Discrimination

Les discriminations restent une réalité douloureuse en France, malgré les belles intentions de politiques volontaristes menées depuis au moins trente ans. Etat des lieux avec la revue Ecarts d'identité, publiée à Grenoble.La dernière parution de la revue Ecarts d'identité, parue cet été, porte sur le thème tellement d'actualité : «Discriminations : histoire et territoire». Une série de communications, toutes aussi passionnantes les unes que les autres, mêmes si parfois elles sont ardues, développent cette question sensible dont souffre aujourd'hui, et de plus en plus au fil des décennies, la société française.A juste titre, dans son éditorial, le directeur, Abdellatif Chaouite, pose d'emblée la difficulté en explicitant que malgré «le déploiement d'une pédagogie et de politiques publiques dites de lutte contre les discriminations, celles-ci se perpétuent». Ainsi, le sociologue Jacques Barou, du CNRS, parle d'une nouvelle catégorie sociale qui se met en place sous nos yeux. Il crée un concept nouveau, que seul un néologisme peut définir, celui du «??précariat'' qui se substitue au prolétariat des débuts de l'ère industrielle».Pour lui, «la formation de frontières spatiales d'inégalité illustre, aujourd'hui, la dimension territoriale de la question sociale, dimension pas suffisamment prise en compte dans la lutte contre les discriminations». Pire encore, au bout d'une riche réflexion, il conclut que cela révèle «de façon inquiétante l'absence de propositions ou même de pistes susceptibles d'apporter des réponses pertinentes». Les gouvernements successifs qui tentent de mener des politiques visant à la cohésion sociale et la diminution de l'exclusion auront du grain à moudre à lire les autres articles de la revue Ecarts d'identité.Tel celui de Claude Jacquier, également chercheur au CNRS et PDG bénévole de l'Observatoire des discriminations, pour qui «au lieu de produire des ??prospectus'' contre les discriminations qui ne servent pas à grand-chose, quelques mesures devraient être mises en ?uvre rapidement dans toutes les institutions, certaines avec effet immédiat». Parmi ces actes, figure la proposition de «former des agents antidiscriminations». Pour sa part, dans sa contribution, Raymond Curie, sociologue, fait un historique politique et culturel des origines de la discrimination en France depuis le XVIe siècle.Les effets de l'esprit même de la colonisation ainsi que les thèses raciales de l'extrême droite sont affûtées par l'universitaire. Pour Achour Ouamara, de l'association Adate, qui publie la revue, dans la France d'aujourd'hui tous les risques viennent du fait que «l'accoutumance et le consentement à la discrimination gagnent chaque jour du terrain», peut-être sans toujours dire son nom.Ainsi, pour le musulman qui «portera toujours les stigmates du colonisé, d'où la nécessité de l'??indigéniser'' pour l'exclure du national : sauvageons, barbares des banlieues, qui occuperaient des territoires que la République se doit de reconquérir». Nous ne pouvons évidemment pas rendre compte de l'ensemble des textes, dont beaucoup d'interventions de gens de terrain, qui font de cet opus une véritable réussite, qui permet de comprendre un peu mieux et d'analyser sereinement mais avec vigueur la société telle qu'elle se présente à nous en cette fin d'année 2014.