Algérie

Dossier / LA FORÊT ALGÉRIENNE FACE AUX DÉFIS DES INCENDIES ESTIVAUX II.- Le Barrage vert : quand l'armée s'implique dans la lutte contre la désertification



Dossier / LA FORÊT ALGÉRIENNE FACE AUX DÉFIS DES INCENDIES ESTIVAUX II.- Le Barrage vert : quand l'armée s'implique dans la lutte contre la désertification
Publié le 23.05.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie

Par Maâmar Farah
La désertification, un phénomène redoutable, menace l'équilibre des écosystèmes et le bien-être des populations dans de nombreuses régions du globe. Aux abords des déserts existants, les zones steppiques, souvent en proie à une dégradation progressive de leur végétation, sont directement exposées à la menace de la désertification. En Algérie, ce fléau touche de plein fouet l'ensemble des régions steppiques ainsi que le sud des Hauts-Plateaux.
Dès son indépendance, l'Algérie a fait du reboisement une priorité nationale, visant à contrer l'avancée du désert, fixer les dunes de sable et restaurer la fertilité des sols dégradés. Les vastes opérations de reboisement des années 60 et 70, menées sous le signe du volontariat, ont permis de reforester des milliers d'hectares. Ces efforts ont donné naissance à de magnifiques forêts verdoyantes, témoignant de l'engagement sans faille des jeunes et des travailleurs algériens pour la préservation de leur environnement.
En effet, le succès du programme de reboisement a reposé sur la participation active des populations locales, sensibilisées à l'importance des forêts et encouragées à s'impliquer dans les efforts de reforestation. Malgré les avancées notables, le programme de reboisement a également rencontré des défis, tels que les sécheresses récurrentes, les incendies et le surpâturage, qui ont fragilisé certaines plantations. Des problèmes de coordination et de suivi des opérations de reboisement ont également pu survenir.
Face à ces défis et à la menace persistante de la désertification, une opération d'envergure s'est avérée nécessaire : la création d'un véritable «Barrage vert». Ce projet ambitieux consiste en une forêt de 1 500 kilomètres de long et 20 kilomètres de large, s'étendant des frontières est à l'extrême-ouest du pays. Son tracé suit une ligne allant de Tebessa à El Bayadh, en remontant, au Centre, vers l'oasis de Bou Saâda, créant ainsi une barrière naturelle contre l'avancée du désert.
Cette grande muraille verte est un symbole de l'engagement indéfectible de la nation envers la protection de l'environnement et le développement durable. Ce projet ambitieux, initié dans les années 70 sous la direction visionnaire du président Houari Boumediene, visait, comme souligné plus haut, à endiguer la progression inexorable du désert du Sahara vers le nord du pays. En créant une ceinture verte protectrice le long des zones steppiques, le Barrage vert avait pour objectif de sauvegarder les terres fertiles, de lutter contre la dégradation des sols et de préserver le patrimoine naturel du pays.
Sa concrétisation a nécessité l'engagement de moyens humains et matériels considérables. Des milliers de jeunes, effectuant leur service national au sein de l'Armée nationale, ont été mobilisés sur le terrain pour planter des arbres, creuser des puits et aménager les sols. D'une ampleur colossale, ce projet s'est avéré révolutionnaire tant dans sa conception que dans sa mise en œuvre. Six groupements furent rapidement déployés à travers les wilayas de Tebessa, N'gaoues (Batna), M'sila, Djelfa, Aflou et El Bayadh, chacun se voyant confier une zone délimitée à reboiser. Grâce à une organisation rigoureuse et une excellente coordination des opérations, les travaux ont été menés à bien malgré d'immenses défis liés à la nature des terrains, aux aléas climatiques et à l'inexpérience des djounouds et officiers dans ce domaine nouveau et éloigné de leurs missions militaires habituelles.

