Algérie

Douéra (Alger) - L’agroécologie, l’autre agriculture



Douéra (Alger) - L’agroécologie, l’autre agriculture


L’inauguration en grande pompe, jeudi 31 décembre, dernier jour de 2020, d’une ferme agroécologique à Douéra sur les bords du barrage éponyme, a-t-elle suscité un intérêt pour une agriculture de l’avenir? Détails sur un autre concept d’une agriculture.

La présence du ministre des Ressources en eau, du directeur de l’Agence nationale des barrages, de l’Office national de l’irrigation et du drainage, du conseiller de la présidence pour les associations et du wali délégué d’Alger-ouest le laisserait croire. Mais pour la totale, il manquait le ministre de l’Agriculture et la ministre de l’Environnement.

Ce n’est pas la première ferme du genre en Algérie, mais c’est la première qui est réalisée en partenariat entre une association, Torba, et une institution publique, le ministère des Ressources en eau. Torba, qui signifie terre féconde, est une association de passionnés qui se sont constitués en collectif en 2012, lorsque l’opinion publique a commencé à s’interroger sur la qualité des produits destinés à notre alimentation (voir l’interview de Karim Rahal ci-joint). Une initiative née en milieu urbain avec, au départ, le recyclage des déchets ménagers en compost pour les jardins de Ouled Fayet à l’ouest d’Alger. Le ministère des Ressources en eau a cédé, dans le cadre d’une convention avec l’ANBT, 2 hectares à Torba sur les berges du lac, pratiquement à la périphérie de la ville de Douéra pour la ferme agroécologique.

Un espace destiné exclusivement à cette pratique pour en faire des «jardins partagés» qui sont des parcelles, des carrés de terre mis à la disposition des familles pour produire leurs propres fruits et légumes «sains». Mais pas seulement, Torba qui gère le site en fera également un centre de formations aux pratiques nouvelles agricoles fortement demandées, respectueuses des ressources naturelles, un lieu de démonstration, de vulgarisation, pour «apprendre à manger sain», le maître-mot de l’action de Torba qui compte aujourd’hui plus de 700 citoyens formés à l’agroécologie.

Pourquoi le ministère des Ressources en eau? La parcelle mise à disposition relève de ce secteur, mais ce n’est pas le motif principal. Torba compte mettre en pratique une gestion optimisée de l’eau, et c’est ce qui semble avoir suscité l’attention des cadres de ce secteur à la recherche de solutions pour réduire l’irrigation agricole utilisatrice de 70% des réserves. Le collectif Torba invite modestement à un changement de paradigme, écrit Omar Bessaoud, économiste agricole, membre de l’Académie de l’agriculture de France. Il est question pour lui de mobiliser d’autres pratiques agricoles, d’autres modes d’organisation de l’agriculture, d’autres formes de relation entre la ville et la campagne.

Pour l’économiste, l’agroécologie est «une alternative au modèle économique inflationniste autodestructeur pour l’homme et la nature, modèle capitaliste de développement agricole» alors que l’agroécologie consiste en «des pratiques durables, locales, culturellement adaptées et génératrices de richesses et d’emploi», précise le collectif. Les pratiques agricoles intensives encouragées par l’Etat dans les grandes et moyennes exploitations agricoles, observe Torba, font un recours excessif aux engrais.

D’aucuns se souviennent de ces exportations de produits agricoles refusées par la Russie et le Qatar pour cause de résidus excessifs de pesticides. La connaissance scientifique, les savoirs et savoir-faire accumulés par nos paysans et l’ingénierie ne manquent pas pour amorcer, dès à présent, le virage vers une autre agriculture, incontestablement celle de l’avenir, moins dispensatrice et protectrice des ressources naturelles, rémunératrice localement, productivement en produits sains de plus en plus recherchés, parcimonieuse en importations et libérée des importations ruineuses.



Par Slim Sadki
Environnement@elwatan.com



- Agroécologie et permaculture en quelques mots

L’agroécologie est la rencontre de l’agriculture avec l’écologie. On pourrait la définir comme un ensemble de pratiques agricoles fondées sur les connaissances en écologie. Elle utilise au maximum la nature comme facteur de production en maintenant ses capacités de renouvellement. C’est aussi un modèle de développement local qui replace l’homme dans son environnement et le retour de la nature comme ressource durable. Une ferme agroécologique est de petite taille, familiale. Elle minimise les intrants et commercialise ses produits localement. Il y en a encore dans nos montagnes, mais elles subissent les contrecoups de l’agriculture dite conventionnelle qui utilise des produits chimiques et des semences importées. La permaculture est une pratique agricole qui diffère de l’agroécologie. Elle minimise le travail de l’homme et l’apport d’énergie extérieure. Il n’y a pas de travail de sol, ni labour, ni binage, ni sarclage, ni désherbage, fussent-ils manuels. Les engrais proviennent du compostage des déchets des cultures et des déjections animales, économie d’eau, etc. L’agroécologie et la permaculture ne sont pas des nouveautés. Elles datent respectivement de 1928 et de 1950. S.S/ brochure Torba



- Pierre Rabhi, une école

De son vrai nom Rabah Rabhi est né à Kenadsa (Béchar) en 1938. A 5 ans, il est confié à un couple français qui l’adopte. C’est l’un des pionniers de l’agroécologie. Après avoir été ouvrier agricole ; il s’installe en 1963 avec sa famille sur une terre aride dans les Cévennes (sud de la France) et devient paysan. Il va acquérir une expertise qu’il mettra au service de la sécurité alimentaire des populations notamment en zone sahélienne où il va former entre 1985 et 1988 des milliers de paysans aux pratiques d’une agriculture nouvelle.


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