Les labiacées : origan, marjolaine, sarriette, menthe, thym... sont largement utilisés dans la cuisine maghrébine, probablement depuis fort longtemps, en zone rurale. Mais ici aussi, le thym tient une place prépondérante dans l'herbier magique : son usage est requis dans tous les moments clés la vie, considérés comme dangereux car susceptibles de faire naître l'envie chez les mauvais esprits.
Or, il a le pouvoir de les tenir à distance. Dans les zones rurales de Kabylie, il est notamment utilisé lors de cérémonies de circoncision et de mariage. Le circonciseur brûle du benjoin et du thym et les place dans une corne; il souffle alors vers l'enfant nouvellement circoncis pour que la blessure se cicatrise et qu'il ne soit pas la proie des forces du mal. Lors du bain précédant la cérémonie nuptiale, on fait couler de l'eau du soc d'une charrue sur la mariée et elle est lavée avec un savon dans lequel a été incorporé du thym. Quant à cet usage magique, il est difficile de déterminer s'il est à rattacher à d'antiques traditions berbères ou date de la présence romaine. Toujours est-il que les diverses variétés de thym et d'origan appelés za'tar tout comme au Moyen-Orient et souvent confondues entre elles sont couramment utilisées en cuisine. Les berkoukes à l'origan, le beurre fondu filtré à travers des touffes de thym et la salade de concombre râpé au thym frais pour ne citer qu'eux, font partie du patrimoine culinaire maghrébin. Protection maximale Peut être plus que le thym, le laurier joue un rôle primordial dans les rites religieux gréco-romains. Les feuilles de l'arbuste dégagent une odeur agréable même en brûlant et ont la particularité de rester vertes toute l'année. Aussi est-il tenu comme une plante toute-puissante pour tenir les esprits à distance et s'en protéger. De là, l'usage de planter un laurier devant les maisons ou à tout le moins d'en disposer des rameaux à l'entrée, de porter sur soi des morceaux de bois de laurier et même, pour les plus superstitieux, d'en mettre des feuilles dans sa bouche en sortant. En cas d'épidémies - que les anciens attribuaient à de mauvais esprits ' le laurier était utilisé comme répulsif. Selon la légende, c'est l'usage qu'en aurait fait Branchus, jeune homme de Milet doté par Apollon du don de prophète, en agitant les branches de laurier au-dessus du peuple. Apollon fou d'amour Mais les hommes ne sont pas les seuls à utiliser le laurier pour se purifier, les dieux en font autant. L'arbuste fait partie intégrante de la légende d'Apollon, ce que raconte Ovide dans ses Métamorphoses : «De son carquois, le dieu Eros lance deux flèches dont les effets sont contraires, l'une fait aimer, l'autre fait haïr. La première flèche atteint Apollon, la seconde la nymphe Daphné et soudain Apollon aime et soudain Daphné fuit l'amour. Poursuivie par le dieu amoureux, la nymphe prend la fuite à toute allure et appelle sonn père au secours : «A peine elle achevait cette prière, ses membres s'engourdissaient, une écorce légère presse son corps délicat, ses cheveux verdissent en feuillages, ses bras s'étendent en rameaux... Apollon l'aime encore. Eh bien!, dit le dieux, puisque tu ne veux pas être mon épouse, tu seras au moins l'arbre d'Apollon». Le laurier est avec le trépied d'un des attributs majeurs du dieu en tant que fondateur du sanctuaire, de Delphes et divinité oraculaire. La pythie, son oracle, se baigne dit-on dans la fontaine de Castalie, s'offre aux fumées d'un feu de laurier et de farine d'orge et jeûne trois jours durant en mâchant des feuilles de laurier. Ce n'est qu'ainsi purifiée qu'elle prend place sur le trépied sacré. Et c'est encore au laurier qu'Apollon fait appel pour purifier Oreste après le meurtre de sa mère. Trois vases du IVème siècle avant J.-C. détaillent la cérémonie: sur l'un d'entre eux, Apollon tient une branche de laurier de la main droite au-dessus de la tête d'Oreste et l'asperge, de la gauche, d'un liquide contenu dans un bol. Au fil du temps, le laurier va aussi devenir le symbole des soldats qu'il protège et son statut va naturellement glisser vers le symbole de la victoire. Les vainqueurs avaient le front ceint d'une couronne de laurier (d'où le mot baccalauréat de bacca laurea, baie de laurier). Une couronne que, dit-on, Jules César affectionnait particulièrement parce qu'elle cachait sa calvitie naissante. Mais qu'en est-il de l'usage du laurier en cuisine chez les Grecs et les Romains ' me demanderez-vous. Chez les Grecs, nous en savons peu de choses mais il est attesté chez les Romains. Caton nous indique que son écorce était employée dans des gâteaux, et ses feuilles sont mentionnées dans de nombreuses recettes d'Apicius. Voilà vous savez presque tout du délicieux laurier-sauce, qui ne donne jamais de fleurs, au contraire du très toxique laurier-rose à n'utiliser en cuisine en aucun cas... Suite et fin In MFI n° 79
Posté Le : 10/10/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : M Z
Source : www.lnr-dz.com