent qu'il est difficile de
diriger un payer, surtout par les temps qui courent. Ils sont disposés à
épargner le gouvernement de leurs critiques s'ils pensent que ce dernier
s'efforce de faire ce qu'il faut. Au contraire, la population se cabre devant
un gouvernement aux décisions impopulaires, prises de manière bornée et
mesquine.
Rendre un
différend politique plus courtois a des avantages. Ronald Reagan avait un fort
penchant idéologique. Il a réformé la politique aux Etats-Unis, en attirant le
centre fermement à droite. Mais il l'a fait, semble-t-il, sans jamais s'attirer
le mépris de ses adversaires ni même les dénigrer. Les assistants d'Obama ont
avoué que ce dernier avait façonné son propre programme sur l'optimisme radieux
du respectable acteur républicain.
La courtoisie en
politique n'est pas qu'une simple friandise. Il est nettement plus probable
qu'un dirigeant sera respecté, s'il respecte ses adversaires plutôt que s'il
met en doute leur patriotisme et ne supporte pas leurs critiques.
Les années de prison
n'ont pas rendu amer Nelson Mandela? et c'est l'une des raisons pour lesquelles
est immensément respecté. Jawaharlal Nehru était très populaire, car il était
connu pour adorer la liberté d'expression, prendre l'avis de ses détracteurs au
sérieux et défendre leur droit à l'opposition. Il est devenu l'une des figures
dominantes du vingtième siècle en établissant durablement la démocratie en
Inde, malgré les tensions entre castes, régions et groupes ethniques et
religieux.
Je nourris donc
l'espoir qu'Obama ne soit pas dissuadé de travailler avec ses adversaires,
d'établir un consensus et de réagir avec courtoisie même avec ceux dont il
abhorre les idées. A mon humble avis, ceux qui, en pensée, déplorent l'idée
même d'un gouvernement, sauf à attendre de lui le rachat des banques et des
entreprises, et qui prétendent offrir un meilleur avenir en ravaudant les
oripeaux de mesures qui ont contribué au désastre économique actuel, ne seront
pas plus respectés ou soutenus par leurs électeurs.
Même à Washington,
être un partisan impopulaire qui a tort présente des inconvénients.
*Chancelier de
l'université d'Oxford et membre de la Chambre des Lords
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Posté Le : 28/05/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Chris Patten*
Source : www.lequotidien-oran.com