Lorsque, le 20 février 1861, Napoléon III décrète la création d'un centre de population civile de 55 feux au lieu-dit "DJELFA" en lui affectant un territoire de 1 775 hectares 92 ares et 15 centiares, il ne fait que régulariser un état de fait qui existait depuis plus de 5 ans déjà.
En effet, en 1854, une population civile de 144 individus s'y était groupée sous la protection des militaires installés en 1851 par les colonnes des généraux YUSUF et MARGUERITE lors de leur passage pour aller assiéger LAGHOUAT qui s'était révoltée. L'ouverture d'un dispensaire et la construction d'un moulin à eau avaient suivi cette installation.
Pourtant la région est peu sûre. En 1847 un combat s'y est déroulé entre les troupes françaises et les tribus des Ouled AISSA dans les pires conditions, la neige et les touffes d'alfa ayant obligé les cavaliers français à mettre pied à terre pour se battre.
En 1852, l'occupation provisoire des lieux devient définitive lorsque le général YUSUF arrive à DJELFA pour poser la première pierre du bordj qui sera construit par les militaires en 40 jours. Le bâtiment, à la fois forteresse et caravansérail est ceint de murs bas. Il abrite les bureaux et le logement du chef d'annexe ainsi que l'habitation du caïd des Ouled NAIL (la plus importante tribu de la région). Son chef, SI CHERIF BEL LAHRECH, reçoit le titre de khalifat des Ouled NAIL.
Le premier janvier 1853, le commandant BARRAIL est nommé officier supérieur en poste à Laghoûat, DJELFA en dépend. Il reçoit comme consigne la création d'un marché dans ce lieu-dit. Rien n'existait, pas même une construction en dur. Malgré cela est né le plus important marché de la région. Il est fréquenté par de très nombreux nomades qui viennent de 150 km à la ronde et se tient tous les vendredis et les samedis. Une eau abondante et potable est pour beaucoup dans le succès rapide de ce marché. Le commandant BARRAIL est chargé de constituer un makhzen (groupe de supplétifs).
En juillet 1853 est créé le bachaghalek des Ouled NAIL ainsi que le caïdat des Ouled SI SALEM.
Les différentes phases qui ont abouti à l'implantation du village de colonisation de DJELFA sont décrites dans l'extrait des délibérations du Conseil des Affaires Civiles en date du 17 mai 1860.
Début 1854, le gouverneur général de l'Algérie demande à l'autorité divisionnaire de préparer une étude en vue de la création d'un village de colonisation agricole à DJELFA.
L'importance du marché et l'excellente qualité des terres récupérées sur la zone marécageuse située en amont laissent prévoir de nombreuses demandes de concessions.
Par arrêté du 11 janvier 1854 une commission est constituée pour examiner le projet. Le 21 mars suivant, les opérations de la commission sont arrêtées par dépêche n° 1426 du gouvernement général. Reprises à la suite de nouvelles prescriptions en date du 26 juin 1856, cette commission présente, en novembre de la même année, un rapport favorable à l'établissement du village malgré quelques observations faites par certains de ces membres
Le directeur des fortifications demande qu'un plan soit mis à la disposition des futurs colons.
Certains membres, ne croyant pas que des civils viendraient s'installer compte tenu de la rigueur du climat, estiment que la dépense pour l'installation d'un village ne se justifie pas.
Sur ordre du gouverneur on se borne à préparer un projet de distribution de lots à bâtir. Ce projet adopté, n'a pas été exactement suivi par les constructeurs.
Malgré l'insécurité, attaque d'une colonne conduite par le lieutenant d'ORNANO qui se rendait à MESSAAD et la mort du maréchal des logis BOISGUILBERT (la principale rue de DJELFA portera son nom), la population civile s'est accrue, les constructions aussi. Quelques lots de culture ont été distribués, à titre provisoire, pour aider au ravitaillement de la place et donner des moyens d'existence à certains habitants fort démunis.
En 1854, il existe déjà à DJELFA une quarantaine d'habitations pour une population de 144 individus.
