Le Maroc commémore, jeudi, le dixième anniversaire des attentats de Casablanca. Des actes commis par des groupes jihadistes, mais organisés par des habitants d'un célèbre bidonville de Casablanca, Sidi Moumen.
Le 16 mai 2003, une série de cinq attentats-suicide secouent la ville de Casablanca, et plongent dans la terreur un Maroc jusque-là épargné par le djihadisme. Le pays a alors basculé dans une féroce lutte contre les réseaux terroristes: plus d'un millier de personnes, soupçonnées de terrorisme, sont arrêtées et placées en détention, au lendemain des attentats, qui ont fait une quarantaine de morts. Les services de sécurité marocains ont aussi découvert que des cellules dormantes d'Al Qaida s'étaient établies dans le pays.
Pour les sociologues marocains, l'émergence du terrorisme au Maroc est largement le fruit de la pauvreté. Ils en veulent pour preuve le fait que les 11 kamikazes, qui avaient planifié et exécuté les attentats, sont issus du bidonville de Sidi Moumen, les ex-Carrières Thomas des années 1920.
Dix ans après les attentats-suicide qui avaient notamment ciblé un luxueux hôtel de Casablanca et la Casa Espagna, la pauvreté, invoquée par les experts comme étant à l'origine de l'acte des jeunes de Sidi Moumen, est toujours omniprésente dans ce bidonville, mais également dans les autres ''favelas'' de la capitale économique du Royaume. Après les actes terroristes qui avaient ciblé cette année-là le consulat américain de Casablanca, la presse locale et les ''experts'' avaient pourtant invoqué les dures conditions de vie dans les bidonvilles qui encerclent la métropole marocaine. Aucune des promesses de l'Etat pour l'amélioration des conditions de vie à Sidi Moulen, secoué en 2007 par un autre attentat terroriste contre un cybercafé, n'a été réalisée.
Colère urbaine
Colère urbaine ou djihadisme' La frontière reste ténue. Toujours est-il que les actes désespérés nourris par la pauvreté sont légion au Maroc. Mardi, un marchand ambulant est décédé à l'hôpital à Marrakech, après s'être immolé pour protester contre la confiscation de sa marchandise par les policiers. Un geste similaire à celui de Bouazizi, qui avait enflammé la Tunisie, il y a deux ans, déclenchant le « printemps arabe ». "Les autorités locales ont confisqué sa charrette chargée de vieux meubles qu'il vendait pour gagner sa vie. C'est le sentiment d'injustice qui l'a poussé à tenter de s'immoler", estime Mohammed Ghelloussi, représentant de l'Association marocaine des droits humains (AMDH) à Marrakech. Depuis février 2011, une dizaine de personnes ont succombé à leurs blessures après avoir tenté de s'immoler par le feu, sur fond de protestation.
Illusoire débidonvillisation
Plusieurs opérations de débidonvillisation du poumon financier du Maroc ont été lancées ces dernières années. En vain, car, selon des sociologues, des milliers de migrants ruraux continuent d'affluer vers la ville, en quête d'emplois stables et de confort social. A Casablanca, une vingtaine de bidonvilles ceinturent la ville, d'Est en Ouest, et du Sud au Nord, comme une gigantesque excroissance urbaine qui lézarde chaque jour un peu plus le mobilier urbain de la ville. Selon le conseil de la ville, il y a au moins 20.000 familles entassées dans la plus fameuse ''favela'' casablancaise, ''Douar Skouila'', suivie des ''carrières Thomas'', le fameux Sidi Moumen, d'où sont issus les kamikazes des attentats du 16 mai 2003, alors que plus de 82.000 familles vivent dans d'autres bidonvilles, dont certains érigés à l'intérieur même de la ceinture urbaine, à ''Derb Ghallef'' ou près de ''Derb Soltane''.
Les entrailles de Casablanca
L'expansion des bidonvilles à Casablanca est liée à la formidable concentration d'activités économiques de la ville. Le port traite à lui seul un peu plus de 70% du trafic marchandises du pays, et les activités industrielles et financières y sont fortement implantées, avec la plus vieille place boursière d'Afrique, inaugurée en 1928.
Les premières baraques, faites en matériaux hétéroclites, sont apparues à Casablanca dans le quartier des Roches Noires, près de l'Océan et du port, lorsque les ouvriers qui construisaient la première centrale thermique du Maroc, avaient choisis de s'y établir avec leurs familles, tout près du chantier. Des quartiers sommaires, construits près de carrières et de chantiers, de ruraux fuyant la misère des campagnes, verront ainsi le jour à partir des années 20 et 30. Ils seront désormais appelés par leurs occupants ''caryane'', un terme actuellement utilisé pour désigner les quartiers de bidonvilles dans tout le Maroc, et dont l'origine étymologique n'est autre que le mot ''carrière''.
Au Maroc, il y a, selon un rapport officiel, plus de 10% de ménages vivant dans des bidonvilles, la plupart dans les ''entrailles'' de Casablanca. En mai 2003, le plus ''populaire'' des bidonvilles de Casablanca, Sidi Moumen, est brutalement sorti de l'anonymat. Il ne laisse plus personne indifférent, les sécuritaires au premier rang. Malgré le démantèlement, selon des sources sécuritaires, de 123 cellules terroristes depuis mai 2003, la menace terroriste est toujours là. L'attentat de Marrakech en 2011 en a fourni une nouvelle preuve.
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Posté Le : 15/05/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Boualem Alami
Source : www.maghrebemergent.info