Algérie

Dr Nedir, chef de la clinique de procréation médicalement assistée Feriel, à Liberté



Dr Nedir, chef de la clinique de procréation médicalement assistée Feriel, à Liberté
Dans cette interview, le Dr Cherif Nedir, l'un des pionniers de la PMA en Algérie, estime urgent de mettre en place un cadre légal et éthique pour cette activité, qui règle, par des méthodes scientifiques, le problème de stérilité. Jusqu'alors aucune loi ne codifie la PMA dans notre pays.Liberté : Les jeunes célibataires, atteints de certains types de cancer, risquent la stérilité après avoir été soumis aux séances de radiothérapie et chimiothérapie. Proposez-vous une solution pour la préservation de leur patrimoine reproductif 'Dr Cherif Nedir : Depuis quelques années, nous avons, à la clinique Feriel, une banque de sperme. Ce n'est certes pas une banque de donneurs, mais de jeunes hommes, atteints de cancer des testicules et qui doivent se soumettre à la chimiothérapie et radiothérapie, lesquelles induisent une atteinte des gonades très importante et par conséquent un gros risque de stérilité. Nous proposons à ces jeunes la vitrification de leur patrimoine reproductif afin de ne pas compromettre leurs chances d'avoir un enfant, une fois mariés. Ils signent, avec la clinique, un contrat valide trois années à raison de 3 000 DA et on leur garde, pendant cette durée, leurs spermatozoïdes. Jusqu'à présent, nous avons environ une trentaine de dossiers. Au bout de trois ans, la personne concernée doit donner signe de vie pour que nous soyons édifiés sur le devenir de ces spermes congelés. À partir de cette opération destinée aux jeunes cancéreux, l'idée m'est venue de procéder aussi à la vitrification des ovocytes. C'est une technique révolutionnaire. Même en Europe, on n'a commencé à le faire que depuis un ou deux ans. La nécessité s'est imposée suite à des ponctions de deux patientes, chez lesquelles nous avons recueillis dix et onze ovocytes. Le mari de la première s'est avéré azoospermique. Il devait donc subir un traitement avant de procéder à la micro-injection. Le second avait eu un blocage. Pour ne pas perdre le bénéfice de la ponction, nous avons vitrifié les ovocytes en attendant que la situation des maris soit normalisée. Dès lors que nous avons lancé la vitrification des ovocytes, pourquoi pas l'étendre aux femmes non mariées. Et c'est là une congélation sociétale, dont il faut aborder les aspects éthique.Comment 'Prenons le cas d'une femme divorcée, âgée de 32 ou 33 ans et qui ne peut pas prétendre à un remariage avant quelques années en raison de contraintes familiales et professionnelles. On obtient, chez elle, un capital ovocytaire par stimulation qu'on congèle. Une fois remariée, cette dame, qui aura entre-temps atteint la quarantaine, récupérera ses ovocytes et pourra concevoir un bébé. Il faut savoir que plus on avance dans l'âge, plus la qualité de l'ovocyte est mauvaise. Même si on transfère des embryons de qualité, il y a toujours risque de ce qu'on appelle aneuploïdie, c'est-à-dire des embryons qui ne sont pas bien formés génétiquement. On peut faire aussi la vitrification des parenchymes ovariens, mais techniquement, ce n'est pas encore au point.Vous avez évoqué, au début de cet entretien, le cadre légal de la PMA. Qu'en est-il justement d'une activité quasiment circonscrite au secteur privé 'Effectivement, la PMA est pratiquée, en dehors de l'unité du CHU de Hussein-Dey (ex-Parnet, ndlr), dans les centres privés. En dehors, de quelques cas particuliers, c'est le code de la santé qui la régit. Il est de ce fait interdit le don de spermes ou d'ovocytes, les mères porteuses, le diagnostic préimplantatoire pour le choix du sexe. Il n'en demeure pas moins que je pense qu'il est temps d'engager le débat sur l'éthique et la gestion de l'embryon. Il y a quelques années, j'ai posé la question à un ancien ministre pour savoir quel statut donner à un embryon congelé. S'il y a décès d'un des deux conjoints ou divorce, comment faire pour le détruire. Il a invoqué alors l'obligation de réserve. Ce n'est pas une réponse scientifique. Nous devons avoir un cadre légal pour la destruction des embryons congelés. On doit donc leur donner un statut juridique.Justement, si le mari décède, son épouse a-t-elle le droit de récupérer l'embryon et concevoir un enfant, comme c'est le cas à l'étranger 'Vous savez, actuellement, nous sommes dans le flou total, parce que nous n'avons jamais initié de débat sérieux sur le propos. À part les quatre interdictions que j'ai citées plus haut, le ministère de tutelle n'a jamais réuni les professionnels de la PMA pour discuter des procédures légales et éthiques. Cela fait 14 ans que je pratique la PMA. J'ai eu l'agrément n°1 et j'en suis arrivé à un moment où je dis : ce débat doit avoir lieu pour qu'on puisse avancer. D'autant que la loi y afférent n'existe pas. Nous sommes régis par une réglementation qui ne prend pas en charge tous les aspects de la PMA.Ce qui n'est pas interdit est autorisé, n'est-ce pas 'Justement, le problème est là. J'ai entendu des confrères vanter encore la chirurgie des trompes, alors qu'elle est complètement abandonnée depuis l'avènement de la PMA, qui donne de très bons résultats pour la stérilité du couple. Le taux de réussite varie entre 35 et 40%. Evidemment, plus les femmes sont jeunes, plus les chances d'avoir une grossesse sont grandes.Quelle est la situation de la PMA en Algérie ' La demande est-elle forte 'Cela fait quatorze ans que je pratique la procréation médicalement assistée. Je peux vous assurer que la demande est de plus en plus forte. J'ai des couples qui en sont à leur troisième enfant. Malheureusement, elle reste un tabou.Les couples ne disent pas à leur famille qu'ils ont eu leurs enfants par PMA. Il n'y a rien de hram dans cette pratique, mais les couples, qui doivent impérativement être mariés, ont du mal déjà à parler de leur stérilité.Pourtant, elle doit être considérée comme une véritable pathologie, comme l'hypertension artérielle, le diabète...À partir de là, le ministère de la Santé et celui du Travail et de la Sécurité sociale doivent penser au remboursement d'au moins deux tentatives de PMA. Jusqu'à présent, il n'y a que les médicaments qui sont remboursés.NomAdresse email




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