Algérie

Djamel Allal, citoyen et sentinelle Réhabilitation du chemin des touristes dans les gorges du Rhumel



Djamel Allal, citoyen et sentinelle Réhabilitation du chemin des touristes dans les gorges du Rhumel
De notre correspondant à Constantine
A. Lemili

Il est des personnages particuliers dans la ville des ponts. D'aucuns considèrent souvent et de la manière la plus arbitraire d'individus à la marge. Ce qui n'est évidemment pas le cas. Et parmi ces personnages qui se comptent sur les doigts d'une main et qui dérangent, parce qu'ils dérogent aux normes établis, au conformisme ambiant, il y a Allal Djamel, artisan dinandier et plus artiste de la dinanderie qu'artisan d'autant plus qu'il n'hésite pas à quitter son atelier pour «tracer», comme il le dit lui-même, sur une direction non pas dans l'espoir de trouver ce à quoi il pense mais plutôt persuadé de trouver, parce que «j'ai lu quelques précieux et négligés ouvrages trouvés chez un bouquiniste et consulté les cartes qui y étaient jointes en annexe» quelque chose, précisera-t-il.
Dans les quêtes, au demeurant risquées, qu'il engage dans des endroits plus qu'isolés quoique se trouvant dans la périphérie immédiate de la ville, il déniche effectivement ces «choses» dont il nous informe avant de démarcher les établissements et services compétents en la matière, lesquels bien entendu lui prêtent oreille attentivement mais sans plus. Aussi combien de fois a-t-il signalé la présence de vestiges dévoilés à la suite de petits accidents naturels tel un glissement de terrain ou à la suite d'une pluie diluvienne qui aurait quelque peu «lessivé» des flancs de rochers, collines'Tout cela en vain et il a appris à le savoir et à ne plus s'en faire sauf à nous en parler. Plus particulièrement à La Tribune dont il assimile le besoin de traiter le sujet comme son besoin à lui de jouer l'archéologue amateur et comme nous l'avons déjà qualifié une fois d'Indiana Jones local.
Ces derniers temps son violon d'Ingres est de reconstituer, par la photo, le cheminement intégral du chemin des touristes, cette voie pédestre à flanc de rocher surplombant le Rhumel dont tout le monde ne fait que parler, voire fantasmer sans trop connaître en réalité. Ce qui est quelque part légitime compte tenu de la dangerosité des lieux et des difficultés d'accès. Des difficultés qui ne l'ont en rien dissuadé puisqu'il passe des journées sur place à collecter tous détails, comme comment remonter à l'origine d'une eau qui ruisselle à travers parois ', à visiter anfractuosité, passage et autres grottes. Dans l'une d'entre elles, dans laquelle il s'est engouffré, il a cru remarquer des graffitis sur les murs. Cela pourrait être des peintures rupestres et jusque là nul n'en a parlé officiellement, et comme les murs ont été salis par la fumée du feu de bois allumé par des individus qui s'en servent comme antre de leurs libations, il y a nécessité de procéder à un sérieux nettoyage. Ce que Djamel a envisagé de faire dès que les chutes de neige et de pluie cesseront.
Les moyens de rejoindre la grotte n'étant pas facile en raison d'une boue et du risque de chute dans le précipice.
Ces investigations ne l'ont pas empêché d'engager des démarches auprès des Directions, de la culture et du tourisme, qui prennent l'intérêt de ce personnage, qui n'a pas la gueule de l'emploi à leurs yeux, juste pour une curiosité passagère sans pour autant que leurs services y prêtent eux-mêmes une attention pour laquelle leurs attributions les obligent. Cette démarche nous l'avons faite officiellement dans le cadre de notre fonction pour savoir que «Le chemin touristique va être réhabilitée», nous dira l'architecte en charge du projet au nom de la Direction de wilaya du tourisme. Soulignons qu'il aura fallu que Constantine soit «décrétée» capitale de la culture arabe pour l'année 2015 pour que les choses donnent l'impression de vouloir s'accélérer. Sauf qu'à vingt-deux mois de l'évènement, tout est encore dans les tiroirs et dans le meilleur des cas sur les bureaux en attendant que «Le ministère revoit à la hausse le budget initial de 20 milliards de centimes accordé pour la réhabilitation du chemin des touristes», précisera notre interlocutrice (l'architecte) pour ajouter suite à notre question que «celle-ci, en plus des délais raisonnables de réalisation (24 mois) coûtera au bas mot le double compte tenu de l'offre du concurrent (une société française) le moins disant retenu dans le cadre de la consultation lancée à ce sujet. D'ailleurs pour être plus précise il faudrait mobiliser encore plus d'argent parce que nous envisageons d'accompagner cette réalisation par des installations annexes (des haltes conviviales : cafétéria, restauration rapide, kiosque, échoppes de divers produits traditionnels, artisanaux, petites aires de repos')». Beaucoup d'ambition même si celle-ci vient bien en retard pour un projet évoqué depuis plus d'une vingtaine d'années et qui, tel l'arlésienne, n'a toujours été qu'une vue de l'esprit. Quoique nous soyons très peu optimiste sur la concrétisation dans les temps et surtout les normes de ce projet, Djamel A., duquel nous avons sollicité l'avis, est plutôt confiant «Si, je crois personnellement que tout cela est réalisable parce qu'en fait la matérialisation de l'ouvrage, même si aux yeux d'un néophyte semblerait pharaonique, est faisable dans la mesure où l'itinéraire existe déjà et qu'il suffirait juste de lui restituer son ancienne
consistance. Si au début du XIXe siècle cela a pu se faire avec des moyens à la limite artisanaux, il n'y a pas de raison avec l'évolution des techniques et technologies du 3è millénaire de ne pas réaliser un ouvrage qui, aux yeux des gens du métier, ne serait, toutes considérations gardées, qu'une bricole».
C'est dans ce cas là tout le mal qui pourrait être souhaité à une ville riche en potentialités culturelles, touristiques, architecturales, historiques et qui s'en va à vau-l'eau sans que nul ne s'en soucie et que les seuls cris d'orfraie poussés par certaines sentinelles ne sont en réalité que de l'esbroufe.
Concluons, enfin, sur le fait que Djamel Allal est devenu, dans l'anonymat le plus total pourtant, une référence aux yeux des touristes français depuis qu'il a lancé un blog où il ne fait que déposer les photos qu'ils réalisent à travers ses pérégrinations et les différents articles de presse qui mettent en exergue la ville de Constantine. Il y a lieu de noter que son engagement est désintéressé et s'est toujours refusé à être rémunéré par les étrangers qui ont fait le déplacement. Mieux encore, les dépenses c'est plutôt lui qui les engage sur ses propres ressources, lesquelles sont pourtant très modestes.
L'opportunité lui a été donné d'accompagner Yann Arthus Bertrand quand il avait réalisé un de ses reportages dans la ville des Ponts. Rares sont ceux qui le savent et il nous parait des plus légitimes d'en parler pour que les Constantinois sachent, justement, qu'ils existent des personnes qui font beaucoup pour la ville sans qu'elles n'aient besoin de se trouver sous les feux de la rampe.


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