Drones et souverainetés nationales

La carrière du sinistre Mokhtar Belmokhtar, chef du groupe terroriste «El Mourabitoun» sévissant au Sahel sous la bannière d'El Qaïda, se serait achevée dimanche quelque part en Libye où les services de renseignement le traquant savaient qu'il avait trouvé refuge pour échapper au rouleau compresseur des opérations militaires menées par l'armée française au Sahel. Ce chef terroriste tant recherché aurait en effet été éliminé suite à une frappe aérienne au moyen d'un drone opérée par les Américains parvenus à localiser précisément l'endroit où il se trouvait.C'est le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale qui en a fait l'annonce qui reste néanmoins à confirmer car si les Américains ont admis savoir effectivement l'endroit où ils pensent que Belmokhtar se serait trouvé en compagnie d'autres chefs terroristes, ils disent néanmoins ne pas être encore en mesure de préciser si Belmokhtar fait partie du nombre des terroristes éliminés. L'on peut pourtant considérer que la nouvelle annoncée par le gouvernement libyen est probablement du domaine de la certitude. L'on imagine mal en effet cette source s'avancer à annoncer l'élimination de Belmokhtar si elle n'avait pas été renseignée par les Américains sûrs cette fois d'avoir eu dans leur collimateur l'insaisissable chef terroriste. S'ils ont laissé aux autorités libyennes reconnues par la communauté internationale la primeur de faire l'annonce de la liquidation du «borgne», c'est pour que cela donne à comprendre que l'opération qu'ils ont menée contre le chef terroriste en Libye n'a pas été faite à l'insu du gouvernement libyen légal.L'élimination de Belmokhtar sera à coup sûr accueillie avec satisfaction par les Etats de la région sur les territoires desquels lui et son groupe ont sévi. Elle n'occultera pour autant qu'en l'occurrence les Américains se sont peu souciés du respect de la souveraineté de l'Etat libyen. Sous prétexte de combattre le terrorisme partout où existent les organisations qui y ont recours, les Etats-Unis ignorent la souveraineté des Etats dans les territoires desquels celles-ci sont implantées et agissent. Nul ne conteste aux Etats-Unis ou à tout autre Etat confronté au fléau du terrorisme de traquer ceux qui le pratiquent.Pour autant, cela ne justifie pas la doctrine par laquelle l'on s'accorde le droit d'intervenir et de mener des opérations de guerre sur le territoire d'autres pays sans l'accord de leurs autorités et dans le respect du droit international. Certes, l'on nous opposera que dans le cas de la Libye ce pays est en totale décomposition et sans un Etat avec qui s'entendre pour neutraliser les organisations et groupes terroristes qui y tiennent le haut du pavé et élargissent leur nuisance à l'ensemble de la région et plus loin encore. Soit, mais force est de constater aussi que l'intervention américaine en Libye n'est pas l'exception, mais preuve s'il en est qu'ils se sont forgé une stratégie de lutte contre le terrorisme qui leur fait ignorer les frontières nationales et la souveraineté des Etats.Certes, les drones américains ont peut-être éliminé Belmokhtar. Mais il est à craindre que leur utilisation ne va pas s'arrêter à la traque des terroristes. Ils peuvent en effet faire partie de la panoplie destinée à matérialiser l'ingérence dans les affaires des Etats dont ils violent la souveraineté.