Algérie

Droit de réponse de l'avocat de Chani Medjdoub



Droit de réponse de l'avocat de Chani Medjdoub
En ma qualité de conseil de Monsieur Chani Medjdoub, prévenu dans l'affaire 00004/12 condamné le 6 juin 2012 par le tribunal d'Alger à une peine de 18 ans de prison ferme assortie d'une période de sûreté de 9 ans et à une amende de huit millions de dinars pour délit de blanchiment, actuellement en détention à la maison d'arrêt de Serkadji, je vous prie de bien vouloir publier le présent droit de réponse de mon client aux assertions de votre correspondant, Abder Bettache, publiées dans les colonnes de votre quotidien daté du 2 juillet 2012 en page 5.
Votre collaborateur, Abder Bettache, qui a assisté aux débats lors de l'audience du tribunal d'Alger livre aux lecteurs du Soir d'Algérie des informations inexactes susceptibles d'altérer le jugement de vos lecteurs tant dans son article publié dans les colonnes de votre numéro du 2 juillet 2012 que dans ses articles précédents : il présente avec insistance M. Chani Medjdoub comme un habitué de faits de corruption, de trafic d'influence, de détournement de biens publics et de blanchiment. Dans cette affaire, Chani Medjdoub est poursuivi pour blanchiment et condamné à 18 ans de prison ferme avec une période de sûreté de 9 ans et une amende de huit millions de dinars. C'est la peine prononcée par le tribunal de Sidi M'hamed le 6 juin 2012, contrairement à ce qu'affirme votre collaborateur, qui, bien qu'au courant de la décision du tribunal, y ajoute des peines de saisie de biens et de comptes bancaires qu'il a imaginées pour mieux étayer ses accusations de corruption, trafic d'influence et détournement de biens publics pour lesquelles M. Chani Medjdoub n'est pas poursuivi dans l'affaire jugée par le tribunal de Sidi M'hamed. Dans le jugement de 24 pages, deux paragraphes sont consacrés à la motivation de la condamnation de M. Chani : le tribunal considère que la photocopie de la pièce d'identité de M. Chani jointe au formulaire de demande d'ouverture de compte des deux sociétés offshore mises à la disposition de la banque ainsi que la photocopie du passeport du bénéficiaire économique des comptes, M. Boukhari Mohamed, également jointe à ces demandes constitue une preuve qu'il connaissait l'identité et la qualité de Boukhari Mohamed et que par conséquent il connaissait l'origine illicite des fonds qui devaient être transférés sur ces comptes. Pour motiver la condamnation de M. Chani, le tribunal s'appuie également sur la déclaration finale de M. Dominique Fermine, chargé de clientèle à Natixis Private Banking SA, qui affirme, en totale contradiction avec l'ensemble de ses déclarations devant la police judiciaire du Luxembourg : «Après relecture (du procèsverbal d'audition), je désire rajouter que Chani m'avait indiqué que lui aussi avait effectué ses devoirs de diligence en vue de connaître le client Boukhari. Je me rappelle que Chani m'avait dit qu'il avait effectué des recherches en Algérie sur Boukhari et qu'il n'avait pas trouvé d'élément s'opposant à l'entrée en relation professionnelle.» Le tribunal ne s'est pas donné la peine de lire l'intégralité des trois pages qui constituent le procès-verbal d'audition de M. Dominique Fermine, car le dénommé Fermine commence par nier connaître le statut de haut fonctionnaire de son client Boukhari. A la question : «Avez-vous connaissance de sa position en tant que fonctionnaire '» la réponse de M. Fermine est «Non. A mon avis, le dossier n'aurait pas été accepté quand on aurait su. Le compliance de la banque ne l'a pas vu non plus à l'époque.» A la question : «Comment Chani est-il devenu représentant social des deux comptes bancaires '», la réponse de M. Fermine est : «Parce que c'était lui qui était administrateur de ces deux sociétés. A l'époque, il ne se faisait pas qu'on donnait le mandat de directeur de la société offshore au client directement. C'était donc la fiduciaire