Il est des signes
qui ne trompent pas. La banalisation du racisme fait des pas de géant en
France, témoin l'affaire de discrimination soulevée par le site Médiapart. Selon le journal, des quotas seraient ainsi
imposés aux centres de formation pour qu'ils accueillent moins de 30 % de colorés.
La ministre des
sports, Chantal Jouano, interviewée par le journal Le
Monde, promet une enquête, des condamnations en se drapant dans les plis de la
vertu outragée. Pas de ça chez nous, proclame-t-elle. Voilà des déclarations
rassurantes, bientôt démenties par une dernière phrase mystérieuse.
Paraphrasant Fabius, Madame Jouano affirme que ces
quotas seraient une très mauvaise réponse à un vrai problème. Quel vrai
problème, Madame la Ministre
? s'enquiert le journaliste du Monde. Ce qui est advenu
en Afrique du Sud, et qui montre la nécessité de l'exigence de valeurs
éthiques, répond la
Ministre.
La boucle est bouclée. Les dirigeants de la FFF, si l'affaire était
avérée, auraient donc fourni une mauvaise réponse, l'instauration de quotas, à
une vraie question, celle de l'absence de morale dans l'équipe de France. En
creux, Madame Jouano établit un lien entre la couleur
de l'équipe de France et les débordements sud-africains dont elle s'est rendue
coupable. Ce ne sont certainement pas les arguments alambiqués sur la double
nationalité qu'avancent certains pour justifier par avance la position de la FFF qui changeront
l'impression désastreuse qui se dégagent de cette
affaire.
Tout le monde
sait que la montée du racisme n'a pas des effets négatifs que sur ses victimes.
Bien sûr, ces effets sont réels et ils se manifestent depuis… toujours ! Depuis
toujours, en effet, la couleur de peau divise par quatre les chances d'accéder
à un emploi, par dix celles de trouver un logement, par vingt celles d'être
admis dans un dancing. Ces scandales ne constituaient donc pas un vrai problème
puisqu'ils n'ont pas retenu suffisamment l'attention des autorités, la
meilleure preuve étant le fait qu'ils perdurent. Non, la montée du racisme
renseigne beaucoup sur l'évolution d'un pays, peut-être devrions-nous dire
l'involution, la crispation, la petitesse. Une grande nation doit contenir la
poussée des beaufs, en aucun cas permettre à leur discours de s'imposer comme
la norme.
Une suggestion pour les beaufs qui ont pris le
pouvoir, semble-t-il.
Vous avez réussi à maintenir Noirs et Arabes
en dehors du cercle de la connaissance, des responsabilités gouvernementales et
électives. Vous avez réussi à les empêcher d'investir les beaux quartiers en
les limitant aux cités périphériques que vous ne visitez jamais.
Vous avez échoué à les endiguer dans le
domaine du sport. Vos champions en football, handball, basket-ball, votre
unique vainqueur de Roland-Garros, sont
majoritairement issus de ces populations que vous essayez depuis toujours de
supprimer de votre champ visuel. Vous les avez glorifiés parce qu'ils vous ont
amenés au triomphe. Je vous suggère la cohérence. Déclarez que vous ne voulez
plus de ces titres acquis par des gens que vous détestez. Proclamez que vous rendrez
cette coupe du Monde que vous devez à deux coups de tête beurs. Indignez-vous
qu'un troisième coup de tête non moins beur vous a privés d'un deuxième titre
mondial !
Des champions du
monde, vous en avez eu par le passé. Ces Noirs et ces Arabes qui sont venus
vous libérer en 14-18 et en 39-45. En 1921, un ossuaire commémorant le
sacrifice de dizaines de milliers de soldats morts durant la première guerre
mondiale a été inauguré à Douaumont. Dans les dizaines de milliers de noms qui
couvraient ses parois, il était impossible de trouver un Abdelkader ou un
Mamadou, tout juste bons à mourir et à oublier. Il a fallu attendre les années
2000 pour qu'on construise une modeste annexe à l'ossuaire avec de noms
africains et arabes. Durant la deuxième guerre mondiale, des dizaines de
milliers de soldats africains et maghrébins de l'armée d'Afrique sont morts en
Provence. Les survivants ont été interdits de monter à Paris pour participer
aux fêtes de la
Libération. L'armée d'Afrique avait été blanchie pour qu'elle
fasse meilleure impression sur les Champs-Elysées.
Puisque nous sommes dans le registre des
suggestions, pourquoi ne pas rétablir officiellement le délit de faciès ? Il a
fait merveille autrefois, le 17 octobre 1961, quand la police a eu à faire le travail
délicat de tri des gens qu'elle avait le droit de balancer dans la Seine…
La ligne de
défense de la Fédération Française de Football mérite qu'on s'y
attarde.