J'ai vécu aux côtés des soldats reboiseurs
J'ai eu l'honneur de visiter les six groupements et de partager le quotidien des soldats, vivant au milieu d'eux. J'ai été témoin de leur détermination au travail, de leurs moments de repos et de détente, de leurs angoisses face aux difficultés rencontrées et, aussi, de leurs rêves. C'étaient des pionniers, de ces explorateurs d'un nouveau genre qui partaient vers des terres inconnues pour accomplir une mission dont ils seraient fiers toute leur vie.
Les soldats se levaient aux aurores. Après un petit déjeuner frugal, ils se rendaient sur les lieux de travail. Les tâches étaient réparties : creuser des trous de plantation, planter des arbres et assurer l'arrosage. Le travail avançait à un rythme soutenu, et il fallait sans cesse innover pour suivre la cadence imposée par l'avancée des chantiers. C'est ainsi que de vastes pépinières ont été créées et que des baraques ont remplacé les tentes provisoires.
Il est vrai que les régions concernées par le reboisement étaient soumises à des températures extrêmes, avec des hivers particulièrement rigoureux. J'ai pu en faire le constat par moi-même à El Bayadh, Djelfa et Tebessa. Mais face à ces conditions éprouvantes, la solidarité et l'entraide entre les soldats étaient palpables. Ils puisaient leur force dans un sentiment d'accomplissement commun et dans la fierté de participer à un projet d'envergure nationale.
Pour se détendre après une journée de labeur, les jeunes soldats disposaient de foyers où ils pouvaient siroter un café ou un thé, jouer aux dominos et oublier les difficultés du quotidien. Des projections de films étaient également organisées, transportant les djounouds loin de leurs bases vers des aventures merveilleuses dans des pays lointains ou leur dispensant des cours de patriotisme à travers des films sur la révolution algérienne.
Ainsi, jour après jour, le Barrage vert prenait forme sur la carte de l'Algérie, apportant une touche de verdure et des bienfaits inestimables à ces zones désolées et menacées par la désertification. Des millions d'hectares de terres ont été reboisés dans les régions concernées par le projet. Pour garantir le succès du Barrage vert, le choix des essences forestières a fait l'objet d'une attention particulière. Des espèces résistantes à la sécheresse et adaptées au climat aride de la steppe ont été privilégiées, telles que le pin d'Alep, l'eucalyptus, le thuya et l'acacia.
Malgré les obstacles et les critiques rencontrés durant sa mise en œuvre, le Barrage vert a indéniablement marqué l'environnement et l'économie algérienne de manière positive. Cette ceinture forestière a permis de ralentir l'avancée du désert provisoirement, de protéger les sols contre l'érosion éolienne et de créer un microclimat favorable à l'agriculture.
Considéré comme une réussite incontestable et une source de fierté nationale pour l'Algérie, le Barrage vert représente un modèle inspirant pour les pays confrontés à la désertification et à la dégradation des sols. De nombreux visiteurs étrangers se sont déplacés pour admirer ce projet gigantesque, et de nombreux experts ont souhaité comprendre et apprendre sur place les particularités de sa mise en œuvre.
Le Barrage vert a démontré qu'avec une volonté politique forte, une mobilisation nationale et une planification rigoureuse, il est possible de relever les défis environnementaux les plus importants et de créer un avenir durable pour les générations futures. Bien plus qu'une simple ceinture d'arbres, le Barrage vert symbolise la lutte contre la désertification et témoigne de la capacité humaine à façonner son environnement pour un avenir meilleur.
Cependant, face aux nouveaux enjeux du XXIe siècle, le Barrage vert n'est pas exempt de défis. Les changements climatiques, l'urbanisation croissante et la surexploitation des ressources naturelles menacent les acquis de cette réalisation majeure. Il est donc crucial de poursuivre les efforts entrepris et de mettre en place des stratégies d'adaptation pour préserver et pérenniser les bienfaits du Barrage vert.

Relancer le Barrage vert : un souffle nouveau pour l'Algérie
Face aux nouveaux défis environnementaux et soucieux de préserver l'héritage du Barrage vert, le Président Abdelmadjid Tebboune a donné le coup d'envoi d'une initiative ambitieuse : la relance du projet. Cette phase cruciale vise à insuffler un nouvel élan à cette initiative vitale pour l'environnement et le développement durable du pays.

Le programme de relance du Barrage vert se décline en plusieurs axes majeurs :
Plantation massive d'arbres pour combler les vides et renforcer la couverture forestière existante. L'objectif est de créer un maillage végétal dense et résistant à la sécheresse et aux maladies.
Remplacement des arbres vieillissants ou malades par des essences plus robustes et mieux adaptées aux conditions locales. Cette démarche permettra d'assurer la pérennité du Barrage vert et d'optimiser ses bienfaits environnementaux.
Mise en œuvre de techniques de reboisement modernes et durables pour garantir la survie et la croissance des arbres plantés. Cela inclut notamment l'utilisation de techniques d'irrigation économes en eau et la sélection d'espèces résistantes aux aléas climatiques.
Le programme prévoit également l'extension de la ceinture forestière vers le Sud pour freiner davantage l'avancée du désert et protéger les populations des tempêtes de sable. De nouvelles plantations seront également créées dans des zones stratégiques, notamment autour des bassins versants et des ressources en eau, afin de contribuer à leur préservation.
Soucieux de préserver la biodiversité et de renforcer la résilience des écosystèmes, le programme de relance du Barrage vert privilégiera l'intégration d'espèces végétales diversifiées. Cette approche permettra de créer un habitat favorable à une faune et une flore riches et variées, contribuant ainsi à l'équilibre écologique des régions concernées.
La relance du Barrage vert traduit l'engagement fort de l'Algérie en faveur de la protection de l'environnement et du développement durable. Ce projet d'envergure permettra non seulement de préserver un patrimoine naturel précieux, mais également de contribuer à l'amélioration du cadre de vie des populations et à la lutte contre les effets du changement climatique.
M. F.
En quoi consiste le Barrage vert du XXIe siècle ?
Le nouveau barrage sera un moyen supplémentaire de lutter contre la désertification, de réduire l'érosion éolienne et de la dégradation des sols, d'améliorer le microclimat et la pluviométrie dans les zones arides et de préserver la biodiversité et des habitats naturels. D'autres objectifs ont été fixés à ce projet :
✓ Création d'emplois verts dans les zones rurales.
✓ Promotion de l'agriculture durable et de l'écotourisme.
✓Renforcement de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté.
✓Absorption du CO2 et contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
✓Renforcement de la résilience des communautés locales face aux impacts du changement climatique.
La relance du Barrage vert sous la présidence de Tebboune représente une opportunité majeure pour l'Algérie de relever les défis environnementaux et socio-économiques auxquels elle est confrontée. En s'attaquant à la désertification, en favorisant le développement durable et en luttant contre le changement climatique, ce projet d'envergure peut contribuer à un avenir meilleur pour les générations présentes et futures. Sur un plan plus général, l'Algérie poursuit ses efforts de reboisement avec pour objectif de porter le couvert forestier national à 20% du territoire d'ici 2035.
M. F.



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