Village de colonisation 1926-1962 ou la mémoire authentique de l'"Algérie de Papa".
Dans les années 1926/27, l'Histoire avec un grand H faisait irruption dans le "bled Hami" (le pays chaud) ainsi dénommé par les Arabes qui le désertaient pour s'établir sur les hauteurs voisines mieux ventilées et plus saines. Il n'y avait là que des collines pelées parcourues par les chacals et une plaine occupée par une brousse de jujubiers infestée de moustiques... Seuls quelques fermiers européens s'étaient installés dans ces solitudes désolées où un marché se tenait à un point de passage de l'Oued El Abd (la rivière des esclaves) à mi"chemin entre Mascara et Tiaret où vivaient quelques commerçants kabyles et israélites groupés en un hameau que l'on nommait
"Tah M'red" (il est tombé malade !) en Arabe et devait devenir Tagremaret, en Français.
Dans les années 1926/27, l'Histoire avec un grand H faisait irruption dans le "bled Hami" (le pays chaud) ainsi dénommé par les Arabes qui le désertaient pour s'établir sur les hauteurs voisines mieux ventilées et plus saines. Il n'y avait là que des collines pelées parcourues par les chacals et une plaine occupée par une brousse de jujubiers infestée de moustiques... Seuls quelques fermiers européens s'étaient installés dans ces solitudes désolées où un marché se tenait à un point de passage de l'Oued El Abd (la rivière des esclaves) à mi"chemin entre Mascara et Tiaret où vivaient quelques commerçants kabyles et israélites groupés en un hameau que l'on nommait
"Tah M'red" (il est tombé malade !) en Arabe et devait devenir Tagremaret, en Français.
En 1881, un inconnu aventureux s'était hasardé dans ces contrées pour le compte d'un journal parisien (le Gaulois) qui enquêtait sur les événements qui avaient ensanglanté les régions du Chott Ech Chergui où des alfatiers espagnols et leurs familles avaient été massacrés par les bandes de Bou Amama. Ce correspondant de presse devait se faire un nom plus tard puisqu'il s'agissait de Guy de Maupassant, l'auteur célèbre de "Bel Ami"... Parti de Saïda en diligence, muni, pour tout viatique, d'une recommandation de l'Administrateur de la Commune Mixte pour son collègue de FRENDA, le jeune parisien, plus familier des salons de la capitale que du bled algérien, était parvenu à l'étape à FRENDA après 110 km d'un voyage harassant par de mauvais chemins. Il serait intéressant de connaître les impressions du futur poète sur le pays où devait être crée 45 ans plus tard le Centre de Colonisation de TAGREMARET... Les curieux pourront le découvrir en s'armant de beaucoup de patience dans leurs recherches!...
En 1927, les pionniers étaient arrivés, les uns fraîchement débarqués; les autres arrivant des villages voisins avec leurs charrettes. Ils avaient pour seul abri parfois une tente rudimentaire aménagée sous la plateforme de leurs véhicules, ou même... le pont de la route nationale, pendant qu'ils construisaient leurs maisons!...
C'est alors que l'histoire de TAGREMARET commence...
Depuis 1880 déjà, cependant, l'Administration avait jeté les yeux sur ces contrées pour y établir un Centre de Colonisation de 90 feux dont 75 colons qui ne devaient plus être que 25 au moment de la création. C'est qu'il avait fallu se livrer à de longues enquêtes sur le site choisi, sur l'approvisionnement en eau, sur les compensations à accorder aux indigènes dépossédés pour constituer le périmètre de colonisation, condition sine qua non de l'établissement des colons. Après de longues négociations, les assemblées de notables (les Djemaas) avaient accepté les propositions de l'Administration tant pour les superficies que pour le montant des indemnisations...
Le village sortit alors de terre... Un modeste village constitué de deux séries de 5 quartiers délimités par des rues non asphaltées et divisés en lots dénommés improprement "lots industriels" par le planificateur. Les rues, simplement empierrées, bordées de canivaux pavés et de trottoirs, la conduite d'eau potable, le réservoir, le lavoir, l'abreuvoir pour les chevaux, les bâtiments publics (la mairie, l'école, la poste) de style Jonnart du nom de Gouverneur Général de l'Algérie, la plantation d'arbres d'essences diverses (acacias, oliviers, caroubiers) le cimetière... montèrent à 16 500 fis de 1905 auxquels il faut ajouter la création ultérieure d'un barrage et d'un réseau de canaux d'irrigation de 20 km de développement qui coûtèrent 47 900 frs de 1928.
Restait à donner un nom à l'agglomération. Ce fut fait en 1932. On retint le nom de Dominique Luciani en hommage à un distingué Administrateur civil de Kabylie devenu Directeur des Affaires indigènes à Alger qui venait de prendre sa retraite...
