Maintenant que le
tirage au sort de la Coupe du Monde de football 2010 a eu lieu et que les
Algériens ont enfin une bonne raison pour détester les Anglais, les Etasuniens
et, pourquoi pas, les Slovènes, il est peut-être utile de revenir à
quelques-uns des aspects d'une qualification qui continue de faire couler
beaucoup d'encre, empoisonnée au point que l'on en arrive à se dire qu'il est
heureux qu'Algérie et Egypte n'aient pas de frontières communes...
Après la publication de ma chronique
intitulée « un moment algérien », j'ai reçu plusieurs messages dont deux vont
alimenter le présent texte. Commençons par le premier courriel, expédié du
Caire par un universitaire marocain. Voici ce qu'il m'écrit. « J'ai vibré avec
l'équipe algérienne pendant les match du Caire et de Khartoum. Je suis heureux
de la qualification d'un pays maghrébin mais je suis malheureux de voir deux
pays phares du monde arabe se donner ainsi en spectacle devant la planète
entière. Bien sûr, les Egyptiens ont caillassé le bus des joueurs algériens.
Mais vous avez attaqué leurs maisons et leurs commerces. Tout ça pour quoi ?
Pour un match de football... Je sais que vous êtes loin mais tendez l'oreille
et écoutez les rires satisfaits des Israéliens ! ».
En lisant ce courriel, j'ai éprouvé des sentiments
mitigés. Oui, c'est vrai, tout ceci n'est guère honorable et il n'y a pas de
quoi être fier quand on lit ces insultes échangées des deux côtés sans oublier
tous ces montages musicaux diffusés sur le net où c'est à celui qui blessera le
plus profondément l'autre. Il est évident que la grève des enseignants
algériens aurait mérité bien plus d'attention et de débats que cette guéguerre
médiatico-diplomatique dont on se demande jusqu'à quand elle va durer et,
surtout, de quelle manière elle va se terminer.
Il ne faut pas être un grand expert
géopolitique pour comprendre que l'Egypte va mal (ce qui ne veut pas dire que
l'Algérie aille mieux...). C'est un pays qui vit une fin de règne peuplée
d'incertitudes, qui a subi ces dernières années plusieurs revers, qui voit son
influence diplomatique s'effacer au profit de la Syrie et des pays du Golfe,
Arabie saoudite en tête et qui, en réalité, n'a jamais réussi à assumer la paix
conclue avec Israël.
Dès lors, on peut comprendre pourquoi une
défaite sur un terrain de sport peut offrir à ses dirigeants une occasion rêvée
de flatter un orgueil quelque peu anémié.
L'essentiel dans l'affaire est de raison
garder. Nombreux sont les Algériens qui ne connaissent rien de l'Egypte.
Attention donc aux clichés et aux insultes faciles. Même en n'ayant guère de
considérations pour les Egyptiens, soyons attentifs à une seule chose : à ce
que l'irréparable ne se produise pas et que tous les ponts ne soient pas
coupés. En un mot, si vous avez dans vos connaissances, un ‘omda, un douktour
ou un bach-mouhendasse (désolé, je ne peux pas m'en empêcher...), n'hésitez pas
à lui envoyer un mot gentil.
Evoquons maintenant le second courriel. En
voici le contenu complet : « Je suis française, me dit son expéditrice. Je vis
à Khartoum et regrette que le soutien de la population de Khartoum, un vrai
délire, à fond avec l'équipe d'Algérie, n'ait pas été évoqué comme il se doit.
Des femmes étaient dans les stades pour
soutenir l'équipe algérienne (algériennes et soudanaises) ; pendant plus de 3
jours toute la ville était en fête, les habitants de Khartoum dans leur grande
majorité exhibaient le couleurs algériennes, flottant partout. ».
Et d'ajouter : « Les rues étaient pavoisées
de ces couleurs, idem pour les taxis, balcons, etc. Les piétons, filles et
garçons, n'étaient pas en reste, et c'était très touchant de les voir passer
avec le drapeau (algérien) sur l'épaule ou enroulé autour du corps. Khartoum et
sa population ont vibré avec les Algériens, je n'ai pas croisé un seul
Soudanais qui n'ait pas tari d'éloges pour l'équipe algérienne et les
Algériens. Je passe sur les commentaires plus «politiques» des aînés soudanais
sur ce qu'ils ont appris au contact, bien que bref, des Algériens ; de la
bouffée d'oxygène qu'a apportée cet évènement à Khartoum... Bref, pour avoir
vécu le mois de juillet 1962 en Algérie, c'est à ce seul moment que pouvaient
être comparées ces journées de novembre à Khartoum. Dommage que le public
soudanais ait été quelque peu oublié, il est pour quelque chose lui aussi dans
cette victoire. ».
J'espère que le fait de reproduire ce message
atténuera un peu cet oubli. Il est vrai que rares ont été les articles et témoignages
à propos de cet accueil mémorable et fraternel. Et cela m'amène à évoquer des
souvenirs pas si lointain où la presse algérienne, la même qui aujourd'hui
taille des costumes aux Egyptiens, s'en prenait aux Soudanais, les accusant de
mille maux et de mille turpitudes notamment de soutien logistique aux groupes
armés. C'était au milieu des années 1990 et, à l'époque, l'Egypte et ses plans
antiterroristes nous étaient montrés en exemple tandis que le Soudan faisait
office d'antre du mal absolu...
Tout cela pour dire qu'il y a des ennemis
réels et ceux que l'on nous fabrique pour les besoins du moment. A ce sujet, un
ami algérien m'a affirmé il y a quelques jours qu'il était persuadé que ce
psychodrame algéro-égyptien a vraisemblablement été concocté de concert par les
moukhabarate des deux pays de manière à occuper des peuples de plus en plus
tentés par une contestation radicale. Je lui ai répondu, moqueur, que je
reconnaissais bien là l'habituelle paranoïa algérienne. Mais je vous avoue que,
par moments, j'ai comme un doute...
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Posté Le : 10/12/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Akram Belkaid
Source : www.lequotidien-oran.com