Algérie

Double jeu et duplicité de Paris !



Double jeu et duplicité de Paris !
Serge Lazarevic a été libéré hier dans le Kidal où il était détenu. Le président François Hollande, qui en a fait l'annonce, a tenu des propos convenus, se contentant cependant de remercier les autorités maliennes et nigériennes pour leur contribution à la libération du dernier otage français détenu dans le monde, et qui était séquestré par Aqmi. Il s'est félicité des «efforts intenses» du Mali et du Niger et loué par la même occasion le «professionnalisme» des services de ces deux pays voisins de l'Algérie. Ça, c'est pour l'affichage et le côté cour de l'affaire. Côté jardin, on apprend finalement que Lazarevic, kidnappé le 24 novembre 2011, aurait été affranchi moyennant paiement d'une rançon et, surtout, contre la libération de deux membres d'Al-Qaïda au Maghreb, prisonniers de l'armée malienne à Bamako.Il y a quelques jours déjà, des sites maliens spécialisés, se référant à un député du Nord-Mali, annonçaient, sans usage du conditionnel de rigueur, que «Serge Lazarevic sera échangé contre des prisonniers d'Aqmi détenus à Bamako». Sans préciser la date et le lieu de la libération, on mentionnait qu'elle allait intervenir «dans les jours qui viennent». On savait par ailleurs que les deux prisonniers d'Aqmi étaient à la Maison centrale d'arrêt (MCA) de Bamako contrôlée par les services de sécurité maliens. Un des ravisseurs du Franco-Serbe est Mohamed Ali Ag Wadossene, connu aussi sous le nom d'Ahmed Ghaly Ag Waddossène, dont l'évasion en plein jour de la MCA, le 16 juin dernier, a occasionné la mort d'un garde et la libération d'autres prisonniers. Il est l'un des ravisseurs de Serge Lazarevic et de son compatriote Philipe Verdon, retrouvé mort d'une balle dans la tête en juillet 2013. Ahmed Ghaly Ag Waddossène a été arrêté ensuite le 25 juin 2014.Mohamed Ali Ag Wadossene et Heiba Ag Acherif avaient été transférés, le 6 décembre dernier, de la prison de Bamako vers le Niger où un négociateur nigérien les attendait pour les échanger contre l'otage français Serge Lazarevic. Sa libération était donc dans l'air il y a quelques semaines déjà. Le président nigérien Mahamadou Issoufou s'est même montré «optimiste», le 23 novembre dernier, à ce sujet. Les deux prisonniers touaregs avaient étés arrêté en 2011, Mohamed Ali Ag Wadossène à Gao et Haiba Ag Acherif à Bamako. Ces deux demi-frères étaient officiellement reconnus comme faisant partie du commando impliqués dans le rapt de Philipe Verdon et Serge Lazarevic le 24 novembre 2011 dans le centre du Mali.Outre la libération de deux acteurs importants d'Aqmi au Mali, le gouvernement français aurait également payé une rançon dont on finira probablement par en connaître le montant, un de ces jours, comme d'habitude, dans la presse européenne ou américaine. On sait à ce propos que la question des otages français ou européens est une valse politique à trois temps. D'abord, l'annonce officielle de la libération, ensuite l'affirmation tout aussi officielle selon laquelle aucune rançon n'a été payée, suivie, quelque temps plus tard, de la révélation par un media qu'en fait une rançon a bel et bien été payée. Avec, souvent, la divulgation du montant exact ou d'estimations fiables. Il y a un an déjà, Diane, la fille de Serge Lazarevic, assurait sur BFM TV que le Quai d'Orsay lui avait affirmé qu'une rançon serait, en désespoir de cause, versée aux ravisseurs. C'est le sens même des propres propos du président François Hollande quand il affirmait à la famille de l'otage que tout serait fait pour sa libération.Le paiement de rançon et la libération, parfois concomitante de prisonniers d'Aqmi, révèle le double jeu des pouvoirs publics français et européens dans le dossier des otages des terroristes. Duplicité qui avait fait sortir le président Barack Obama de sa réserve diplomatique pour reprocher à la France en septembre dernier, sur un ton sévère, de payer finalement les rançons tout en affirmant systématiquement le contraire. Y compris en signant à ce même sujet des déclarations solennelles du G8 affirmant que jamais une rançon ne devrait être payée aux terroristes kidnappeurs. Le chef de l'Etat américain avait même précisé que la France et d'autres pays