Deux faits ont
changé la réalité du dossier Djezzy. Vimpelcom est devenu son nouveau propriétaire et le pouvoir
politique a changé en Egypte. Si on ajoute à cela que la levée de la préemption
coûtera très cher au contribuable algérien, le gouvernement songe «prudemment»
à donner son «feu vert», à une solution entre acteurs privés. Cela devient
pressent. Le réseau de Djezzy a besoin en urgence
d'un plan d'investissement.
Le ministère des
Finances algérien attend un signe du président de la République pour faire une
ouverture dans le dossier Djezzy. C'est ce que Maghrebemergent.info a appris cette semaine de deux sources
concordantes proches du dossier. L'exercice du droit de préemption sur 51% du
capital de OTA coûtera trop cher et un arbitrage au tribunal de Londres – prévu
par le contrat de licence - est perdu d'avance. Ce n'est là que le sentiment
des experts au ministère des Finances. Peut-être celui de Karim Djoudi, le ministre qui n'a pas encore la réputation
d'imposer ses vues à sa hiérarchie. «Il convient donc d'être très prudent dans
cette situation» prévient un expert, en charge de plusieurs fusions
acquisitions à l'international, qui connaît le dossier Djezzy,
«Sawiris ne détient plus que 19% d'OTH. Le nouveau propriétaire de Djezzy
est Vimpelcom depuis que l'assemblée générale des
actionnaires a voté la transaction, malgré l'opposition de Telenor.
C'est une réalité. Sawiris a réussi un tour de force
en convainquant les Russes d'acheter malgré l'hypothèque sur son opération en
Algérie. Aujourd'hui du point de vue du droit international le propriétaire de Djezzy, c'est Vimpelcom. C'est un
fait accompli. Il n'y a rien à faire contre cela». Ce serait là donc le nouveau
point de départ de la réflexion du gouvernement algérien, qui intègre le fait
qu'il n'a plus à faire à Naguib Sawiris.
La Révolution
égyptienne a accentué, de son côté, le sentiment que la donne de 2008-2009 a changé. La volonté
politique de sanctionner les intérêts d'Orascom, et
plus largement les intérêts égyptiens, se serait objectivement affaiblie à
Alger. Le président Bouteflika n'avait pas apprécié, et
l'a déclaré dans un discours le 26 juillet 2008, la cession de la branche
matériaux de construction de Orascom à
l'international, au profit de Lafarge qui s'est retrouvé propriétaire de deux
cimenteries en Algérie, à l'insu des autorités locales. L'implication du clan
Moubarak dans la campagne anti-algérienne au lendemain de l'élimination des
Pharaons de la coupe du Monde, en novembre 2009, a rendu le courroux
du pouvoir politique à Alger plus fort.
Les 7,8 milliards de
dollars, «un coup de bluff»
L'affirmation
péremptoire de Ahmed Ouyahia selon laquelle son
gouvernement ne connaît pas, dans le dossier Djezzy, d'autre
interlocuteur que OTH, de Naguib Sawiris
est «dégonflée» par le droit. Mais que vont faire les Russes en Algérie ? D'abord
sans doute tenter de desserrer l'étreinte des représailles qui étranglent Djezzy depuis deux ans : redressements fiscaux, interdiction
d'exporter les dividendes y compris après régularisation des impôts, interdiction
de faire de la promotion à la télévision, rejet des opérations promotionnelles
par l'ARPT. Mais à terme, pense l'expert financier «Vimpelcom ne compte pas maintenir l'Algérie dans son champ
d'opération. Ce n'est pas son ère géographique naturelle. Les Russes cèderaient
bien volontiers la majorité de OTA contre un chèque s'ils trouvent un terrain
d'entente commerciale». Mais à qui cèderaient- ils ? «Acheter des actifs de Djezzy pour les revendre à un autre opérateur de téléphonie
est un risque d'affaires trop grand qui n'est pas du ressort des Etats. Il faut
laisser les acteurs privés le faire. L'Etat doit réguler les accords, les
encadrer» affirme l'expert international. Le ministère des Finances attend les
résultats de l'évaluation de l'actif algérien de Vimpelcom,
mais du point de vue de plusieurs sources à Alger, c'est déjà là un enjeu tout
à fait relatif, «le prix des actifs de Djezzy n'est
pas très compliqué à arrêter. Il y a une pratique reconnue dans le milieu des
Télécoms qui est celle du multiplicateur de l'Edibta (résultat
net avant impôts et amortissements). La valeur oscille entre six fois et dix
fois l'Edibta». Maghrebemergent.info
a pu apprendre à ce sujet auprès d'une source au ministère des Finances à Ben Aknoun que l'affirmation de Naguib
Sawiris selon laquelle le Sud Africain MTN avait fait
une offre de 7,8 milliards de dollars pour l'acquisition de Djezzy,
était «un coup de bluff». «Le cabinet du ministre a reçu un message oral du PDG
de MTN par le biais d'un de ses conseillers pour la région. MTN n'a jamais fais une offre détachée pour l'opération
algérienne de OTH. Il n' y a eu qu'une offre consolidée pour l'ensemble des
actifs de OTH» affirme cette source qui reconnaît en même temps que «c'est de
bonne guerre de fixer un chiffre». Lequel chiffre n'est toutefois, il faut
l'admettre, pas très éloigné de l'évaluation par la méthode des EDIBTA, selon
un calcul sur la base des résultats de OTA en 2007, 2008 et 2009.
Le réseau de Djezzy nécessite une remise à niveau
«Les investisseurs
du monde entier attendent de voir comment le gouvernement algérien va traiter
le dossier Djezzy. Tout le climat des affaires des
prochaines années en dépend. Il n'est pas trop tard pour que les autorités
algériennes reviennent à une démarche rationnelle qui rende la main aux acteurs
professionnels dans ce dossier. Les étrangers comprendront que l'Algérie a
voulu marquer le coup politiquement dans un moment de tension avec l'Egypte, mais
qu'elle sait ne pas s'entêter en dépit du bon sens et de l'intérêt de ses
consommateurs» explique l'expert financier. Consommateurs ? «Le réseau de Djezzy est en grande difficulté. Il nécessite rapidement un
plan d'investissement. Je relève au passage que dans l'offre de MTN de 2010, il
était prévu un plan d'investissement de 500 millions de dollars pour le
développement de la seule licence GSM de OTA en Algérie». L'offre avait été
refusée par les autorités algériennes. Aujourd'hui, l'impasse persistante sur
le sort de Djezzy dégrade ses actifs, mais aussi la
qualité de ses prestations aux clients, à cause notamment du blocage des
dépenses pour la mise à niveau de son réseau national. Une solution rapide ? «Le
gouvernement peut en entente avec Vimpelcom organiser
dans le moyen terme la cession de 51% des actifs d'OTA
au profit de divers acteurs économiques nationaux. Il ne faut pas oublier que Cevital est également actionnaire dans OTA et peut agréger
autour de lui un actionnariat algérien. La Bourse est aussi un très bon recours, cela
dynamisera la place d'Alger et enverra un bon signal aux investisseurs».
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Posté Le : 17/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : El Kadi Ihsane
Source : www.lequotidien-oran.com