L'extrait du rapport du 17 mai 1860 énumère les fonctions qui sont dévolues à l'officier du bureau arabe, chef d'annexe. Il indique aussi, que par décret du 31 mars 1860 DJELFA est érigée en "succursale du culte catholique."
Le village prévu pour 55 feux est divisé en 46 lots de 24 hectares en moyenne. Le montant des travaux publics envisagés est de 119 000 francs. Il comprend la construction d'une église, d'un presbytère, d'une école, d'une mairie, d'une gendarmerie et d'un barrage sur l'oued Mekhelkhal en amont du village, avec la pose d'une conduite d'eau pour l'alimentation des maisons et l'irrigation des jardins.
Voici la liste des premiers concessionnaires donc des premiers civils qui se sont installés à DJELFA
MOURLON, HENRIET, DELAHAIE, LEO, FOURNIER Jean, FOURNIER Philibert, POULS Veuve MARCHAND, LESBRE (aubergiste), PUJOL, FLEAUZAK, GALLY, SARRADET (entrepreneur des transports militaires), le CHERIF AGA, Ahmed Ben BAKEUR, Hadj HAMIDA, KOUIDER Ben AHMED, MOHAMED Ben AHMED.
Quelques lots sont réservés pour la construction des services publics dont un pour la corporation des mozabites.
Le rapport signale également, que 14 colons agriculteurs européens et 10 indigènes, dont l'aga SI CHERIF sont implantés à DJELFA. Le 29 décembre 1859, ce rapport est transmis à l'Empereur en vue d'obtenir dans les formes légales, la régularisation de l'existence d'un village créé sans aucune autorisation.
Enfin, le 20 février 1861, NAPOLEON III signe le décret officialisant cette création.
DJELFA
Commencée en 1853 la construction de la zaouïa du Bachagha SI CHERIF se termine en 1855.
Depuis 1856, le culte catholique est célébré 3 fois par an par les Prêtres lazaristes venant de LAGHOUAT. Cest le curé BUSQUET qui fut le premier prélat à dire la messe à DJELFA.
Le 25 décembre 1856 est inaugurée une église provisoire construite en planches. En même temps est lancée une souscription à LAGHOUAT et DJELFA destinée à financer la construction d'une église en dur.
Le 19 avril 1861, Monseigneur PAVY, archevêque d'Alger bénit la première pierre de la nouvelle église, le même jour on exécutait le nommé BOUCHEDOUGA et ses complices coupables d'avoir, 5 jours auparavant attaqué le village. En 1862 l'église est achevée et l'année suivante l'autel définitif installé.
En 1868 trois religieuses de la doctrine chrétienne arrivent à DJELFA pour diriger un ouvroir destiné aux fillettes musulmanes à qui on enseigne lé tissage de la laine.
Jusqu'en 1920 ce sont les prêtres du diocèse d'Alger qui seront curés à DJELFA. Le 11 octobre 1920, le Père BOCQUEL de la communauté des Pères Blancs s'installe à DJELFA à la demande de Monseigneur l'Archevêque d'Alger, bientôt suivi par le Père BOFFY et le Frère HENRY. A eux trois ils forment la première communauté des Pères Blancs de ce village.
Un rapport de 1860 signale l'ouverture de l'école franco-indigène. Le "Maître d'école", Monsieur DEMONGUES, fait la classe à 40 élèves. En plus du programme scolaire habituel, il leur enseigne un rudiment d'agriculture. L'école sera fermée de 1863 à 1864 à la suite de la révolte des Ouled SIDI CHEIKH.