qui avait créé cette société qui gardait le droit de représenter la société face à des tiers. Ceci était fait dans un but de donner plus d'anonymat au client.» L'identité du client de la banque est, comme l'affirme M. Fermine, protégée par le secret bancaire. Comment donc M. Chani pouvait-il la connaître pour faire des recherches en Algérie ' Dans sa réponse à la même question, M. Fermine déclare : «D'après la fiche d'ouverture de comptes, Boukhari Mohamed disposait également d'un compte personnel auprès de la banque NATIXIS (ouvert avant la mise à la disposition de la banque des deux sociétés offshore)… Vous me montrez une copie du passeport de Boukhari Mohamed qui était dans le dossier de la banque et sur lequel est marqué qu'il était conseiller du ministre. Je vois ça, je vous confirme que c'est marqué dessus. C'était un des documents qui passait dans le comité d'acceptation. C'était donc tout le monde dans la banque qui devait le savoir. Je ne me rappelle plus des circonstances précises. Je suppose que le client nous avait indiqué ne plus occuper cette fonction — ce que j'ai noté dans la documentation d'ouverture de compte. Il me semble clair qu'aujourd'hui aucune banque luxembourgeoise n'accepterait un tel dossier au vu des lois sur le blanchiment en vigueur.» Il est évident que la déclaration de M. Fermine faite après relecture du procès-verbal de son audition, et sur laquelle s'appuie le tribunal pour motiver la condamnation de M. Chani Medjdoub, est monsongère car il affirme luimême que Chani ne connaissait pas Boukhari, que ce dernier était déjà client accepté par la banque avant la demande de mise à disposition des deux sociétés offshore, ce en parfaite connaissance par la banque et Fermine de la position de Boukhari en tant que haut fonctionnaire et que même en qualité de représentant des sociétés offshore, Chani ne pouvait pas connaître son identité, ni sa qualité en raison du secret bancaire qui protège l'identité des clients de la banque. Suite à la première commission rogatoire lancée par le juge d'instruction dans l'affaire dite «Autoroute Est-Ouest», dans la panique et pour camoufler son activité de blanchiment, Natixis Private Banking a transféré dans la précipitation et selon le même processus, les avoirs de Boukhari Mohamed à la Banque de Luxembourg en mars 2010 et s'est débarrassée de Dominique Fermine peu de temps après : ouverture de deux comptes au nom de Boukhari avec les mêmes documents d'identité et ouverture d'un compte au nom d'une société offshore mise à la disposition de la Banque de Luxembourg par une société fiduciaire gérée par un ressortissant français (non bougnoule celui-là) et dont Boukhari est bénéficiaire économique. L'opération de blanchiment continue, mais cela ne fait réagir personne, puisque Chani Medjdoub ne peut pas en être accusé. Est-ce un accord tacite entre les autorités algériennes et luxembourgeoises pour ne pas toucher à la principale industrie du Luxembourg, le blanchiment d'argent par le système bancaire luxembourgeois ' Votre collaborateur écrit dans son article : «(…) Parmi les données transmises (par les autorités judiciaires du Luxembourg) figurent des détails sur deux sociétés offshore créées par Chani aux BVI (Iles Vierges Britanniques) et dont les comptes domiciliés au Luxembourg ont servi pour le transfert de 10 millions de dollars effectué par deux sociétés chinoises activant en Algérie au profit de Mohamed Boukhari (…)» Rien dans le dossier ne permet d'affirmer de telles contre-vérités :
1) Chani Medjdoub n'a pas créé de société offshore aux Iles Vierges Britanniques : il a mis à la disposition de la Natixis Private Banking, et à la demande de cette dernière, deux sociétés de droit BVI qu'il a commandées à un cabinet d'avocats anglais spécialisé en la matière.
2) M. Chani ignorait l'identité et la qualité du client de Natixis Private Banking pour lequel ces deux sociétés étaient commandées par la banque.