européens, notamment l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, avaient versé la faramineuse somme de 125 millions de dollars depuis 2008 ! Au profit d'Aqmi et du Mujao, dont des porte-parole avaient affirmé que les pays concernés «ont satisfait toutes nos conditions !». On n'ignore pas par ailleurs qu'en plus de l'argent, des pressions européennes avaient été exercées contre la Mauritanie et le Niger qui ont été contraints de libérer des terroristes d'Aqmi afin de faciliter la libération d'otages.Fait évident, jamais un gouvernement européen n'a reconnu avoir payé les preneurs d'otages. D'où l'absence logique de preuves formelles. Vu que les tractations sont l'?uvre de services secrets, les rares fuites non organisées venaient jusqu'ici des intermédiaires, souvent des notables touaregs qui ont des contacts avec les terroristes. Parfois, les indiscrétions émanaient de l'entourage du président Blaise Compaoré dont le conseiller spécial, un Mauritanien fin connaisseur du nord du Mali, a joué un rôle clé dans la libération, en février 2010, de trois otages espagnols enlevés en 2010 en Mauritanie. A l'époque, le potentat burkinabè avait la «pleine confiance» du gouvernement espagnol et d'autres capitales européennes, mais pas seulement. L'ancien dictateur faisait aussi de belles affaires financières au passage. Fait à souligner également, le paiement des rançons était et est toujours accompagné d'une autre condition : la libération de terroristes emprisonnés au Mali, au Niger ou en Mauritanie. Depuis on a même fait dans la mise en scène sophistiquée. C'est ainsi, qu'en décembre 2009, le gouvernement français avait discrètement incité le gouvernement d'Amadou Toumani Touré à tenir un simulacre de procès à Bamako. Objectif non avoué, juger en comparution immédiate et faire libérer quatre éléments d'Aqmi, dont deux dangereux terroristes condamnés à mort par contumace en Algérie. Cette mascarade judiciaire avait alors favorisé la libération en février 2010 de l'otage français Pierre Camatte.Officiellement, ni paiement de rançons, ni libération de détenus d'Aqmi ou du Mujao. Ce qui voudrait dire pour les bisounours qui voudraient bien y croire, que les ravisseurs sont de parfaits Samaritains qui finissent par s'attendrir après avoir battu leur coulpe ! Mais en vérité, aucune libération d'otage, sauf cas exceptionnels dus à des concours de circonstances tout aussi exceptionnels, ne s'est réalisée sans qu'il y ait une contrepartie concrète. Paiement d'une rançon ou libération de détenus ou bien les deux à la fois. Mais c'est surtout le versement de rançon qui pose le plus problème. Il contribue à transformer la prise d'otage en véritable industrie. Il favorise la surenchère financière qui contribue à la création d'une Bourse des otages où certains ressortissants de pays donnés valent financièrement plus que d'autres. Et ce sont toujours les kidnappés les mieux cotés, à savoir les Français et les autres européens qui sont détenus le plus longtemps et libérés ensuite moyennant notamment paiement. Les autres, comme les Algériens, les Américains et les Britanniques, par exemple, sont généralement exécutés, du fait même que leurs pays respectifs ne paient pas de rançon, conformément aux résolutions de l'ONU.Il est indéniable que le paiement de rançons renforce les capacités financières et, par extension logique, la capacité de nuisance des organisations terroristes partout dans le monde, particulièrement au Sahel, extension territoriale de sécurité et profondeur stratégique de l'Algérie. À Oran, et à ce même sujet, notre ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra a eu bien raison de rappeler récemment l'impératif asséchement des sources de financement du terrorisme. Car, fait évident et têtu, c'est avec l'argent des trafics en tout genre mais surtout avec celui des rançons que les terroristes «renforcent leurs capacités et étendent leur sphère d'action». Tiguentourine en est une malheureuse et parfaite illustration. M. Lamamra a alors eu encore raison de plaider de nouveau pour «l'universalisation de l'interdiction de paiement de rançons». Même si des pays comme la France n'y contribuent guère.N. K.




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