L'organisation internationale affiliée à la Commission des droits de
l'Homme onusienne à Genève et chargée d'enquêter sur les disparus dans le
monde, a demandé à être reçue par les autorités algériennes pour constituer
«une interface entre l'Etat et les familles des disparus».
«Les membres de l'organisation qui s'occupe des disparus à l'échelle
planétaire veulent être une interface entre les Etats et les familles des
disparus», nous a déclaré hier le président de la Commission nationale
consultative pour la promotion et la protection des droits de l'Homme
(CNCPPDH).
Maître Mustapha-Farouk Ksentini revenait de Genève où il a assisté à la
cérémonie du trentenaire de l'organisation en question. «Les membres de
l'organisation n'ont pas évoqué explicitement le cas des disparus algériens
parce qu'il n'est pas considéré comme étant un exemple type de disparitions
forcées. Il y en a de beaucoup plus dramatiques à travers le monde», nous
a-t-il précisé.
Ceci étant dit, les animateurs de cette organisation internationale lui
ont demandé qu'il soit possible qu'ils rencontrent les responsables algériens
pour discuter du dossier et des cas qu'il contient. Me Ksentini nous indique à
cet effet que «leur but est d'arriver à l'obtention de solutions acceptables
pour tout le monde.»
Une telle demande ne peut, selon Ksentini, qu'être acceptée par l'Etat
algérien parce que, dit-il, «nous ne sommes pas l'exception, on est un Etat
ordinaire qui se plie aux règlements et lois internationales». Le président de
la CNCPPDH estime qu'il faut «encourager ce genre d'action et je suis prêt à coopérer
et à gérer au mieux ce dossier».
On lui rappelle cependant son refus «désormais» de discuter du dossier
des disparus parce que le considérant comme «définitivement clos». Il répond
sans hésiter : «J'ai dit aux journalistes que je n'en reparlerai pas parce que
j'estime que, personnellement, je ne peux plus rien faire de plus. J'ai fait ce
qu'il m'était possible de faire. J'ai été le plus loin possible que je
pouvais».
Par contre, il réfute le fait d'avoir estimé que le dossier était clos.
«Je n'ai jamais dit que le dossier était clos. Je n'ai aucun droit de décider
de son ouverture ou de sa fermeture. Quand j'ai dit qu'il était clos, je
parlais de l'institution qui le gérait et non pas du dossier lui-même.
L'institution a décidé de le fermer. Sinon, moi, je ne peux me permettre de le
fermer, je n'en ai pas la prérogative.»
A la question de savoir ce que pensent les membres de l'organisation
internationale sur le règlement de ce dossier décidé par les autorités, à
savoir l'octroi d'indemnisations aux familles des disparus qui ont bien voulu
les accepter, Me Ksentini nous a répondu qu'«ils ont dit que c'est important
comme démarche mais que ce n'était pas suffisant». Il fera savoir à cet effet
que «l'idéal pour cette organisation est d'aller vers la justice et de
rechercher la vérité pour que les familles concernées soient informées sur le
sort de leurs disparus et pour qu'elles puissent faire leur deuil». Mais,
a-t-il lâché, «c'est extrêmement compliqué ! Ce que les membres de
l'Organisation demandent relève de l'impossible ! Il n'y a pas d'archives, il
n'y a pas de preuves, il n'y a pas d'informations !». Pour étayer ses propos,
il interroge : «Rappelez-vous, c'était le KO. Pouvons-nous faire quelque chose
quand c'est le KO ?».
«Le plus grave pour moi, ce sont les brutalités institutionnalisées»
Me Ksentini ira plus loin dans son raisonnement. «Dans les autres pays
qui ont aussi leurs disparus, la justice a fait des procès aux plus hauts
responsables de l'Etat et non pas aux petits agents qui ont procédé aux
disparitions forcées ! Chez nous, c'est difficilement concevable !». Il
interroge encore une fois : «Avec 7.200 cas de disparitions forcées, vous vous
imaginez qu'on pourrait avoir des preuves pour tout le monde ?».
Mais on lui rappelle que nombreuses sont les familles qui savent qui a
enlevé leurs proches, avec les noms, grades, institution d'affiliation et
autres complices ou adresses de commissariats ou casernes vers lesquels ils ont
été amenés. «Les noms eux-mêmes ne suffisent pas. Il faut des preuves concrètes
!». En plus, continue-t-il, «n'oubliez pas que si les agents accusés sont
jugés, ils ont de multiples voix de recours, les procès peuvent durer de
longues années, 15, 20 ans… Et peut-être sans résultats probants».
Me Ksentini a été, ces jours ci, interrogé par la rapporteuse spéciale
des Nations unies sur la violence contre les femmes. Mme Rashida Manjoo, qui
est d'origine sud-africaine et de confession musulmane, est, indique Me
Ksentini, «extrêmement intéressante. C'est une brave femme !».
«L'hôte de l'Algérie voulait s'enquérir de la situation des droits des
femmes en Algérie. Je lui ai dit, nous fait savoir Ksentini qu'«il y a deux
Algérie, l'Algérie profonde et l'Algérie des villes où les choses sont un peu
mieux». Le président de la CNCPPDH a affirmé à la rapporteuse onusienne qu'en
effet, «les femmes algériennes sont soumises aux brutalités physiques mais cet
aspect des brutalités ne m'intéresse pas beaucoup, bien qu'il soit dramatique».
Parce que ce qui semble choquer Ksentini, ce sont «les brutalités judiciaires
que l'homme fait subir à la femme, lorsqu'on sait qu'il peut demander le
divorce sans n'avoir aucune raison. Je m'élève contre le fait que l'homme peut
répudier la femme». Il notera que «le plus grave pour moi est que cette brutalité
judiciaire est institutionnalisée ! C'est une brutalité contre laquelle je
m'oppose !».
Mme Manjoo a par ailleurs,
toujours selon Me Ksentini, relevé des discriminations envers les femmes en
matière d'emploi. «La discrimination n'est pas dans les textes. Dans les
textes, les Algériens sont merveilleux ! Mais c'est leur application qui est
jugée discriminatoire envers les femmes, notamment dans le secteur privé où
leurs droits sont en général reniés», explique-t-il.
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Posté Le : 09/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com