La vie chez nous n'était pas facile, dépendante qu'elle était des résultats des campagnes agricoles qui étaient le plus souvent médiocres ; mais notre existence était agrémentée des joies simples de la convivialité que nous goûtions à l'occasion de la "Mouna" lorsque tout le village se transportait aux sources en empruntant le camion de M. Piquemal pour des agapes champêtres qui s'achevaient au son de l'accordéon de M. Früauff. Pendant la guerre, les bals étaient interdits mais nous tournions l'interdiction en nous rendant dans les fermes environnantes en carrioles ou charretons chargés d'un essaim de garçons et de filles dont les chants se perdaient en chemin parmi les blés en herbe piquetés de coquelicots et de ravenelles. Que de joyeuses équipées c'était alors !... Plus communément, la cantine de Mme Baylet était le cadre des retrouvailles des amateurs de belote ou le lieu où s'installait le cinéma ambulant de M. Couzinet qui apportait au village une animation particulière avec l'annonce du programme de la soirée par le tambour du garde champêtre et l'intermède musical ou chanté dont le gramophone nous gratifiait en prélude aux réjouissances... Pour le quotidien, la jeunesse de l'endroit se retrouvait pour le "paséo", appelé ici le "boulevard"...
A l'école, constituée d'une classe unique, l'institutrice, Mme Benayoun, dispensait un enseignement qui visait à faire des garnements que nous étions, des enfants bien élevés maitrisant la technique des "pleins et déliés", à la plume sergent major, résolvant des problèmes de robinets, s'initiant aux mystères des fractions, des problèmes sur l'escompte que nous avions appris à résoudre sans y comprendre grand chose !... Une fête scolaire clôturait l'année et nos jeunes talents s'exerçaient à jouer des saynètes empruntées à Molière après les répétitions desquelles nous dansions une ronde, hors de la présence de la maîtresse, et chantions cet air bien connu qui proclame hardiment "qu'il faut mettre les cahiers au feu et la maîtresse au milieu !" ...
Le certificat d'études se déroulait à Frenda, les études du second degré à l'E.P S. de Mascara puis au lycée Lamoricière à Oran.
La guerre dispersa les jeunes gens de nos villages dans les régiments de tirailleurs, les tabors marocains, les chars, voire l'aviation dans les centres d'entraînement des Etats-Unis. Quelques-uns d'entre nous s'illustrèrent au cours des campagnes de Tunisie, d'Italie, d'Alsace, et parvinrent jusqu'à Berchtesgaden, le repaire d'Hitler, et Innsbrück... quand ils n'étaient pas tombés glorieusement à Cassino ! Après la "Toussaint Rouge"de 1954, le malheur s'abattit sur notre petite communauté contrainte à l'exode et à l'exil dans l'hexagone ou ailleurs, mais ceux qui le peuvent se retrouvent chaque année, toujours avec le même plaisir, pour évoquer un petit village cher à notre coeur à tous : Dominique Luciani dont nous sommes orphelins.
Gilbert ROUX
Voici quelques-uns de nos concitoyens
Les colons : Barosso, Borel, Bouillet, Coulot, Didelle, Dompnier, Früauff, Garcia, Gillet, Heintzmann, Inguimberty (André et Charles), Jeannin, Loubet, Maury, Mercadier, Midi, Motte, Moretto (Joseph et François), Olivier, Paille, Pédebas (Emile, Auguste et Ferdinand), Péretto, Roux, Salas, Guennec, Chateauneuf.
Les fermiers isolés : Ortéga, Mouton, Menu (Eugène, Pierre et France), Alonso, Picazo, Beltran, Ramon, Riquelme, Alette, Pernette, Villégas, Contréras,
Andréoletti, Julien, Deschamps, Pélissier frères.
Les commerçants et artisans : Beneyto puis Cervera (boulangers), Benayoun puis Téclès (bourreliers), Cervo (maçon), Couzinet puis Pédebas Alphonse (charrons-forgerons), Rodriguez puis Ortéga Michel (charrons-forgerons), Tordjmann, Benchimol, Aziza, Benzécri (commerçants), Menjuc (meunier), Piquemal (transporteur), Mme Baylet puis Sworzil (hôtel, restaurant, café), Andréoletti, Pédebas Louis (cafetiers).
Les fonctionnaires
Gardes champêtres successifs : Bartoli, Sworzil, Cassan, Latzarus, Robeye, Roulet.
Instituteurs successifs
Melles Chadès, Roufast, Benaroche, Mme Beneyoun, M. Guis, M. et Mme Ayela, M. et Mme Mitra, Melle Pédebas Gisèle, M. Allé, Melle Roux Simone.
Gendarmes : Neuveut, Manzano, Alabert, Dole...
Divers : Loubet et Ortéga (chefs cantonniers), Abad (garde des eaux).
Édiles locaux : Adjoints spéciaux dépendant de l'Administrateur : o Loubet Pierre (conseiller . Inguimberty Charles), - Inguimberty Charles (conseillers : Pédebas Auguste, Alonso Pierre), - Maire après l'érection du centre en Commune de plein exercice : Jeannin Robert (1er et dernier Maire).
L'ouvrage sur Dominique Luciani est disponible chez l'auteur : Gilbert Roux, 65, rue Rouget de l'Isle - 47300 VILLENEUVE/LOT -au prix de 150 frs + 22 frs de port.
Posté Le : 17/05/2008
Posté par : y-boudghene
Ecrit par : pnha n°64, janvier 1996
Source : http://www.alger-roi.net/sommaire/sommaire.htm