Le télégraphe qui fonctionnera à compter du 26 octobre 1862 a été mis en chantier en 1861. Le bureau arabe est ainsi constitué
Un capitaine chef d'annexe qui traite la correspondance, examine les affaires criminelles ou litigieuses, poursuit, surveille les rôles d'impôts, les états statistiques, les affaires militaires et civiles. Il est aidé pour cela par deux lieutenants, un interprète militaire, un secrétaire copiste, un chaouch, un khodja, dix khiales (supplétifs), huit spahis et un médecin chargé du service des ambulances de la garnison. Ce dernier doit, seul, visiter les malades indigènes, assurer les services de la colonie et constater les morts par meurtres. En 1863, le médecin en fonction est Monsieur BEAUCHAMP. Il jouit d'une grande réputation auprès des indigènes grâce à quelques opérations heureuses et à son dévouement lors des épidémies typhiques et cholériques. Cela lui vaut de recevoir la médaille de Chevalier de la Légion d'Honneur.
Les cavaliers, peu nombreux, doivent transmettre les ordres aux tribus de l'annexe sur un immense territoire (894 500 hectares de superficie pour 25 463 habitants - recensement quinquennal de 1866).
Jusqu'en 1889, il n'y a rien d'important à signaler. Cette année-là, le 22 juin, 13 jeunes gens de DJELFA adressent une pétition à Monsieur ALLAN, conseiller général de la 22° circonscription d'Alger, dans le but d'obtenir du gouvernement général de nouvelles concessions agricoles. Cette pétition, transmise pour examen, au commandant supérieur du cercle de DJELFA, le commandant ENGEL, est rejetée par ce dernier pour les motifs suivants
"Il ne peut être question d'enlever aux indigènes de nouvelles terres pour les donner à ces jeunes qui ne connaissent rien à l'agriculture.
DJELFA ne deviendra jamais un pays de production agricole à moins que les conditions climatiques se modifient. La sécheresse qui sévit 4 années sur 5 ne convient pas à la culture.
Sur 54 agriculteurs installés au début de la colonisation, il n'en reste plus que 9. Les autres, découragés par la pauvreté du sol, la rareté des pluies, partent en moins de 10 ans, après avoir vendu, à vil prix, leurs concessions soit aux colons restants, soit aux négociants juifs et mozabites, soit à des gens du pays.
Aujourd'hui, sur ce nombre de colons, 5 seulement, cultivent eux-mêmes la terre. Les autres la louent aux indigènes.
En comptant les fils et les gendres des premiers colons on ne trouverait pas plus de 5 ou 6 jeunes. Aucun d'eux n'est cultivateur. Ils ont tous un métier (boulanger, menuisier, charron, forgeron) qu'ils ne quitteront pas pour en exercer un autre aux résultats très aléatoires.
Si ces jeunes demandent des terres c'est uniquement pour en faire des revenus en les louant à ceux-là mêmes qui en auraient été dépossédés."
Le 14 septembre 1889, le général POIZAT, commandant la division d'Alger, transmet le rapport au gouverneur qui en approuve les termes et conclut par le rejet de la demande d'extension de la colonisation agricole de DJELFA.
Situé sur la route reliant ALGER à Laghoûat, le village est desservi par des diligences pour les voyageurs et par des chariots pour les marchandises.
Le voyage étant long, la construction d'une voie ferrée est décidée entre BLIDA et DJELFA (280 km). Commencés en 1891, les travaux s'achèvent par l'arrivée du premier train en gare de DJELFA le 1° avril 1921. Les travaux auront duré 30 ans.
Ce village créé pour la colonisation agricole, qui comptait, en 1854 144 individus passe à 2 824 habitants en 1930., Plus aucun colon n'y habite. Seules deux ou trois familles de maraîchers d'origine espagnole s'évertuent à faire pousser quelques légumes qu'ils vendent sur place.
C'est en 1930, au mois de juillet, que pour la première fois j'ai connu DJELFA. Cest alors une petite ville de garnison car en plus des services de santé et de l'intendance, il y a deux casernes qui abritent, l'une une compagnie de tirailleurs, l'autre un escadron de spahis. L'élément militaire forme la plus grande partie de la population avec les fonctionnaires, commerçants, ouvriers. Tout le monde se connaît, se fréquente, sans aucune ségrégation.
