Le volet industrie
du Programme national des énergies renouvelables (PNR) est un grand défi. Djamila
Mohammedi directrice Stratégie à la holding Sonelgaz déconstruit et décrypte dans cet entretien très
éclairant le programme national, les différentes options qui s'offrent, l'effort
à faire en recherche et développement. Avec le cap d'avoir, en 2030, une
véritable industrie.
La mise en Å“uvre
du Programme algérien de développement des énergies nouvelles renouvelables est
confiée au groupe Sonelgaz. Avez-vous été associée à
son élaboration.
La politique
énergétique est du ressort du ministère de l'Energie et des Mines. Mais il y a
eu beaucoup de concertation. Il y a eu des contributions de notre part. Car il
y a des choses que nous pouvons calculer et des modèles que nous pouvons faire
tourner et dont les résultats ont servi justement pour l'élaboration du
programme.
Quel choix
technologique faut-il adopter est le thème le plus commenté par les
spécialistes en relation avec ce programme. Comment vous avez abordé cet aspect
?
Pour le moment, on
n'est pas encore à ce niveau. Ce qui a été adopté dans le programme, c'est un
peu les grandes filières. On a focalisé sur le solaire car c'est le potentiel
le plus important en Algérie. On n'a pas focalisé sur l'éolien car nous n'avons
pas beaucoup de sites ventés. Du moins selon les connaissances dont nous
disposons aujour-d'hui. Cependant, à l'intérieur de
ces filières, il y aura encore des choix à faire. Au niveau du solaire par exemple,
il y a d'abord le photovoltaïque (PV), l'une des premières applications
solaires à avoir vu le jour ; le concentrateur solaire CSP qui existe sous
forme de tours ou de cylindres paraboliques comme celui appliqué dans la
centrale de Hassi R'mel, ou
bien sous forme des miroirs de Fresnel. Ce sont des filières technologiques
différentes qui ne sont pas au même stade de maturation. La filière des
cylindres paraboliques semble la plus mature, elle existe depuis un bon moment,
même s'il n y a pas beaucoup de centrales commerciales. La centrale à tour
semble aussi prometteuse pour l'avenir, son rendement est plus important
comparé à l'utilisation de la surface. Il faut savoir que le solaire prend
beaucoup d'espace pour produire quelques mégawatts.
Au niveau du programme, nous avons opté pour
le concentrateur solaire CSP en raison de ses avantages en matière de stockage.
Dans le photovoltaïque (PV), il existe des contraintes liées au stockage, les
batteries sont généralement de petites capacités. Par contre, le stockage dans
le concentrateur CSP peut se faire sous différentes formes. On peut stocker
avec la technique des sels fondus et dans les régions où il y a beaucoup d'eau,
on peut le faire avec la technique pompage-turbinage.
On pourrait stocker sous différentes formes l'énergie qui serait produite à
partir du solaire. La contrainte pour le solaire est que la nuit, il n'y en a
pas et il faut trouver une alternative pour qu'il continue à fonctionner. En
plus du fait qu'il y a des intermittences. Il faudrait continuer à assurer même
quand il y a un nuage qui passe. Il faudrait qu'il ait une alternative qui
pourrait y remédier et c'est pour cela qu'on pense au stockage.
Au niveau du PV, plusieurs filières sont déjà
matures, surtout le polycristallin et le monocristallin.
Dans l'usine de Rouïba Eclairage, on a opté pour le polycristallin
et on a été accompagné par les chercheurs de l'UDTS (unité
de développement de la technologie du silicium). Cela ne veut pas dire que les
autres filières ont été oubliées, on suit toujours ce qui s'y passe. A cet
effet, nous, nous avons conçu un projet, appelé Ecole, pour tester les quatre
filières par rapport à leur exploitation dans une région du Sud, à Ghardaïa. On
placera le polycristallin, le monocristallin, l'amorphe
et les couches minces pour voir comment ces filières vont se développer dans
cet environnement. Les résultats d'exploitation de projet Ecole seront partagés
entre les chercheurs et les ingénieurs de Sonelgaz. La
centrale pourrait nous donner des indications sur les filières en PV qui vont
être priorisées à l'avenir, sachant que nous avons un programme de 2800
mégawatts en PV.
