Algérie

Droits de la femme : Un long chemin à parcourir...



L'une des clés de l'autonomisation et de l'émancipation de la femme reste son engagement dans la sphère économique.Les femmes arrivent à accéder à des postes de responsabilité, créer leurs propres entreprises, disputer des parts de marché dans des secteurs longtemps restés réservés aux hommes, depuis qu'elles ont compris que les droits s'acquièrent et ne s'octroient pas.
Leurs implication et engagement dans la redoutable bataille économique ne sont pas chose aisée de par les barrières sociales auxquelles elles doivent continuellement faire face, mais les femmes algériennes donnent la preuve, jour après jour, que rien ne leur fait peur quand il s'agit d'arracher leur droit à l'égalité des chances. Il suffit qu'elles en soient conscientes et qu'elles sachent que devant la loi il n'y a pas de discrimination en faveur des hommes.
La discrimination reste dans les mentalités archaïques qui réduisent la femme au statut de sous-citoyenne. «Rien n'empêche la femme, en termes de dispositifs, de lois et de textes, de se lancer dans l'entrepreneuriat ; ce qui reste à mener, c'est une bataille d'opérationnalisation», estime Nacera Haddad, vice-présidente du Forum des chefs d'entreprise (FCE). Notre interlocutrice entend l'opérationnalisation dans l'ancrage de la culture entrepreneuriale «qui est très peu présente dans le cursus universitaire et éducatif de manière générale».
Aussi, une opérationnalisation des dispositifs en charge de l'entrepreneuriat. «Ces dispositifs, qui essayent de faire du mieux qu'ils peuvent, ont des missions plus larges que les moyens dont-ils disposent, surtout des moyens d'approche stratégique? Il faut très vite déplacer les dispositifs dans les espaces scolaire, universitaire et de formation professionnelle. Ouvrir des comptoirs ou guichets uniques Ansej, Angem, CNAC au sein des espaces estudiantins pour devenir le décor dans lequel s'ouvrent les yeux de l'étudiant.
Ce sera une grande avancée? Il faudra aussi s'appuyer sur le mouvement associatif dans le cadre de la démocratie participative, dont un des contenus c'est d'articuler les politiques publiques de l'Etat et les faire porter par le mouvement associatif.» Une approche valable pour les deux sexes, mais qui sera très bénéfique pour les femmes. «Il faut savoir que la femme est plus pénalisée que l'homme par l'absence de l'information.
La fille n'est ni éduquée au sein de la famille ni à l'école pour pouvoir devenir un acteur actif dans le processus entrepreneurial. Si elle rencontre sur son chemin l'opportunité de le faire, elle le fera et elle s'en servira ; par contre, la plus forte probabilité est qu'elle ne rencontrera pas cette opportunité et c'est essentiellement là où réside le problème», indique Mme Haddad en notant que les filles sont éloignées de l'information et des dispositifs de par leurs études ou de leur cellule sociale qui ne les prépare pas à cela, et de par leur situation géographique.
Un quart de la population vit dans les zones rurales où les dispositifs d'aide à la création d'emplois se font très rares. «Il est impératif d'arriver à instaurer de véritables approches de proximité pour une stratégie gagnante en direction de la promotion de l'entrepreneuriat et l'autonomisation des femmes», estime Nacera Haddad.
L'entrepreneuriat féminin entre 12 et 16%
Le taux d'entrepreneuriat féminin est en nette progression, même s'il oscille seulement entre 12 et 16%, nous dit Mme Haddad qui y voit un signe positif, d'autant que le niveau de progression gagne chaque année 3 points pour les femmes contre seulement 2 pour les hommes. «Il faut une étude exhaustive pour déterminer le réel taux d'engagement des femmes dans la sphère économique, surtout qu'au niveau des registres de commerce on trouve beaucoup des prête-noms», précise notre interlocutrice, n°2 du FCE.