3) Il ressort clairement des éléments du dossier et notamment du témoignage du chargé de clientèle de Natixis Private Banking que le dénommé Boukhari Mohamed était déjà client de la banque avant qu'elle ne demande à M. Chani de mettre à sa disposition deux sociétés offshore de droit BVI, puisqu'elle avait déjà ouvert un compte personnel au nom de Boukhari Mohamed.
4) M. Chani n'a jamais perçu le moindre centime des sociétés chinoises ZTE et HUAI, ni des comptes ouverts au nom des sociétés offshore mises à la disposition de la banque, ni du compte personnel de Boukhari Mohamed.
5) A la date d'ouverture du compte personnel de Boukhari Mohamed, Natixis Private Banking connaissait le statut de conseiller du ministre des Télécommunications de son client qui est une personnalité politiquement exposée (PPE) et elle avait l'obligation légale, avant l'ouverture du compte bancaire, de faire une déclaration de soupçon à la cellule financière du Grand Duché du Luxembourg, d'autant plus que la déposition de Dominique Fermine, chargé de clientèle à la banque Natixis, révèle que Boukhari l'avait informé que l'ouverture du compte avait pour objectif le versement de commissions par des sociétés chinoises opérant dans le secteur des télécommunications en Algérie.
6) La demande de mise à disposition de deux sociétés offshore de statut BVI faite par Natixis Private Banking à M. Chani n'a été faite qu'après que les sociétés chinoises eurent refusé d'effectuer le versement des commissions sur le compte personnel de Boukhari Mohamed. Cela ressort très clairement des éléments du dossier, de la déposition de M. Dominique Fermine et de M. Mohamed Boukhari lors de l'audience.
7) M. Chani a répondu à une commande de Natixis Private Banking, comme il l'a fait des centaines de fois tout au long de sa carrière professionnelle et en toute légalité pour divers établissements bancaires au Luxembourg. Il n'avait aucune connaissance ni de l'identité, ni du statut de haut fonctionnaire du client de Natixis Private Banking qui étaient protégés par le secret bancaire puisqu'il bénéficiait déjà d'un compte bancaire ouvert en son nom personnel.
8) Les seuls actes accomplis par M. Chani Medjdoub se limitent à la mise à disposition de Natixis Private Banking, et à la demande de cette dernière, de deux sociétés offshore de statut BVI et à la signature des demandes d'ouverture de comptes au nom de ces deux sociétés dont il a seul mandat de représentation. Cela signifie que si la banque a besoin d'actes engageant ces deux sociétés, elle doit s'adresser à M. Chani qui a seul pouvoir de signer les actes d'engagement en leur nom. Le bénéficiaire économique, qui est le client de la banque et dont M. Chani ignorait l'identité et le statut, est désigné par la banque seule et n'avait aucun pouvoir de signature au nom des sociétés.
9) Il ressort très clairement du dossier et des déclarations de chargé de clientèle de la banque et de M. Boukhari que Natixis Private Banking a laissé M. Boukhari signer des contrats et des factures au nom des sociétés alors qu'elle savait qu'il n'en avait pas le droit, et cela sans jamais en informer M. Chani. La déclaration de M. Dominique Fermine lors de son audition par la police judiciaire est édifiante. En effet, à la question : «Vous gérez les comptes de Boukhari Mohamed. Etiez-vous informé de l'origine des fonds transférés sur les comptes bancaires '» M. Dominique Fermine a répondu : «L'origine des fonds, on avait les contrats de consultance qui étaient dans les dossiers. C'étaient donc les commissions des sociétés chinoises. Notre travail de chargé de clientèle, c'est de documenter toute entrée de fonds (factures, contrats). A chaque entrée, c'est le compliance qui soit accepte soit n'accepte pas ces fonds. En cas de refus, les fonds sont retournés à l'origine ou bloqués. Ceci, ce n'est pas le cas dans le présent dossier. Donc en cas d'entrée de fonds (dans ce dossier certainement comme il s'agissait de sommes importantes) un certain nombre de personnes en est au courant au sein de la banque telles que le compliance et le directeur de la banque privée.» Ces déclarations démontrent que c'était M. Dominique Fermine qui était gestionnaire des comptes dont Boukhari était bénéficiaire économique et, si besoin était, que Chani Medjdoub n'était pas gestionnaire des comptes et que M. Dominique Fermine, le compliance de la Banque et le directeur de la structure banque privée au sein de Natixis Private Banking ont permis à Boukhari de signer des contrats de consultant et des factures au nom des sociétés offshore mises à la disposition de Natixis Private Banking sans avoir aucune qualité pour le faire, dès lors que le seul représentant légal de ces sociétés était Chani Medjdoub. Il s'agit d'un véritable abus de confiance commis par la banque envers M. Chani et de l'utilisation frauduleuse de documents commerciaux indéniablement entachés de faux, puisque Boukhari Mohamed a signé ces documents en se prévalant de la qualité de gérant des sociétés offshore, qualité qu'il n'a jamais eue et que Natixis Private Banking savait qu'il n'avait pas. La réponse de M. Dominique Fermine est une preuve irréfragable que seule Natixis Private Banking connaissait l'origine suspecte des fonds perçus sur les comptes des sociétés dont Boukhari Mohamed était le bénéficiaire économique. Le délit de blanchiment est là et il est le fait exclusif de Natixis Private Banking.