Et l'aspect coût, est-ce
qu'il a été pris en compte dans votre approche ?
La filière la
moins coûteuse pour le moment reste l'éolien qui a presque atteint la parité à
certains endroits, c'est-à-dire que le coût du kilowattheure (kWh) produit par
le conventionnel est égal à celui produit par les énergies renouvelables. Dans
cette première étape 2011/2013 du programme national des énergies nouvelles et
renouvelables, on va faire les études pour savoir où se trouve réellement le
potentiel. Pour l'éolien, ce qu'on sait est qu'il n'y a pas beaucoup de
potentiel. Mais nous ne disposons pas de beaucoup d'études précises disant que
l'on a exploré tout le territoire national. On a un certain nombre de projets
qu'on va lancer et on a besoin de savoir où les situer. La centrale éolienne
dont les travaux ont démarré en 2011 à Adrar a été faite aussi dans ce sens. On
va tester ce genre de technologies au niveau d'Adrar qui est une région très
agressive. En terme de formation, les données que l'on va récolter par rapport
à l'exploitation de la centrale d'Adrar et de celles de Ghardaïa et Hassi R'mel nous permettront de
connaître ce qu'il faudrait éviter de faire. Et de savoir où il faudrait axer
davantage la Recherche
et développement (R&D). Ça nous permettra de tirer beaucoup d'enseignements
pour le lancement effectif du programme.
Avez-vous fait
appel à l'expertise des spécialistes étrangers ?
On a lancé des
appels à manifestation d'intérêt pour la réalisation d'une usine du silicium, un
centre d'homologation des équipements et une CSP de 150 mégawatts car on sait
qu'on ne peut pas les faire seuls. C'est donc un des moyens d'avoir un certain
niveau de transfert de technologie. Il y aura des partenariats qui vont viser
l'aspect industrie et d'autres qui vont viser l'aspect R&D.
Ces appels ont-ils
suscité l'intérêt des compagnies étrangères activant dans ce domaine ?
Nous intervenons
en amont et cet aspect est pris en charge en aval. Mais il semblerait qu'il y
ait eu beaucoup de retraits des cahiers des charges et beaucoup de partenaires
sont intéressés.
Il y a aura
d'autres appels à l'avenir ?
C'est le
département de l'intégration industrielle qui lance les appels à manifestation
d'intérêt. Je peux juste vous dire que nous sommes dans une phase pilote. Nous
construisons en marchant. Nous commençons petit pour atteindre les objectifs
globaux du programme. Ce que nous lançons ce sont les projets de la phase pilote.
Quels sont les
volets qui vous font peur dans la mise en Å“uvre du programme ?
Qui nous font peur
? Non, cela ne se présente pas ainsi. Il est vrai que le lancement de ce
programme est un défi car il est directement lié au volet industrie. C'est un
volet majeur. L'industrie doit se reposer sur les produits de R&D. Pour
intégrer localement un équipement, on devra soit acheter une licence, soit
avoir des chercheurs qui vont breveter des produits. A ce niveau-là, on a
besoin que les chercheurs nous accompagnent. On a besoin qu'il y ait toute
cette coordination d'efforts au niveau national pour que chacun mette du sien
et Å“uvrer tous vers un objectifs commun, celui d'avoir en 2030, une industrie
qui pourrait apporter beaucoup à l'économie nationale.
Croyez-vous que
l'Algérie est capable d'atteindre en 2030 l'objectif de produire 40 % de son
électricité à partir des énergies renouvelables ?
Si l'on n'y
croyait pas, on ne l'aurait pas fait. Bien sûr que nous y croyons ! (sourire).
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Posté Le : 29/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Farouk Djouadi
Source : www.lequotidien-oran.com