Algérie

Dramatique retour en arrière



A un moment où le front social menace de s'embraser, et alors que le Premier ministre faute de trouver une issue honorable pour toutes les parties aux conflits sociaux qui minent et ternissent sa gestion des affaires publiques et de l'Etat, le président est resté silencieux sur le sujet dans son discours, hier, à l'occasion de la Journée du chahid.Par bien des aspects, le discours du chef de l'Etat renvoie à cette implacable conviction que pour le pouvoir, les Algériens, sinon le peuple est toujours celui des premières années de l'indépendance, de la mobilisation nationale contre un ennemi-fantôme encore présent. Que l'on est toujours (ou que l'on a été ramené soudain du 21ème siècle, celui de la bonne gouvernance et de la démocratie, des droits de l'homme et des territoires 3.0) au temps du parti unique et de la démagogie de ses méthodes de gestion des affaires de l'Etat. Comme le retour au militantisme, l'amour et la défense de la patrie, le travail et le développement économique, et ces formules politiques dépassées, éculées, comme si le discours du pouvoir algérien ne peut être moderniste, de son temps, sinon bien près de la réalité sociale de tous les jours des Algériens.
Hélas, au moment où des cadres de la nation fuient par milliers le pays pour des horizons où ils sont écoutés, où on leur donne des chances d'intégration sociale, où on fait confiance à leur énorme potentiel, nous en sommes aujourd'hui, après bien des déceptions politiques et économiques, sociales, à des discours rappelant ‘'l'impact exceptionnel de la révolution nationale qui a insufflé à l'Algérien une grande confiance en soi et en la patrie et a forgé son caractère de toutes les épopées et gloires de sa patrie et qui ont construit la personnalité algérienne, qui se distingue par ses positions et ses principes et reflétant l'image d'une Algérie debout et constante qui tire, de chaque période de son Histoire, des enseignements dont elle puise la force et la détermination de ses enfants». Un discours pareil, à un moment où le Premier ministre est attaqué de toutes parts, autant par des partis que par des associations professionnelles et syndicats, à un moment où la grogne sociale enfle, aurait mérité d'être plus en phase avec les contingences sociales et politiques de l'heure.
Les rédacteurs du discours du chef de l'Etat à l'occasion de la Journée du chahid semblent avoir puisé dans un langage politique propre aux années 1970, oublié par les Algériens et dénoncé par les élites politiques, qui avaient dans les années 1980 exprimé leur ras-le-bol des fuites en avant du parti unique et appelé à une libération totale et complète de l'histoire de la révolution, loin de toute tentative de monopolisation de l'histoire des Algériens. Et, surtout, de revenir à la réalité sociale et politique du moment, sans s'égarer ni dans le temps ni dans les logorrhées dithyrambiques, car les contingences sociopolitiques actuelles auraient mérité une tout autre mouture du discours du président. Car en face les partis d'opposition montent au créneau pour dénoncer justement les tentatives des partis proches du pouvoir en s'en réclamant de monopoliser le jeu politique et la rente pétrolière, au point que toute la société algérienne, en ce qu'elle renferme comme élites, cadres et associations, a l'impression de retomber dans l'ère dramatique du parti unique où l'Etat et ses institutions républicaines sont squattés par un ou quelques partis, pour légitimer leur présence à ce stade du pouvoir et ériger des territoires de puissance étatique infranchissables, et qui n'ont pas fini de précipiter le pays vers l'impasse temporelle en fermant le jeu de l'alternance au pouvoir, en asséchant ses ressources financières.


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