Elles étaient à
peine quinze, ces femmes, parentes, épouses, mères ou soeurs de disparus (es) à
être venues hier, pour un sit-in devant le siège de la Commission nationale
consultative de la défense et de la promotion des droits de l'Homme (CNCPPDH),
à la Place Addis Abeba d'Alger. Elles n'avaient pas l'habitude de le tenir un
dimanche, mais plutôt, tous les mercredis de toutes les semaines, depuis que
les dossiers de leurs disparus ont été rangés par la force de la loi. En ce 8
mars, classé universellement « Journée de la femme », ces femmes algériennes
ont pensé inscrire leur revendication de la vérité sur le sort de leurs proches
dans la liste des droits des femmes, dont la garantie relève du devoir de
l'Etat. Quinze femmes étaient donc assises à même le sol, l'une d'elles tenant
l'emblème national. Un habitant d'Oran nous racontait hier, qu'un marchand
ambulant, de peur d'être empêché par les policiers de vendre sa marchandise au
bord de la route, a accroché l'emblème national sur le devant de sa petite
charrette pour qu'il ne soit plus privé de le faire. Il est certain que l'emblème
national est, dans pareil cas, mis en avant comme un symbole auquel l'Etat et
ses démembrements doivent respect. « L'emblème national ne représente pas
l'Etat mais le pays, la patrie », fait remarquer l'Oranais. Mais, dans l'esprit
des petites gens, la patrie, l'Etat et le pouvoir peuvent ne faire qu'un,
puisqu'en haut lieu, la confusion semble entretenue avec doigté «pour valoir ce
que de droit».
Ces femmes, en
quête de vérité sur leurs disparus, avaient, bien éloigné d'elles, le père d'un
disparu lui aussi, mais assis à l'autre extrémité du trottoir avec une pancarte
à la main portant la date de la disparition de son fils. D'habitude, chaque
mercredi, ils se mélangent les uns aux autres, femmes et hommes, et occupent
ensemble les devants du siège de la CNCPPDH afin que nul n'oublie.
Mais, en ce 8
mars, la séparation entre les femmes et les hommes est bien marquée. L'on
retiendra chaque année à la même occasion, que les femmes montent, le temps
d'une demi-journée, sur de nombreuses tribunes pour revendiquer leurs droits
sans penser à y associer leurs « censeurs ». D'ailleurs, toutes les activités
programmées en cette journée sont exclusivement féminines. Elles le font chaque
année en s'activant même à convoquer l'histoire... des femmes. Il faut dire que
la faille entre les unes et les uns est profonde et ancienne. En effet, ce
n'est qu'en 1857 que des femmes noires américaines ont décidé de s'imposer dans
un monde d'hommes, alors que l'Histoire de l'humanité avait pris acte bien
avant que même les religions, notamment celle musulmane, ont été souvent
interprétées selon des exigences et des besoins essentiellement masculins. Et
que les restrictions imposées aux femmes sont pure oeuvre des hommes.
C'est dire que la
lutte, pour opérer des rattrapages à la fois complexes et compliqués, n'est pas
simple. Elle exige en premier, que les hommes s'y impliquent sans hypocrisie et
sans arrière-pensées. Et que les femmes s'affranchissent des pesanteurs de
l'histoire et de l'esprit sans regrets et sans imitations inutiles.
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Posté Le : 09/03/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com