Algérie

Djanet, un patrimoine mondial à préserver



Djanet, un patrimoine mondial à préserver
C’est dans le silence de la nuit que nous traversons la vingtaine de kilomètres séparant l’aéroport de Djanet «Tiska» du camping Ténérée Village où nous avons élu domicile tout au long du séjour organisé par l’agence de voyage Allways Travels. Il était minuit passé lorsque l’avion a atterri sur le tarmac. Le mercure affichait à peine 11 degrés, et le vent était assez fort. Après une bonne nuit de sommeil, nous démarrons vers le plein désert pour découvrir ses multiples merveilles. De simples gravures rupestres aux montagnes de sable et de roches, aux «gueltas», le voyage a été une véritable découverte des potentialités touristiques de l’Algérie qui ont dépassé les frontières et attirent de plus en plus de touristes étrangers. D’ailleurs, leur nombre était grand et on rencontrait de temps à autre des groupes, qui à bord de véhicules tout-terrain, qui à pied, chacun selon le circuit qu’il a choisi et des sites qu’il veut visiter.

Les gravures rupestres : un art ancestral à protéger

Pour notre groupe, la première étape du périple était Tin Amali pour un circuit de 150 km. Des paysages merveilleux s’offrent à nos yeux. C’est extraordinaire de passer d’un contraste à un autre : Du terrain plat à des hauteurs vertigineuses ! Sous un soleil éclatant, des montagnes de sable serties de pierres brillent. Parfois, elles sont de couleur noire et, parfois, elles sont argentées. Plus secrètes encore, certaines montagnes donnent l’apparence de têtes de Targui enveloppé dans leur chèche. Des plantes de toutes les couleurs agréent le regard, rappelant que, même dans le désert, il y a une faune et une flore propres à ces espaces. Le roi du désert reste incontestablement l’acacia, un grand arbre avec des épines dont la longueur des racines va jusqu’à 30 mètres pour puiser l’eau nécessaire à sa survie.
Arrivée à Tinerssou pour l’escalade d’une grande montagne, au bout de laquelle nous atteignons une grotte gigantesque. Là, sont dessinées des gravures rupestres, un art ancestral, le plus vieux du monde. Notre guide nous renseigne qu’elles datent de plusieurs siècles avant l’Islam, et certains disent même qu’elles remontent au temps des pharaons. La période de ces gravures rupestres n’est pas vraiment tranchée. Cela étant, la grotte a servi de refuge et de campement aux premiers habitants de la région. Comme partout ailleurs, et à différents autres endroits de l’Algérie, ces grottes permettent aux populations de surveiller leurs troupeaux et de se protéger contre les ennemis, surtout au temps des razzias. On raconte que Djanet était attaquée par les Peuls, du Mali, du Niger, du Burkina Faso, de la Libye et du Tchad. C’était en 2000 ans av. J.-C. D’ailleurs, l’un des plus anciens quartiers de la ville de Djanet est baptisé du nom des orphelins «Adjalil», en langue targuie, nous raconte Abdallah.
Ce guide nous apprend aussi que les dessins des gravures rupestres retracent trois périodes : les Tétrodes, celle des vaches, allant de 4000 à 6000 ans av. J.-C., et la période du chameau datant de 2000 ans av. J.-C. Djanet était le carrefour de toutes les caravanes, et beaucoup de civilisations y sont passées, y compris égyptiennes. Les gravures rupestres sont nombreuses, et sur un seul site on peut en trouver jusqu’à 5 000.

Tigharghart ou la «Vache qui pleure»

Mais sans doute la plus connue et reconnue de toutes reste «la Vache qui pleure» au niveau de la région de Tigharghart, à environ 25 km de Djanet. Sur le mur plat d’une montagne gigantesque aux belles couleurs ocre, défiant le ciel au milieu de dunes de sable, se révèle aux yeux des visiteurs une grande gravure rupestre représentant, en effet, une vache qui pleure. La légende dit qu’un agriculteur s’est déplacé dans le coin et l’a trouvé tellement verdoyant et disposant de pâturage qu’il est reparti ramener son troupeau pour s’installer. Quelques années plus tard, sévit une sécheresse et les vaches maigrissaient et mouraient une à une. Le propriétaire, voyant une larme couler des yeux de ses bovidés et par dépit, a dédié ce tableau à ciel ouvert à leur mémoire. Il «peint», alors, une vache qui pleure. Une autre légende, par contre, dit que lorsque l’eau manque dans l’organisme des vaches leurs yeux secrètent un liquide. La dernière légende dit aussi que la larme représente l’une des couleurs qui couvrent généralement le visage de cette bête domestique. En tous les cas, quelle que soit la légende, le dessin très visible est là et renseigne sur un pan de l’histoire de l’humanité. Nos ancêtres ont traduit leurs préoccupations de l’heure, et dessiné leurs animaux dans les grottes et dans plusieurs autres sites.
D’ailleurs, Djanet est classée patrimoine mondial par l’Unesco en 1984. Depuis, le Tassili, véritable musée à ciel ouvert, est protégé par des lois et règlementations mises en place interdisant le pillage de ces richesses. Malheureusement, beaucoup de sites sont sujets à des actes de vandalisme, et nombreux sont les touristes nationaux ou étrangers à repartir avec dans leurs valises des pierres et des «trésors» de la région. Fort heureusement que les douaniers de plus en plus formés parviennent à les déterrer et à les restituer à la nature.