Les distractions sont rares, hormis la chasse et trois ou quatre bals par an. Les jeunes se réunissent pour danser les uns chez les autres, en famille. Plus tard ces réunions seront appelées "surprises parties."
A cette époque, la commune mixte toujours rattachée à LAGHOUAT, est dirigée par le commandant ROCROI. Cet officier a l'habitude d'arpenter d'un bon pas, chaque matin, par n'importe quel temps, les deux rues principales de DJELFA : les rues Boisguilbert et Charles Massoutier. Il a fière allure avec sa cravache à la main, une ordonnance marchant une dizaine de mètres derrière lui, en tenant son cheval par la bride. Sur son passage tous les indigènes présents le saluent et se mettent au garde-à-vous.
En 1931, une petite usine électrique est construite. Elle permet de remplacer par l'électricité l'éclairage à l'acétylène des rues et d'apporter un peu de confort dans les foyers.
Le village est entièrement ceint de remparts. On y pénôtre par quatre portes percées dans ces remparts.
L'exploitation du bois des forêts environnantes fait vivre quelques familles indigènes. L'alfa, exploité par une société métropolitaine donne du travail à quelques centaines d'ouvriers qu'elle emploie pour l'arrachage de cette graminacée. Une fois sec l'alfa est transporté à DJELFA dans une petite usine édifiée près de la gare. Mis en bottes d'environ 170 kg, à l'aide d'une presse, ces bottes sont chargées sur les wagons, transportées vers Alger puis expédiées par bateaux où les usines métropolitaines transforment l'alfa en pâte à papier. Une partie de l'alfa reste à DJELFA. Une petite usine de sparterie fabrique du crin végétal, des lavettes, des cordes, des tapis, etc... Cette usine fait vivre une dizaine de familles indigènes.
En 1933, la commune mixte de DJELFA passe sous l'autorité civile tout en restant rattachée aux Territoires du Sud, à LAGHOUAT. C'est ainsi que messieurs BECH, administrateur principal, LUCE-CATINOT et HIRTZ, administrateurs adjoints, deviennent les premiers administrateurs civils de la commune.
Le terminus de la voie ferrée étant DJELFA, pour ravitailler les cités de Laghoûat-Gardaïa, Messaâd, Charef, Zenina, de nombreuses entreprises de transport se sont créées en plus de celles du bois et de l'alfa.
Sous l'égide des Pères Blancs FLASQUIN et PERIER est né le foyer catholique du soldat où civils et militaires réunis ont formé une chorale ainsi qu'une troupe théâtrale qui se produit 3 ou 4 fois par an.
Depuis sa création en 1854 et le départ des français en 1962, de très nombreuses réalisations ont été faites au fil des années. Parmi elles, il faut citer
Infirmerie indigène et ouvroir tenus par les Soeurs Blanches - Groupes scolaires de filles et de garçons - Hôtel des finances et bureau des P.T.T. modernes - Aérodrome
Hippodrome avec tribunes en dur - Terrain de football
Courts de tennis
Piscine
Bergerie et ferme expérimentales de Tadmit ... et j'en oublie sûrement.
A travers les différentes phases décrites plus haut, on a pu assister à la naissance d'un village en Algérie. Il n'est pas le seul car d'autres, très nombreux, ont connu le même enfantement douloureux pour aboutir à l'édification d'un pays moderne et magnifique, et ce, malgré les incohérences et les hésitations de nos dirigeants.
Ce pays où nous sommes nés ne s'est pas fait sans peine. Il a fallu beaucoup de volonté et de travail à ces aventuriers pour sortir ces villages du néant. Pour cela des hommes et des femmes, en majorité très pauvres, sont venus de toutes les régions de France, d'Espagne, d'Italie et d'ailleurs. Ils ont apporté avec eux leur courage et leur espoir en des jours meilleurs. Presque tous ces pionniers remplissent, maintenant, les cimetières algériens.
Ayons pour eux une pensée émue et reconnaissante et soyons fiers d'être leurs descendants.
