Algérie

Djazia Aït Kaki Abdesselam, conteuse et poétesse: « Le conte permet de développer l’imagination, la sensibilité, mais aussi les valeurs humaines »



Djazia Aït Kaki Abdesselam, conteuse et poétesse: « Le conte permet de développer l’imagination, la sensibilité, mais aussi les valeurs humaines »
Enseignante à la retraite, Djazia Aït Kaki Abdesselam se consacre depuis quelques années au conte. Dans un entretien à Reporters, elle parle du conte, de son expérience de conteuse, tout en mettant en exergue la nécessité de perpétuer cet important pan de la mémoire. Reporters : Comment et quand êtes-vous venue au conte ? Djazia Aït Kaki Abdesselam : Dès que j’ai pris ma retraite d’enseignante, j’ai décidé de me consacrer entièrement au conte. Dans ma famille, le conte a toujours occupé une grande place. Ma grand-mère nous racontait tous les soirs les contes d’antan. Petite fille, cela me faisait rêver. Puis il y a eu le livre de Mouloud Feraoun, Le fils du pauvre, qui m’a fait aussi rêver. En lisant ce livre, j’avais envie de devenir enseignante.
Donc, vous avez commencé votre carrière de conteuse juste après un riche parcours d’enseignante… J’ai fait partie d’un atelier de conteuses, dirigé par Si Mohamed Baghdadi, un pédagogue, un homme de grande culture et un ancien directeur au ministère de la Jeunesse et des Sports. Cet atelier regroupait plusieurs femmes de différents niveaux et conditions sociales. Ce grand homme a titillé nos fibres de conteuses. « Vous êtes à la fois ordinaires et extraordinaires », nous disait-il, ajoutant : « Un jour, vous prendrez votre envol de conteuse. » Avec M. Baghdadi, nous nous sommes produits à Alger, à la salle Ibn-Khaldoun, et nous avons rendu hommage au militant Rabah Aïssat et à la poétesse et militante Anna Greki. Si Mohamed Baghdadi nous a amenées à écrire Des destins femmes. Moi, j’ai écrit Le destin de Nana Taos, sur lequel s’est basé le cinéaste Sid Ali Mazif pour réaliser son documentaire. J’ai aussi présenté un conte sur Chekchnak que j’ai narré en 2008 au Théâtre de verdure à l’occasion des festivités de Yennayer, organisées par le Haut Commissariat à l’amazighité (HCA). J’ai présenté aussi ce conte à Tipasa et à Béjaïa.
Parlez-nous de vos contes. Est-ce des contes du terroir ou vos propres créations ? Ce sont des contes du terroir tirés de la mémoire ainsi que du livre de Marguerite Taos Amrouche intitulé Le grain magique. Mais il y a aussi des contes créés selon les thèmes que Si Mohamed Baghdadi nous proposait. J’ai fait aussi un conte pour sensibiliser les enfants sur la nécessité de préserver l’environnement. Je ne sais pas exactement combien de contes j’ai réalisé jusqu’à aujourd’hui, mais disons peut-être une dizaine, une douzaine, de ma création et d’autres que j’ai mémorisés quand j’étais jeune et qui me reviennent.
Pourriez-vous nous citer quelques titres des contes du terroir que vous reprenez ? Les directeurs de la culture des wilayas de Tizi-Ouzou et de Béjaïa nous invitent souvent. Nous nous rendons dans les Maisons de jeunes des villages et nous essayons de ressusciter les contes d’antan lors des ateliers et les séances de contes. Même les adultes s’intéressent aux contes, car cela leur rappelle leur enfance et les veillées autour du kanoun. Je peux vous citer Baladjout, un conte qui met en scène un petit enfant qui demande au figuier de lui donner des fruits le plus rapidement possible. Il y a Loundja, la fille de l’ogresse et La fille aux sept frères. Parmi mes créations, il y a les contes portant les titres de Boustaf, c’est sur le thème de l’environnement, et Zahir, qui raconte l’histoire d’un petit garçon sage qui se met à fréquenter de mauvais garçons et devient délinquant. Mais il se ressaisit et redevient un enfant modèle. Il y a aussi le conte Le droit à la vie, qui met en exergue le droit à la vie, ainsi que L’araignée, l’histoire d’une veuve qui élève seule ses jeunes enfants.
Qu’apporte le conte à l’enfant ? Le conte développe l’imagination de l’enfant ainsi que sa sensibilité. Il permet de transmettre les valeurs humaines et sociales, comme la fraternité, l’amitié, la générosité, la solidarité, la bonté, l’altruisme, etc. Les veillées permettent aussi de renforcer les liens familiaux. Les contes transmettent aussi des expériences, sans oublier que les contes font rêver les enfants. Ils permettent à l’enfant de dépasser la peur, car on trouve toujours le moyen de déjouer les mauvaises intentions de l’ogresse grâce à l’intelligence du petit héros.
Ne pensez-vous pas que les parents aujourd’hui ne content plus d’histoires à leurs enfants ? En effet, et c’est malheureux de l’avouer, les parents d’aujourd’hui ne content plus d’histoires à leurs enfants. La maman travaille à l’extérieur et quand elle rentre à la maison, elle a le ménage à faire, le repas à préparer et la lessive. Le père rentre aussi fatigué avec les problèmes de transport, de circulation. Les parents n’ont plus de temps. Les enfants s’intéressent plus à la télévision et à Internet.
Quelles qualités doit avoir une conteuse ? Une conteuse doit avoir une bonne élocution, de l’imagination, une voix agréable et savoir attirer ou plutôt captiver l’attention de l’enfant par les gestes et le regard. Il faut avoir aussi beaucoup de tendresse.
Pensez-vous publier un jour vos contes ? Je ne suis pas ambitieuse pour publier mes contes et mes poèmes. Il y a des poèmes qui ont été publiés dans la revue du Centre d’information sur les droits des enfants et de la femme (Cidef) ainsi que dans Digest, publié par l’écrivain Youcef Merahi, l’ancien secrétaire général du Haut Commissariat à l’amazighité.
Vous êtes donc aussi poétesse… Oui, j’écris des poèmes en français et en tamazight. Les thèmes sont divers. Dans mes poèmes, je parle de la femme, de l’enfant, du changement de mentalités, de l’environnement, ainsi que des personnalités qui ont apporté quelque chose. J’ai écrit aussi des poèmes pour rendre hommage à l’écrivain et poète Tahar Djaout et Lounès Matoub. Pour ce qui est de mes projets futurs, je souhaite mettre mes contes sous forme de pièces de théâtre et en dessins animés.


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