Docteur Chekyll et M. Syde

M. Syde est un bienfaiteur philanthrope qui ne laisse jamais tomber ses amis et ses proches. Il est toujours là à la rescousse sans qu'ils le lui demandent. Au bain du quartier, il entend des « moutchous » parler entre eux dans un brouhaha amplifié et retourné en écho, par les murs revêtus de mosaïque mauresque, mais ce qu'ils disent est rendu inintelligible par la densité des vapeurs d'eau qui montent vers la voûte du hammam. A vrai dire, peu de gens comprennent ce qui s'y dit. M.Syde retient quelques bribes de mots qui font allusion à son ami Chekyll qui, parait-il, aurait des soucis avec la vox populi. Le lendemain, il va chez lui le rencontrer pour venir à son aide et lui faire recouvrer l'estime publique. Chekyll, étonné par la démarche de son ami compatissant, lui explique qu'il ne s'est jamais senti acculé dans le box des accusés et qu'il n'a que faire des qu'en-dira-t-on, d'ailleurs en politique on ne recule devant aucune petitesse pour atteindre et casser ses adversaires, c'est l'une des trois règles prônées dans « Le prince » de Machiavel. Réhabiliter une personne et la réintégrer dans ses droits de citoyen, supposerait qu'on les lui a supprimés à la suite d'un procès, or Dr. Chekyll n'a jamais été interpellé, ni placé en garde à vue ou auditionné, ou mis en examen, arrêté, jugé, ou condamné. On ne mélange pas les choses, faire à quelqu'un un procès médiatique ne le condamnerait pas et restera innocent tant que sa culpabilité n'est pas prouvée par la justice. Avant que celle-ci ne soit prononcée par une peine, relaxer, absoudre, amnistier, gracier et réhabiliter restent des mots qui condamnent plus qu'ils n'innocentent.