10) Il est évident que s'il y a blanchiment, il est le fait exclusif de Natixis Private Banking, mais curieusement, ni les autorités judiciaires luxembourgeoises (et pour cause), ni les autorités judiciaires algériennes (pour d'autres causes) n'ont songé un seul instant à poursuivre Natixis Private Banking et ses dirigeants pour délit avéré de blanchiment. Les Luxembourgeois n'ont pas hésité à sacrifier un de leurs compatriotes d'origine bougnoule et obtenir à moindre coût un certificat de virginité pour une vieille lessiveuse de petite vertu. Combien de Boukhari ont toujours des comptes ouverts au Luxembourg ' M. Chani Medjdoub fait l'objet d'un acharnement judiciaire qui ne peut avoir pour motivation qu'un règlement de comptes.
Pour Chani Medjdoub, son conseil Mohand Tayeb Belarif
Réponse de la rédaction
Dans son droit de réponse à l'article publié dans les colonnes du Soir d'Algérie en date du 2 juillet 2012, l'avocat conseil de M. Chani Medjdoub affirme que «les informations rapportées par le journaliste Abder Bettache sont inexactes et susceptibles d'altérer le jugement de vos lecteurs». L'avocat Mohand Tayeb Belarif, défendant les intérêts de Chani Medjdoub est mieux placé pour plaider la cause de son client, dont le procès en appel est prévu prochainement. Mais dire que le journaliste, ayant assisté aux débats de l'audience, lors du premier jugement qui a eu lieu le 23 mai et dont le verdict a été prononcé le 6 juin, «a livré des informations inexactes» relève malheureusement d'un manque d'objectivité de la part de l'avocat. Questions : pourquoi Me Belarif a-t-il attendu près d'un mois pour se rendre compte que les comptes-rendus d'audiences du procès en question sont inexacts ' A-t-il saisi l'opportunité de la publication de l'article en question pour entamer une plaidoirie acte deux, en attendant celle qui aura lieu en appel le 17 juillet prochain devant le juge de la cinquième chambre ' L'avocat de M. Chani Medjdoub connu pour ces sorties médiatiques est libre d'interpréter en sa qualité de juriste tous les textes de droit et autres jugements susceptibles de contribuer à faire valoir les intérêts de son client, mais pas au point de porter un jugement de valeur sur le travail effectué par le journaliste. Les chefs d'inculpation de «corruption, de trafic d'influence, de détournement de biens publics et de blanchiment» ne sont pas de l'imaginaire du journaliste. Ils sont contenus dans l'ordonnance de renvoi de la chambre d'accusation. Enfin, Me Belarif étaye ses arguments et avance d'autres éléments d'information en faisant référence au jugement de 24 pages, tout en mettant en relief deux paragraphes consacrés à la motivation de la condamnation de M. Chani. C'est son droit. Porter un jugement de valeur sur le travail accompli par le journaliste ne l'est pas.


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