Le Ténéré : le plat et l’infini

Un autre guide nous informe que certaines peintures sont endommagées et que des sites dans le plateau du Tassili sont complètement fermés et non autorisés aux visiteurs. Certaines grottes sont même clôturées. Dans d’autres sites, des gardiens sont carrément affectés pour leur surveillance. Halte à Issoudad pour un déjeuner dans la nature désertique, sous un gigantesque acacia. Un thé de l’amour, de la vie, et de la mort servi généreusement et retour à notre voyage à travers le Ténéré qui veut dire en targui plat. Plus rien qu’une mer de sable jaune ou blanc agrémentée par moment de grandes montagnes. C’est le vide total autour de nous ! Quel calme ! A l’exception d’un voile blanc de poussière soulevé par les 4x4 qui roulent à vive allure et le ronflement de leur moteur, nous ne voyons plus rien d’autre que le noir tout autour, n’écoutons rien que le silence. Mais, auparavant, d’autres haltes. La première à Tighitit qui veut dire pointe à cause d’une montagne défiant le ciel et qui a la forme d’une pointe. Des gravures rupestres sont aussi présentes sur le site datant de 8000 ans av. J.-C. Des vaches, des mouflons, des girafes etc. y sont gravés. Après un coucher du soleil plutôt pâle à Issoudad, mais laissant derrière lui de belles teintes rosées et violâtres, nous regagnons notre gîte à la tombée de la nuit pour nous reposer, conscients déjà qu’une autre belle aventure commencera le lendemain. Une soirée animée sous une tente au Ténérée Village par le groupe «Angham Tassili», dont le chanteur Mesbah Abdallah, élève du regretté Athmane Bali,
a gratifié les spectateurs de belles chansons targuies. Loin du Ténéré, et cette fois-ci à Essendilène, 200 km de circuit nous ont fait découvrir une autre nature. Ce sont des montagnes rocailleuses qui nous accompagnent dans notre sortie, mais aussi des dunes de sable à perte de vue. Avant d’atteindre cette étape du voyage, nous marquons un arrêt dans un endroit appelé «Tadjert Toujet». Tadjert veut dire arbre dans la langue des Touareg.

Essendilène, le grand canyon algérien

L’endroit est appelé ainsi en raison de l’existence d’un arbre au sommet d’une grande montagne. «Le détour suscite la curiosité de nombre de personnes quant à l’origine de cet arbre», nous dit Aïcha, attachée de conservation au niveau de l’Office du Parc national du Tassili (OPNT). Nous passons tour à tour «Tim Ghas», qui veut dire dents que dessinent les montagnes, l’oued «El», et l’oued Essendilène d’une longueur de 19 km. Que de montagnes géantes à cet endroit qui se singularise par la présence en force du tamaris ! Sur notre passage, une «guelta», sorte d’une mare d’eau entourée de végétaux. Elle nous renseigne sur l’existence d’une vie dans le désert. Les nomades s’y regroupent. Aïcha nous apprend qu’Essendilène est classé patrimoine naturel et culturel mais est aussi protégé car, en plus de l’eau qui y coule, des espèces d’animaux y vivent. Comme dans plusieurs autres endroits, la gazelle et le mouflon, de même que les chameaux sont les rois de ce désert épars dont peut s’enorgueillir l’Algérie.
A cela, s’ajoutent de nombreuses variétés d’oiseaux. Après une longue escalade d’une montagne de pierres, nous entamons la descente de l’autre côté pour atterrir dans un oued asséché agréé de lauriers-roses et d’autres plantes encore. Nous rebroussons chemin pour un repos et une «gueïla» (sieste). Les tamaris nous offrent leur ombre et leur fraîcheur.
Beaucoup assimilent Essendilene au Grand Canyon aux Etats-Unis ! Par ses constitutions géologiques et les figures géométriques sublimes creusées par le temps, le site arrive à accrocher le regard et la curiosité. Un poste de gardien est mis en place pour protéger ce patrimoine et, entre autres, interdire aux visiteurs de nager dans la «guelta» classée zone humide.
Au troisième jour du voyage, cap sur d’autres sites à visiter du côté de Tikoubaouine où l’on découvre un grand cimetière, avec des tombes datant d’avant l’Islam. Certains disent qu’elles datent de la période des pharaons. En guise de tombe, de simples pierres posées sur le sol. C’est, d’ailleurs, un style adopté par beaucoup de régions du sud de l’Algérie. A l’entrée de ce cimetière, est inscrit en pierres «Nedwaida» et en arabe «Interdit de prendre les pierres». C’est pour le repos des morts. Pour mieux voir, nos guides nous invitent à escalader une grande montagne surplombant le site. Ce cimetière, paraît-il, est l’un des plus grands de toute la région.
Une autre découverte que nous offre Djanet, non loin de là, est cet éléphant sculpté par les plus belles mains : dame nature. Seul maître des lieux, cet éléphant impose sa présence depuis une longue date. Il est tellement vrai qu’on à l’impression qu’il va bouger d’un moment à l’autre pour nous suivre.
Nous repartons avec à l’esprit cet animal de pierre qui suscite l’étonnement, mais avec tant de magie et d’émerveillement de voir autant de trésors que renferme Djanet. Un véritable voyage dans la beauté du site et de l’âme des hommes bleus (Touareg) qui nous ont accompagnés tout aulong de notre périple, et servis avec toute l’amabilité et surtout la générosité connue des gens du sud du pays.
Blottis ainsi trois jours dans les bras de la nature, nous parvenons à vivre des sensations extraordinaires. Ecouter le silence la nuit, regarder la beauté le jour, sentir l’odeur du thé, et l’agréable sensation de douceur en marchant pieds nus sur le sable, le tout marqué par les sons merveilleux de la musique targuie, et l’hospitalité des Touareg, c’est est une très belle aventure.


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