Michel LOUVET
Adh. N°402
Racontez-nous DJELFA
Je suis née à la limite des hauts plateaux sahariens, dans un petit village situé dans une dépression des monts Ouled Naïl, où se termine la voie ferrée venant d'ALGER, et où commençait la piste transsaharienne. Tout près, le Col des Caravanes voyait passer depuis la plus haute antiquité les tribus nomades.
C'était le territoire de GHARDAIA, un des vastes territoires du sud de l'Algérie, situé entre ceux d'AIN SEFRA et TOUGGOURT.
Au-delà des monts des OULED NAIL, parcourus par les tribus de même nom, commence le plus grand désert du monde avec ses pistes sillonnées depuis des centaines d'années par des caravanes, longs et imposants convois de dromadaires lourdement chargés. Denrée permanente transportée à travers l'histoire: le sel gemme. La vue des énormes blocs extraits de diverses mines, et cahotant au pas des bêtes, nous surprenait toujours.
Les réputées danseuses Ouled Naïl se produisaient surtout - à l'époque - à BOU-SAADA dans des danses bédouines suggestives, tour à tour violentes ou sensuelles, ardentes ou lascives, transmises de génération en génération depuis des temps immémoriaux. L'une de ces danses bédouines, exécutée dans la forteresse de Machéronte en Palestine (actuellement en Jordanie ; ruines non loin de Qumran où furent découverts les Manuscrits de la mer Morte), est restée dans les mémoires : elle enthousiasma HÉRODE et le porta à un tel paroxysme, qu'il fit servir comme récompense à la danseuse, à la demande de celle-ci, la tète de Jean-Baptiste sur un plateau.
Au-delà du territoire de GHARDAIA la piste continuait à travers le désert et menait au massif du HOGGAR, plus vaste que la France et célèbre par ses décors grandioses et différents. Dernière ville avant l'Afrique Noire : TAMANRASSET, et à une soixantaine de kilomètres de cette ville, sur un plateau de l'Assekrem (l'un des sommets du HOGGAR), l'ermitage du Père Charles DE FOUCAULD est devenu un lieu de pèlerinage. Vicomte et ancien capitaine des Chasseurs d'Afrique, le missionnaire a vécu là avant d'être assassiné en 1916.
Cette même année, la Première Guerre mondiale battait son plein dans les batailles de la Somme et Verdun, et sa terrible hécatombe (beaucoup de mes compagnes de classe auront des grands-mères veuves de guerre) inspirait ARAGON Déjà la pierre pense où votre nom s'inscrit
Déjà vous n'êtes plus qu'un mot d'or sur nos places Déjà le souvenir de vos amours s'efface Déjà vous n'êtes plus que pour avoir péri...
Et mon père qui y participait depuis août 1914 dans les combats en Belgique, suivis de la sanglante Bataille de la Marne, puis de la guerre des tranchées, et en 1915 de combats dans l'Artois, allait rapporter de Verdun de terribles souvenirs, ainsi que la croix de guerre, un certificat de Bonne conduite et une citation à l'Ordre de la 34è Division pour les faits suivants: " Etant parti pour réparer une ligne téléphonique qui traversait une zone très violemment bombardée, a été enterré par un obus, s'est dégagé, est allé appeler camarades et brancardiers et est revenu, malgré le danger, chercher le corps du camarade qui avait été tué à ses côtés. "
Zone très violemment bombardée... Enterré par un obus... Malgré le danger est allé chercher le corps du camarade...
Hasard miraculeux qui l'a épargné pendant la bataille de Verdun, là où des centaines de milliers d'hommes ont terminé leur existence. " Combien de rêves magnifiques recouvres-tu de ton dur linceul, terre insatiable du front ?... ", écrirait Roland DORGELÈS.