On nous explique
que :
• Il faut former
d'autres types de footballeurs, plus techniques, plus intelligents, arrêter
avec les blacks puissants et costauds.
• Il faut tenir
compte du fait que les Blacks et les Arabes ont souvent la double nationalité
et qu'ils choisissent fréquemment de jouer sous les couleurs du pays de leurs
aïeux. Il faudrait donc limiter leur présence dans les centres de formation au
motif que l'investissement se révèle être à fonds perdus dans la plupart des
cas.
Le premier
argument est proprement consternant mais pas surprenant. Eric Zemmour nous apprenait naguère que les Blacks et les Arabes
étaient majoritairement des dealers et des trafiquants, ce qui justifie à ses
yeux les contrôles au faciès. Ce même Zemmour a eu
droit à une ovation debout de la part du parti majoritaire. Alain Finkielkraut déclarait il y a peu à un journal israélien,
le Haaretz, que la France
était devenue la risée du monde parce que son équipe de football était black,
black, black. Pas de sanction là non plus et maintien du susdit à la tête d'une
émission de culture sur la radio publique du même nom. On apprend que le
Directeur Technique National Blaquart a été suspendu
à la
Fédération. Ce n'est sans doute pas une lumière. Mais ses
écarts de langage paraissent bien modestes par rapport aux déclarations de ces
intellectuels patentés.
Le second argument est confondant. Ainsi, le
débat qui s'est tenu à la FFF,
et dont le verbatim a été rapporté par Médiapart,
n'avait pour objet que de limiter la perte d'argent occasionnée par la
formation de joueurs que des pays étrangers viendraient débaucher au prétexte
d'une attache aussi ancienne que fantasmatique.
Argument
recevable ? Voire.
Personne n'ignore
qu'Amédéo Modigliani est un peintre français et qu'il
a participé par son Å“uvre au rayonnement de la France. Qui sait qu'il
a étudié à Livourne puis à l'Académie des Beaux-arts de Florence avant de
s'établir en France ? C'est donc bel et bien l'Italie qui l'a éduqué, financé
et, dans une large mesure, façonné. Picasso a vingt ans et une déjà longue
carrière artistique entamée à l'âge de huit ans avec son tableau fétiche, le
Petit picador jaune, qu'il conservera jusqu'à la fin de ses jours, quand il
s'installe à Paris en 1901. La
France a-t-elle eu le bon goût de remercier l'Espagne pour
lui avoir fourni à titre gracieux un artiste dans la plénitude de son génie ?
Marie Curie, double Prix Nobel de physique et
de chimie, est arrivée à Paris de sa Pologne natale à l'âge de vingt-quatre
ans, nantie d'une formation extrêmement solide qu'elle doit aux établissements
d'enseignement de son pays. La
France a-t-elle remercié la Pologne pour le superbe
cadeau qu'elle lui faisait ?
Quelqu'un s'est-il inquiété de savoir que le
Georges Charpak âgé de sept ans, venu lui aussi de Pologne, ne devrait
peut-être pas être inscrit dans une école française au motif qu'il aurait pu
choisir de concourir pour son pays natal et lui offrir le Prix Nobel ?
Que faire des
médailles glanées par Eunice Barber et de tant
d'autres basanés ou carrément noirs, nés dans les cités ghettos et qui ont une
ascendance problématique ?
Officiellement, la France prône l'immigration
choisie. En termes clairs, cela signifie qu'elle s'autorise à faire son marché
dans les pays du tiers-monde et s'y approvisionner à titre gracieux en
médecins, informaticiens…, déjà formés par des pays qui acceptent qu'une partie
de leurs populations meure de faim pour assurer l'éducation de leurs enfants.
Messieurs de la Fédération,
vous êtes sans doute avertis des choses du football. Votre ignorance du reste
devrait vous dispenser de vous aventurer sur des territoires que vous n'avez
pas l'habitude d'aborder. Il est vrai que le climat actuel est favorable à
l'expression la plus large des sentiments les plus malsains, ceux qu'on cachait
naguère et qu'on exhibe aujourd'hui. Vous ne méritez ni considération ni excès d'indignité.
Votre sortie n'a été rendue possible que par les apprentis sorciers qui
travaillent, et qui sont peut-être en train d'y réussir, à la déculpabilisation
du racisme, à la montée de la haine et au futur embrasement de la société.
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Posté Le : 05/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Brahim SENOUCI
Source : www.lequotidien-oran.com