Ce forum compte 200 femmes chefs d'entreprise sur 2500. «Le plus grand atout de la femme algérienne est dans son ADN, elle a ce double défi qui la motive de réussir dans la mission qu'elle a, que ce soit en tant que fonctionnaire ou chef d'entreprise, ou bien dans un poste politique.
Elle est en permanence dans la culture du double défi de réussir comme les hommes, mais aussi mieux qu'eux pour pouvoir s'affirmer. Et ça, c'est un atout indéniable dans l'entrepreneuriat», note Mme Haddad. Un double défi qui oblige la femme à plus d'efforts.
«La femme choisit d'intégrer l'entrepreneuriat au détriment de beaucoup de choses et elle doit se faire accepter dans un ''terrain d'hommes'' grâce à ses compétences. La législation algérienne lui donne les mêmes chances que celles accordées aux hommes, mais il faut qu'elle sache en profiter.
Malheureusement, beaucoup de femmes ne connaissent pas leurs droits», indique Farida Guerfi, gérante d'un cabinet d'expertise et de commissariat aux comptes, vice-présidente de l'association SEVE (Savoir et vouloir entreprendre), constituée de 180 femmes chefs d'entreprise.
L'association SEVE s'engage d'ailleurs depuis 1993 à former les femmes au métier de l'entrepreneuriat en leur expliquant les démarches et mécanismes à suivre pour lancer leur affaire et s'affirmer dans la sphère économique. «Il n'y pas de terrain fermé aux femmes en Algérie, je dirai que cela dépend de la femme elle-même si elle veut réellement s'affirmer et imposer sa présence.
J'ai fait pour ma part tout mon cursus scolaire avec des hommes, je travaille dans un secteur habituellement réservé aux hommes, mais je suis arrivée à avoir ma place grâce à mon travail et mes compétences. Je ne dirai pas que ce n'est pas difficile, mais il faut savoir s'imposer», précise notre interlocutrice en notant que c'est la qualité du travail qui fait la différence.
Toujours à devoir faire plus, cela semble «sisyphéen» comme défi, mais ce n'est pas insurmontable pour une femme algérienne qui a intégré la notion du sacrifice et de l'affirmation de soi. «Nous sortons d'une double décennie de régression incroyable. Autant les textes et le droit ont évolué, autant dans la pratique quotidienne et dans les mentalités on enregistre beaucoup de régression. On reste une société extrêmement conservatrice et résistante au changement, et malgré cela, la femme a pu occuper des espaces.
Elle n'a pas encore gagné les postes de commandement, mais il faut dire que les hommes ont connu un tassement dans leur progression. Ils occupent aujourd'hui des fonctions et missions qu'ils ont souvent, parce que derrière ils ont un cadre supérieur ou un n°2 qui fait le vrai boulot. C'est donc plus facile de les garder à ce niveau-là que de les laisser émerger.
Et dans la symbolique, l'Algérien a encore du mal à traiter avec une femme d'égal à égal», regrette Nacera Haddad en rappelant que les femmes sont plus éthiques dans leur rapport aux affaires. «Elles sont plus éthiques dans l'exercice du parcours entrepreneurial, dans l'exercice dans le monde des affaires, elles ne sont pas corruptibles, elles ne savent d'ailleurs pas l'être», nous dit-elle en soulignant que souvent, dans certains secteurs, les marchés se négocient dans des lieux qui ne sont pas ouverts aux femmes.
«Dans mon activité, où j'ai dirigé l'expertise publique pendant longtemps ainsi qu'à titre privé, je n'ai pas eu affaire à une discrimination dans l'acquisition de marchés.
Mais je connais des collègues qui sont dans le bâtiment, dans la fourniture de services, dans des activités où des hommes évoluent beaucoup plus à l'aise parce qu'ils négocient dans les restaurants, les cafés, qui sont des espaces que nous ne fréquentons pas pour le travail. Nous sommes plus rigoureuses, et sur certains niveaux c'est un handicap, car il est parfois plus facile d'avoir l'information dans un café que dans un bureau», regrette encore Nacera Haddad.


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