Que cache la campagne sur les «malheurs de Djezzy» qui atteint son
apothéose avec la lettre-plainte de Sawiris à Ouyahia ? Accumuler des éléments
de dossier dans la perspective de l'arbitrage international, selon des experts
qui jugent hautement improbable un accord amiable entre Orascom et le
gouvernement algérien sur le prix de Djezzy.
«Orascom comme toutes les
entreprises en activité en Algérie doit appliquer la loi ou la subir».
Abdelaziz Belkhadem est le dernier officiel algérien - et encore plus sous la
casquette de secrétaire général du parti FLN que celui de ministre d'Etat - à
évoquer «l'affaire Orascom Telecom Algérie - Djezzy». Le SG du FLN a tenu, à
l'issue de l'université d'été de son parti, à déconnecter le cas de Djezzy du
cours des relations entre l'Algérie et l'Egypte qui, a-t-il estimé, reprennent
graduellement leur cours normal. Il a imputé la responsabilité des tensions
entre les deux pays à la presse. Le plus important message de Belkhadem est la
négation de l'existence d'une volonté délibérée de la part des autorités
algériennes de créer des entraves à la filiale algérienne d'Orascom Telecom.
Le propos d'Abdelaziz Belkhadem, qui n'est pas directement impliqué dans
le dossier, intervient après la révélation par le site « TSA » d'une lettre
adressée par le magnat égyptien Naguib Sawiris au Premier ministre Ahmed
Ouyahia, pressant le gouvernement d'aller rapidement vers la conclusion d'un
accord de vente de Djezzy. Le milliardaire égyptien estimait que dans les
conditions actuelles -blocage des transactions internationales de Djezzy qui se
retrouve dans l'incapacité de payer ses fournisseurs -, le retard de la vente
aurait des « conséquences très préjudiciables pour OTH et ses investisseurs ».
Sawiris a demandé à Ahmed Ouyahia des actions rapides pour amener le « gouvernement
algérien à entamer des négociations avec nous, menant à la conclusion de la
cession de nos actifs en Algérie (…), soit de nous permettre de poursuivre
notre exploitation en Algérie sans faire face aux difficultés extrêmes
actuellement rencontrées. ».
Supplication ou stratégie de communication ?
S'agissant des négociations, le gouvernement algérien a encore signifié
récemment, par la voix du ministre de la Poste et des TIC, Moussa Benhamadi,
qu'il attend «l'évaluation complète d'Orascom Telecom Algérie.». De son côté et
sans donner de précisions sur le timing, le ministre des Finances, Karim
Djoudi, a indiqué que «les pouvoirs publics procéderont, prochainement, à une
évaluation de la situation de l'entreprise avant d'engager des négociations avec
Orascom Telecom Holding (OTH), société mère de l'opérateur, en vue d'un
transfert de propriété à la partie algérienne». Les autorités algériennes ne
partagent pas - et c'est compréhensible - la fébrilité de Naguib Sawiris qui a
placé très haut la barre des négociations en affirmant que MTN lui aurait
offert 7,8 milliards de dollars pour le rachat de Djezzy.
L'intervention de Belkhadem
constitue un démenti public à l'affirmation de Sawiris selon laquelle Djezzy
ferait face à des «difficultés extrêmes» qui seraient le fait des autorités
algériennes.
Beaucoup ont lu dans la lettre de
Sawiris une « supplication » adressée au gouvernement algérien au moment où une
des ses filiales, l'opérateur italien Wind, fait l'objet d'un contrôle fiscal
de la part du gouvernement italien qui lui réclame 60 millions d'euros.
Certains spécialistes voient surtout dans cette lettre de Naguib Sawiris la
mise en Å“uvre d'une stratégie de communication en prévision de l'éventualité -
très forte - d'un recours à l'arbitrage au sujet de l'estimation de la valeur
de Djezzy.
Des curiosités sur Reuters
Des experts algériens ont prédit depuis des semaines que l'affaire ira en
arbitrage. Ils ont relevé que les déclarations publiques des responsables d'OTH
et les fuites sur le thème des « malheurs de Djezzy en Algérie » faisaient
partie d'une stratégie d'accumulation d'éléments pour un dossier à soumettre
éventuellement à la cour d'arbitrage. Il est en effet curieux de lire dans une
dépêche de Reuters un responsable algérien, anonyme bien entendu, affirmer que
Sawiris s'en tirerait à bon compte s'il obtenait un milliard de dollars, soit
une somme légèrement supérieure au prix de la licence. Or, le gouvernement
algérien s'est abstenu de livrer toute estimation publique… certaines sources
officieuses avaient donné le chiffre, un peu plus consistant, de 3 milliards de
dollars. Ce chiffre reste cependant très éloigné des 7,8 milliards de Sawiris.
Ces 7,8 milliards, estiment des experts, pourraient avoir été le résultat d'un
arrangement entre MTN et OTH sur un échange d'actifs à prix élevés.
Dans une telle entente - non
réalisée en raison de l'objection ferme du gouvernement algérien - MTN devait
acheter Djezzy largement au-dessus de son prix de marché et en contrepartie OTH
reprenait des actifs de MTN également surcotés. D'où l'estimation
artificiellement gonflée du prix de Djezzy. Dans un contexte où une entente
amiable sur le prix de Djezzy paraît improbable, la « lettre-plainte » de
Sawiris ne serait qu'une manière d'alimenter son « dossier » en prévision de
l'arbitrage.
La réplique publique de Belkhadem sur le fait que Djezzy ne fait pas
l'objet d'un blocage de ses activités mais qu'elle est tenue, comme toutes les
entreprises, de se soumettre à la loi est destinée à ne pas laisser passer
l'affirmation. Encore que cette position gagnerait à être signifiée
officiellement... sachant que le bras de fer médiatique et juridique autour de
la valeur de Djezzy promet d'être rude.
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Posté Le : 08/08/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saadoune
Source : www.lequotidien-oran.com