Cependant sa mémoire lui restituerait toujours ces heures cauchemardesques vécues sous le vacarme des projectiles, ce temps irréel passé à réparer à deux, dans le froid, les lignes téléphoniques sectionnées, sur une terre quasiment rasée et parsemée de cadavres, objets et débris divers. Elle lui restituerait également, intacts, les noms des lieux sinistres parcourus : Avocourt, Cote 304, Le Mort-Homme. Il garderait aussi le souvenir de compagnons d'infortune devenus fous sous les bruits incessants de mitraille et d'obus, le souvenir des odeurs de poudre et de mort qui envahissaient tout.
Tout cela se passait bien des années avant ma naissance. Quand je suis née dans ce petit village de DJELFA, situé à 1250 mètres d'altitude, où mon père fonctionnaire avait été nommé, une matinée de mai venait à peine de poindre remplaçant le velours noir du ciel et ses constellations, et mon père qui avait perdu une fille trois ans auparavant a pleuré de joie en silence.
L'année de ma naissance, un autre événement heureux se déroulerait, à ALGER celui-là: le mariage d'Albert CAMUS. Des années plus tard, je mettrais mes pas dans les siens pour me rendre au même groupe scolaire Aumerat qu'il avait fréquenté à BELCOURT, quartier d'ALGER. Les trois écoles (maternelle, filles, garçons) se suivaient mitoyennes et menaient au brevet. -J'apercevrais parfois le futur Prix Nobel, le plus jeune après Rudyard KIPLING, dont la mère vivait dans le quartier. Son allure d'homme était élégante, sa démarche calme, ses yeux songeurs ; tout en lui semblait étranger à ces rues qui pourtant l'avaient vu grandir. Dans ses carnets il notait en 1937: " Je ne connais qu'un seul devoir et c'est celui d'aimer ".
Institutrices, professeurs, livres - et toi, papa, admirateur passionné de la France et de sa culture, parti la défendre avec ardeur lors de la Grande Guerre - vous avez fait naître en moi la fierté d'être née française, d'ascendants français, les plus lointains arrivés de la voisine Espagne en des temps qui me paraissaient très anciens.
Espagne, Afrique, France voisinaient sans problème dans mon cerveau d'enfant.
Mais l'Afrique, ce vaste continent envoûtant, mystérieux et plein de surprises, qui m'avait donné la vie, et dont j'interrogeais le soir les milliards d'étoiles vers lesquelles ma main se tendait tant elles me semblaient proches, était lovée dans mon coeur pour toujours... Les années passant n'ont pu m'enraciner ailleurs, ni me déraciner de ma terre natale.
Afrique... berceau de l'humanité et doublement le mien...
Françoise BARBIER
Permettez-moi, je vous prie , de compléter votre précieux compte-rendu historique sur Djelfa par une remarque qui me semble importante : en réalité, Djelfa fut crée en 1837 par Si Cherif Ben Lahrech ,en tant que Moquadème, sur l'ordre écrit ( Ijaza) de son cheikh El mokhtar Ben Abderahmane de Ouled Djellal qui lui désigna ce lieu désert où il devait ouvrir sa zaouia Rahmania. Si Cherif se rendit à cet endroit à la date sus-indiquée , y planta ses tentes et y construisit quelques maisons. Mais l’état de guerre qui s'imposait en ce temps là ne lui permit pas d'en faire plus.
Si Cherif délaissa ce projet urbain pour se consacrer au Djihad au coté de l'Emir Abdelkader dont il était, depuis plusieurs années déjà, le secrétaire particulier et le conseiller avant d’être le son Khalifat pour le sud algérien.
Ce n'était qu’après sa sortie de prison à Boghar que Si Cherif en tant que marabout des Rahmanias relança son projet de construction de sa zaouia qui s'acheva , comme vous dites bien, en 1855. Il est évident que Si Cherif, Khalifat, conseilla la construction de la ville en cet endroit, tout prés de sa zaouia bien avant la date de 1861.
Merci et bon courage.
Signé: H. Ben Cherif.
H. Ben Cherif - Enseignant - Djelfa, Algérie
15/02/2012 - 27078
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Posté Le : 19/05/2008
Posté par : y-boudghene
Ecrit par : Françoise BARBIER
Source : www.alger-roi.net