Double discours

Faut-il croire Amar Ghoul lorsque -quelques heures à peine après avoir jeté, sur une chaîne de télévision privée, que la célébration de Yennayer est une hérésie- s'est empressé d'annoncer que son parti, TAJ, propose que le nouvel an amazigh soit décrété fête nationale, chômée et payée ' Selon le compte-rendu de l'APS autour de la visite de travail effectuée, dimanche dernier, à Tizi Ouzou, le ministre des Transports, après avoir accompli son devoir en tant que représentant du gouvernement, casquette sous laquelle il s'est rendu dans cette wilaya, a, sans se soucier du mélange de genres, arboré la casquette de chef de parti qui ne tarira pas d'éloges à l'égard du nouvel an amazigh. C'est «une empreinte glorieuse de notre histoire ancestrale», «une journée historique, mémorable», une valeur ancestrale qu'il faut hisser au plan national et ancrer dans le cadre civilisationnel maghrébin et nord-africain..., dira-t-il et il jurera, la main sur le c?ur, que ses propos télévisés avaient été manipulés par des milieux qui «tentent de diviser les Algériens». L'homme n'en a pourtant pas moins annulé un déplacement sur les hauteurs de Tikjda, où il était pourtant attendu, pour ne pas avoir à s'exprimer davantage -à défaut de s'excuser- sur ses propos polémiques et laissé aux représentants de son parti le soin de rappeler que le TAJ est «un parti rassembleur». Voilà l'exemple-type de l'attitude cynique et manipulatrice qui affirme une chose et son contraire avec la seule ambition de ratisser large en prévision des échéances électorales. Et qui, au bout du compte, ne fait qu'approfondir le fossé qui sépare les citoyens de la classe politique et risque de créer des clivages au sein même de la société. Mais, par-dessus tout, c'est une attitude qui dénote de la méconnaissance que beaucoup d'hommes politiques ont de la société algérienne, qu'ils sont souvent loin de représenter et dont ils ne peuvent porter les aspirations car ne les connaissant manifestement pas. Heureusement, cette année encore, Yennayer aura été fêté dans la joie et la bonne humeur par des millions d'Algériens -comme leurs frères au Maroc, en Tunisie, en Libye, en France...- sans qu'il ne vienne à l'esprit de personne que cela soit un acte hérétique. Pour la simple raison que cette fête n'a rien à voir avec la religion ou la politique, mais elle a, par contre, tout avec l'histoire, l'identité et la culture.S. O. A.