En 2009, l'Algérie se classait à la
111ème position – sur 180 pays - dans l'Indice de Perception de la Corruption
(IPC) établi par l'ONG Transparency International. Cela correspond à une note de
2,6 sur 10. Selon toute vraisemblance, le classement pour l'année 2011 sera
tout aussi désastreux, affirme Djilali Hadjadj, porte-parole de l'Association
algérienne de lutte contre la corruption (AACC), membre de Transparency
International.
La régression de l'Algérie dans le
classement de l'IPC au cours des dernières années est assez préoccupante. Pour
vous, quel portrait pouvez-vous nous brosser du phénomène de la corruption
aujourd'hui ?
Une note inférieure à 3 sur 10 implique forcément un haut niveau
de corruption à l'intérieur des hautes sphères des institutions étatiques. Que
ce soit l'organe législatif, exécutif ou bien judiciaire, les institutions
publiques algériennes sont gangrenées par la corruption aujourd'hui. Il n'y a
qu'à prendre par exemple la non-application, à ce jour, du processus de
déclaration du patrimoine défini par la loi 06/01 du 20 février 2006. La
complexité de ce texte – des catégories de déclarants et des niveaux de gestion
des déclarations sont assez difficile à comprendre – complique davantage la
tâche à une réelle volonté politique d'appliquer les lois déjà existantes de
lutte contre la corruption. Rappelons que l'Algérie a ratifié en 2004 la
Convention des Nations unies contre la corruption et adopté la loi de 2006
relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Là également, on
constate que la mise en place d'une Agence gouvernementale contre la corruption
prévue par cette loi n'est toujours pas concrétisée. De même pour la Convention
de 2004 où l'on perçoit un réel désengagement de l'exécutif algérien, voire
même une opposition officielle, à la mise en place de mécanismes internationaux
de suivi de son application. On le voit donc, les exemples ne manquent pas pour
illustrer une insuffisante prise en charge de ce problème. Plus grave encore :
cette situation inquiète de plus en plus nos partenaires européens et
américains qui se préoccupent de l'ampleur que prend ce phénomène et, surtout,
de l'absence de réelles initiatives de la part des autorités algériennes. Je ne
vous apprends rien en vous disant que les relations économiques avec des
opérateurs étrangers peuvent être largement compromises par un climat de
corruption généralisée.
L'application des lois contre la
corruption n'est donc toujours pas effective…
Absolument! Il n'y a qu'à constater le
nombre alarmant de scandales de corruption dans les opérations économiques et
financières d'entreprises étatiques. Tout le monde a à l'esprit l'affaire
Sonatrach, par exemple. Mais ce n'est pas la seule, il en existe plusieurs autres.
Je pense notamment au secteur des travaux publics – l'autoroute Est/Ouest – ou
bien à celui de la pêche. Sans parler des poursuites judiciaires contre les
walis de Blida et d'El Tarf qui sont demeurées à ce jour, au point mort. C'est
tout de même aberrant que la Cour suprême devienne un lieu de blocage
judicaire. Toutes ces affaires sont finalement le résultat de règlements de
compte. Récemment, à l'occasion des sommets du G20 et du G8, le Président
Bouteflika a lancé un cri d'alarme sur l'état de la criminalité et de la
contrebande en Afrique. Un paradoxe quand on pense à l'état d'inertie des
politiques menées pour venir à bout de ces fléaux ici même en Algérie.
Le fameux Observatoire national de
surveillance et de prévention de la corruption, institué en 1996 par l'ancien
président Liamine Zeroual, est-il la dernière tentative ?
Pour en revenir à la mise en place de l'Agence de prévention et de
lutte contre la corruption, inscrite dans la loi de 2006 et toujours en attente
d'être mise en service, la directive adressée par le Chef de l'État à son
Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en décembre 2009, prévoit plutôt la création
de deux instances distinctes, et non pas seulement une seule entité qui serait
chargée, à la fois, de prévenir et de lutter contre la corruption.
Cette directive prévoit en effet la création d'un « Observatoire
de prévention de la corruption» et d'une «Agence de répression de la
corruption». Il semble a priori incompréhensible que l'on décide de
l'instauration d'un observatoire de prévention de la corruption sans apporter
des modifications à la loi de 2006 et annoncer préalablement la décomposition
de « l'organe » en deux entités. C'est là un manque de rigueur qui illustre
l'absence de cohérence et de volonté politique pour mener de front une lutte
efficace contre la corruption.
Comment vous accueillez la récente
demande initiée par le député Ali Brahimi et parrainée par 24 autres de ses
collègues de créer une commission d'enquête parlementaire sur le phénomène de
la corruption ?
Ce genre d'initiative est évidemment à
saluer et à encourager. Je soutiens à tout point de vue le développement de ce
dossier. Habitués à être désavoués par l'ensemble des citoyens algériens, à
travers cette démonstration, les députés de l'APN font montre de beaucoup de
courage. Je mets tout de même un bémol quant à la concrétisation réelle de
cette commission. En effet, je ne me fais pas beaucoup d'illusion quant à
l'adoption par l'ensemble de la classe politique d'un tel projet. De même que
pour la lettre instruite par Ahmed Ouyahia et diffusée sous forme de circulaire
qui fait état, entre autres, de l'implication de certains cabinets d'étude
étrangers dans des pratiques contraires à la loi et à la morale publique. C'est
à la fois un bilan complet du phénomène de la corruption en Algérie que dresse
le Premier ministre, mais également des questionnements pertinents qu'il
soulève sur son évolution. C'est un signe encourageant dans la lutte contre la
corruption. Néanmoins, il aurait été beaucoup plus constructif d'en faire une
déclaration publique plutôt que de communiquer sous forme de directives aux
opérateurs concernés.
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Posté Le : 06/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Hanafi Tessa
Source : www.lequotidien-oran.com