Une odeur nauséabonde nous envahit dès l'approche de l'entrée de la ferme
se trouvant à la sortie de douar Boudjemâa, à
quelques mètres d'un hammam. Ahmed qui nous reçoit, un homme visiblement
attaché au travail de la terre, commence par nous montrer des arbres fruitiers
«brûlés», selon ses termes, par l'acidité contenue dans les eaux usées qui se
déversent depuis des mois dans la ferme. En effet, une sorte de cratère d'une
dizaine de mètres carrés s'est transformé en collecteur des eaux usées en
provenance du quartier dit Chahid Mahmoud. Pour
éviter le débordement sur toute l'assiette de la ferme, Ahmed a ouvert une
brèche dans l'enceinte de la ferme pour permettre l'évacuation de ces eaux
usées vers l'extérieur, à l'air libre. Autrement dit, vers une route
départementale.
Evoquant les conséquences de ce cet état de fait sur la ferme où il travaille,
il nous montre des tomates pourries dans une parcelle. Un peu plus loin, il
nous désigne des oliviers jaunis. «Rien que l'odeur est néfaste pour les
cultures», lance-t-il dans ses explications. «Comme les êtres humains, les
produits de la terre ont besoin d'air propre», ajoute-t-il. Pour Ahmed, les
infiltrations des eaux usées condamnent le périmètre consacré aux tomates et
risque à la longue de condamner celui des pommes de terre. En tout cas, nous
étions pressés de quitter l'endroit à cause des odeurs désagréables. La ferme,
de quelques hectares, est cernée au moins de deux côtés par les égouts en
provenance de deux canalisations défectueuses. L'une ancienne, datant de la
période coloniale, et l'autre nouvelle, récemment installée par un entrepreneur
privé pour le compte de la mairie de Hassi Bounif.
Les faits remontent à quelques
mois, quand un entrepreneur, sans prévenir les propriétaires légitimes de cette
exploitation agricole, enfonce la porte avec des engins. Arguant «le projet
d'utilité publique», il a commencé à défoncer la terre pour «installer» une
canalisation d'évacuation des eaux usées à partir d'un ensemble d'habitat
surmontant la ferme. Pour la petite histoire, on nous indiquera que ce quartier
est issu de constructions illicites, régularisées par la suite. Les démarches
entreprises par les propriétaires de la ferme auprès de l'APC
en question n'ont pas abouti. Ce qui les a amenés à s'adresser à la justice le
19 juin dernier. Portée en référé, la Chambre administrative près le Tribunal d'Oran ne
tardera pas à promulguer son jugement ordonnant à l'APC
de Hassi Bounif «d'arrêter
les atteintes à une propriété privée».
La grosse délivrée par cette juridiction, dont nous disposons d'une
copie, porte le numéro 11 /00476. Contrainte d'arrêter le chantier, l'APC s'est résolue à la solution de facilité.
Elle a procédé de telle manière que la ferme se transforme en sorte de
collecteur des eaux usées. Pire encore, parce que procédant sans plan ni schéma
établi au préalable, les engins ont défoncé une vieille conduite. Au bout du
compte, un propriétaire privé, exploitant une ferme héritée de ses parents, se
trouve dans une situation inédite : sa «terre nourricière» comme il se plaît à
l'appeler, se trouve menacée par les eaux usées. Il a introduit une seconde
action en justice pour réclamer des indemnités et une réparation. Cependant,
Ahmed, le véritable gérant de la ferme, ne cache pas son désarroi.
D'expérience, il sait que cette ferme fait vivre au moins une dizaine de
familles du village. Cette atteinte à la propriété, qu'il dirige comme si elle
était la sienne, intervient au moment où il s'est lancé dans le renouvellement
des arbres. Il nous dira : «Quand j'étais encore enfant, j'ai mangé de la
mandarine de cette ferme ». Nous montrant un terrain vague, il ajoutera : «Je
me rappelle encore des amandiers là-bas». Et de conclure : «Visiblement, ils
veulent désertifier cet espace pour le transformer en forêt de béton armé».
Quand on lui demande qui c'est «ils», sa réplique est des plus pertinentes : «J'en
sais rien moi ! Moi, je sais travailler la terre et c'est tout». Et c'est
énorme par les temps qui courent.
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Posté Le : 18/09/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com